vendredi 5 août 2022

Faire-part

Mme À-bas-les-institutions-bourgeoises et M. Plus-jamais-ça ont la joie de vous faire part de leur mariage, qui aura lieu le 3 septembre 2022 à Montrouge.

Et wuais.

Nous nous offrons mutuellement en modeste cadeau de mariage la maison qui jouxte le couvepenty. Celleux qui sont déjà venu·e·s se souviendront sans doute de nos plaisanteries continuelles sur nos projets d’annexion de la maison des voisins. C’est désormais un réel projet en cours : nous signons la promesse d’achat à l’heure de publication de ce billet !

Franck et Anne à Vilnius, 2019

Pour fêter tout ça, nous vous proposons de nous retrouver avec nos paniers de pique-nique et nos belles robes à fleurs ou nos jeans pourris au parc Montsouris le dimanche 4 septembre sur les pelouses à proximité du kiosque à musique (partie basse du parc, pas loin de la pointe Sud du lac).

Nous y serons à partir de midi pile ou un peu avant pour « réserver » la place mais vous arrivez quand vous voulez.

Allez, tu viens ?

L’écho de l’annonce est aussi chez Franck, bien sûr.

lundi 21 juin 2021

Start-up nation

J’ai commencé par un tweet énervé puis on m’a demandé de développer, ça a fini en fil twitter. Virgile m’a rappelé que j’avais un blog. Il a raison, je copie-colle le tout ici, ça permettra peut-être une lecture plus facile, des échanges plus fluides et vos compléments.


***

Je sais que je l’ai déjà dit mille fois mais c’est quand même frappant à quel point Macron et sa bande incarnent parfaitement les managers toxiques en entreprise, particulièrement dans les start-up.

Liste à compléter :

  • demander l’avis d’experts, ne les écouter que s’ils préconisent ce que tu as l’intention de faire car tu te crois plus compétent qu’eux (covid) ;
  • donner des objectifs aux équipes sans écouter leurs objections car tu penses qu’a priori ce sont des nazes peureux, sans de toutes façons leur donner les moyens de réaliser ce que tu leur demandes (les épreuves du bac) ;
  • mettre en place un management par la terreur, encourager les comportements de harcèlement (la police) ;
  • organiser des réunions ou des boîtes à idées dès qu’un dysfonctionnement apparaît, pour ne rien en faire (numéros verts) ;
  • partir du principe que les salariés sont cons, feignants, incompétents, trop payés (allocs, chômage, retraites…) ;
  • si ça chouine trop dans les équipes, recruter un cabinet d’aide au changement, parce que c’est juste qu’ils sont trop cons pour voir ton génie (la comm gouvernementale) ;
  • rejeter la faute sur les autres équipes dès que l’une d’elle vient se plaindre (public vs privé, français vs immigrés, etc.) ;
  • être persuadés d’avoir des idées géniales et novatrices parce qu’ils sont trop disruptifs, tu vois. Quoi neuf mois pour faire un gosse alors qu’il suffirait que 9 femmes qui ont la gniaque soient enceintes en même temps pendant un mois ? (la solutionnite startupienne) ;
  • commander des audits à tes potes à tire-larigot (les sondages) ;
  • réduire la R&D à peau de chagrin parce qu’ils n’ont pas été rentables sur les six derniers mois (les chercheurs) ;
  • mettre en cuisine 1 cuistot pour 2000 repas, puis déclarer qu’on va faire appel à une boîte externe parce qu’en interne ils sont trop mauvais (les services publics) ;
  • faire une méga comm sur la lutte contre le harcèlement, les violences faites aux femmes, etc. mais quand même garder ton bon pote au comité directeur parce qu’il vote toujours comme toi au CA (Darmanin) ;
  • vous ne vous sentez pas assez entendus ? On va vous fournir des post-its pour la prochaine rétro. Comment ça vous n’en voulez pas ? (les élections) ;
  • faire faire des heures sup et des week-ends à tes équipes clés (les soignants), leur offrir un t-shirt swag (les applaudissements), puis réduire drastiquement leur budget et se plaindre qu’ils ne jouent pas le jeu ;
  • et bien sûr changer ta PP en arc-en-ciel, en vert, en charlie, en chaise roulante, en whatever sur ton compte dans les réseaux sociaux mais livrer ceux qui font remonter les problèmes symbolisés par ces PP à la vindicte des collègues.

dimanche 11 octobre 2020

Iwak #11 - Répugnant

Donald Trump.


Participation à Iwak.

samedi 10 octobre 2020

Iwak #10 - Espoir

Comme le savent ceux qui me suivent sur Twitter, je surveille attentivement la situation aux États-Unis depuis l’élection de Trump. L’espoir qu’il soit battu aux prochaines élections — dans trois petites semaines — est grand et pas déraisonnable. Les démocrates progressent y compris dans des fiefs jusque là républicains comme le Texas ou la Floride. Mais cet espoir est terni par les risques réels qui subsistent, même avec la « confortable » marge de 10 à 15 points donnée par les instituts de sondage, y compris État par État.

Dans de nombreux États tenus par des républicains, tout est fait pour empêcher électeurs des villes ou quartiers à forte majorité POC (persons of color) de voter : suppression du droit de vote sous des prétextes fallacieux, invalidation de bulletins, collecte des votes par correspondance non faits, horaires d’ouverture des bureaux de vote incompatible avec les horaires des gens qui travaillent, réduction du nombre de bureaux de vote…

L’appel de Trump à sa base de « protéger » le vote. Autrement dit d’intimider les électeurs en se rendant armés à proximité des bureaux, voire à l’intérieur de ceux-ci.

La fabrication d’affaires à quelques jours du vote, comme la fameuse histoire du serveur de mails privé d’Hillary Clinton en 2016, montée en épingle avec la collaboration consciente ou inconsciente des médias.

Les nombreuses déclarations de Trump faisant état d’un vote qui serait truqué par les démocrates, notamment les votes par correspondance, pour semer le doute sur le résultat s’il lui était défavorable. Compte tenu de la pandémie, un très grand nombre ont choisi de ne pas se rendre en personne dans les bureaux de vote le 3 novembre et ont choisi soit le vote par correspondance soit le vote anticipé. Ceux qui ont fait ce choix sont ceux qui reconnaissent le plus les dangers de la Covid, donc les électeurs démocrates (la différence de perception du danger selon l’affiliation politique est impressionnante). Il y a un risque réel que Trump se déclare élu sur la seule base des résultats des urnes au 3 novembre alors qu’il restera un très grand nombre de bulletins non dépouillés — dans certains États les bulletins par correspondance ne sont dépouillés qu’après le jour du scrutin.

Le résultat en faveur de Biden et Harris serait-il patent, même sur la seule base des votes en personne, nul ne sait ce qui pourrait se passer si Trump ne leur concède pas la victoire. Dans un pays où le port d’armes et les cinglés d’extrême-droite sont florissants, il y a un risque réel de guerre civile ou à tout le moins d’attentats fascistes. Il y a quelques jours le FBI a arrêté 13 hommes qui fomentaient l’enlèvement, le « jugement » et l’exécution d’une gouverneure qui avait rendu le port du masque obligatoire. Les services secrets américains alertent en vain depuis plusieurs années : le risque terroriste majeur aux États-Unis est interne et vient des suprémacistes blancs.

Et pour couronner le tout, quel que soit le résultat en novembre, la passation des pouvoirs n’intervient qu’en janvier. Ce que les républicains pourraient faire dans l’intervalle — Trump en premier lieu — en termes de politique de la terre brûlée est très inquiétant.

Ce qui se passe aux États-Unis a des implications directes pour toute la planète. Nous n’y sommes pas électeurs, il n’y a rien que nous puissions faire. Que nourrir l’espoir.


Participation à Iwak.

vendredi 9 octobre 2020

Iwak #9 - Jeter, lancer

Impressionnant le nombre d’expressions avec le verbe jeter. Son bonnet par dessus les moulins, l’éponge, des ponts, le bébé avec l’eau du bain, les bases, quelques idées sur du papier, un derrière la cravate, des braises sur le feu, la première pierre, l’argent par les fenêtres.

On a lancé le projet d’extension qui me chatouille depuis l’achat de la maison du bout du monde. Il y aura une chambre de plus, une cuisine pleine de fenêtres sur le jardin. J’ai jeté ma signature sur le devis pour les devis (cherchez pas, ça marche en plusieurs étapes ces trucs-là…)


Participation à Iwak.

jeudi 8 octobre 2020

Iwak #8 - Dents

Un dentiste m’a dit un jour qu’à part quelques chanceuses et chanceux on avait tous une faiblesse soit aux dents soit aux gencives. Moi j’ai pioché les gencives. Elles ne sont pas en bon état donc les dents se déchaussent. Mauvaise pioche, puisque du coup on perd les gencives et les dents ! L’année dernière j’ai eu droit à un curetage de toutes les dents une par une et je devais y retourner pour un détartrage « normal » au printemps. Mais voilà, tenir ma bouche ouverte à cinquante centimètres de quelqu’un ça me dit moyen moyen par les temps qui courent alors je vais attendre un brin, hein.


Participation à Iwak.

Un été à Cascais

Lisbonne - Photo Franck Paul

Je le connaissais de vue, nous avions tous deux nos habitudes dans le même café de Lisbonne. Une bonne bouille, un regard ferme. Il m’aborda un jour pour requérir mes services. Je n’avais pas le temps ce matin-là et lui donnai rendez-vous pour le lendemain. J’ai demandé à Gloria de prendre discrètement une photo pendant notre entretien. Elle est jointe au dossier.

Nous nous installâmes à une table et j’attendis que Léandro, le serveur, nous ait déposé nos cafés pour l’interroger sur la raison pour laquelle il avait besoin de moi. La plupart des enquêtes confiées par des particuliers concernent des épouses ou des maris infidèles, mais pas celle-là. Il était veuf depuis peu de temps.

« Je vois les copains partir les uns après les autres. Le mois dernier ma femme. Je ne voudrais pas mourir sans savoir… Si seulement je pouvais savoir… Léandro m’a dit que vous étiez détective privé, ça m’a décidé… »

Il avait eu quelques secondes d’hésitation, comme pour réfléchir une dernière fois, puis il se lança et me raconta son histoire.

L’été 1960 il était jeune carreleur à Cascais. Souvent il allait à la plage après avoir fini sa journée de travail. Là, il avait rencontré une jeune fille en vacances chez ses grands-parents. Elle avait seize ans et lui dix-sept. Ils avaient écouté tête contre tête le petit poste de radio portable qu’il avait acheté avec son premier salaire et qu’il plaçait sur leurs épaules. Ils avaient nagé dans les eaux claires et calmes de la Praia da Conceição. Il s’était perdu dans la contemplation des goutelettes d’eau carressant sa peau. Ils s’étaient maintes fois faufilés dans la chambrette qu’il louait, à l’insu de la logeuse. Ils s’étaient blottis sous le couvre-lit en chuchotant des mots tendres. Souvent, presque toujours, elle apportait avec elle une lettre qu’elle lui avait écrite et qu’il ne devait lire qu’après son départ. Ils avaient marché dans les ruelles du cœur de ville et observé les bateaux rentrant de la pêche. Ils avaient admiré la Boca do Inferno en se tenant la main. Il lui avait offert un petit médaillon qu’elle avait placé sur une chaînette glissée sous ses vêtements.

Et puis la fin de l’été était venue. Elle n’avait pas voulu lui donner son adresse par crainte de ses parents. Ils s’étaient donné rendez-vous à l’été suivant. Elle lui avait confié le foulard qu’il aimait tant voir dans ses cheveux : « tu me le rendras l’année prochaine », avait-elle dit comme une promesse. Mais l’été suivant il effectuait son service militaire. Celui d’après, il s’était rendu le cœur battant à Cascais mais elle n’était pas venue, la maison de ses grands-parents avait portes et volets fermés. Ils ne reviendraient pas, avait dit l’épicier tenant boutique sur le trottoir d’en face, ils habitaient désormais chez leurs enfants, dans le Nord du pays. La maison allait être vendue.

« J’aurais dû chercher mieux, insister pour connaître leur nom et la ville où ils habitaient désormais », me dit-il. « Je n’ai pas osé, j’avais peur de lui attirer des ennuis. Quand j’ai voulu le faire plus personne ne les avait connus. »

De sa main parcheminée il me tendit une sacoche en simili-cuir par-dessus la table.

« Toutes ses lettres sont là. Il y a aussi le foulard. Et la collection de cailloux et coquillages que nous ramassions sur la plage et que nous ramenions chez moi. Je vous ai écrit l’adresse des grands-parents sur un papier. Pourriez-vous la trouver ? Si elle est vivante, je voudrais lui montrer que j’ai tout gardé, que je ne l’ai pas oubliée. »

Je l’ai assuré que je ferais de mon mieux. Je lui promis de lui rapporter sa sacoche dans quelque temps, après avoir scanné les lettres et photographié le foulard et les cailloux. Je ne pensai pas que ces souvenirs me seraient bien utiles pour mes recherches mais je voyais bien qu’ils avaient beaucoup d’importance à ses yeux. Il était triste à l’idée de s’en séparer mais il aurait été plus triste encore si je lui avais dit qu’ils n’avaient aucune valeur pour ma mission. Je devais d’abord boucler une affaire, lui expliquai-je, ça ne me prendrait que quelques jours, deux semaines au plus. Il serait temps à ce moment-là qu’il me verse un premier acompte. Il sourit :

« Oh, vous savez, je ne suis plus à quelques jours près… »

De retour depuis hier, je suis allé tout à l’heure au café en espérant l’y croiser pour lui dire que j’étais revenu et que j’allais m’attaquer à son affaire. En réponse à ma question Léandro secoua tristement la tête : « Ah oui c’est vrai que vous n’étiez pas là quand c’est arrivé. Un matin Sandro est venu comme d’habitude commander son café et quand je suis revenu le lui porter il était mort. Tout doucement sans faire de bruit. Ça fait vingt ans que je le voyais tous les matins. Dans un sens je suis content qu’il soit mort “en famille”. Il n’avait pas d’enfants, quelques cousins éloignés je crois, mais c’était plutôt un solitaire. »

Je suis rentré au bureau. La sacoche est devant moi. J’en ai étalé le contenu. Ces précieux souvenirs conservés plus de soixante ans par un client qui n’est même pas un client puisqu’il n’a pas eu le temps de signer un contrat de mission ni faire son premier versement.

Cascais. C’est pas loin Cascais. Un tour aux archives pour retrouver les propriétaires de la maison à l’adresse inscrite sur le bout de papier, suivre leurs traces et retrouver leur petite-fille de 76 ans aujourd’hui. Lui remettre la sacoche et son contenu si elle vit encore. Oui, je vais faire ça, Sandro. Je lui montrerai aussi la photo et je lui dirai que vous ne l’aviez pas oubliée.


Participation au Diptyque de l’Auberge - 1.

mercredi 7 octobre 2020

Iwak #7 - Farfelu

Attrape-rêve en baie d'Audierne, juil. 2010
Saint-Jean-Trolimon, baie d'Audierne, juillet 2010.

Une somme trop importante pour être dépensée au quotidien, bien trop insuffisante pour se loger en région parisienne. Coup de tête, coup de cœur, décision farfelue d’acheter cette maison visitée par simple curiosité. Pour ce rayon de soleil frappant les lames du parquet, la vue de ces amis traversant le jardin, un bunker sur une plage décoré en attrape-rêve.

Environ meilleur achat de ma vie. Du farfelu rationnel par anticipation en somme.


Participation à Iwak.

mardi 6 octobre 2020

Iwak #6 - Rongeur

Je ne suis pas phobique mais pas loin. Je passe.


Participation à Iwak.

lundi 5 octobre 2020

Iwak #5 - Lame

Entre autres centres d’intérêt, mon fils s’est pris de passion pour la coutellerie. Cet été il a affûté avec amour les lames de nos couteaux de cuisine pendant son séjour au Gulvinec, puis il a fabriqué des sortes d’étuis avec des rouleaux vides d’essuie-tout pour que les lames ne frottent pas les unes contre les autres et les émoussent. J’observais le soin méticuleux qu’il y mettait, le regard attentif, presque tendre qu’il posait sur son ouvrage, levant les couteaux dans la lumière pour vérifier son travail. J’ai sagement écouté ses multiples conseils et recommandations, plus intéressée par la musique que par les paroles, je l’avoue.

Il est fasciné par tous les métiers artisanaux, surtout s’ils impliquent des outils ou des machines : l’ébénisterie, la coutellerie, le travail du cuir, le tissage, la cordonnerie… Il a hérité de moi la monomanie et de son père la capacité à ingérer et mémoriser un maximum d’informations sur ses passions. Pour la coutellerie comme pour le reste il a passé des heures à puiser tous les éléments historiques disponibles sur le sujet, il connaît les noms des grands couteliers à travers le monde, leur spécialité, leurs plus belles réalisations. Il peut regarder des vidéos de maîtres couteliers du matin au soir et du soir au matin. Je peux faire ça aussi, mais j’oublie si je ne m’en sers pas. Lui il stocke, il accumule, il trie, il restitue. Il combine savoirs et savoir-faire. Parfois les outils ne sont que peu ou pas impliqués : les plantes (pas trop les fleurs en revanche) ou la cuisine par exemple, ou encore les tissus et leur fabrication, tous sujets pour lesquels il accorde le même soin à explorer le champ des savoirs.

Pour son anniversaire, sa sœur lui a offert un stage chez un artisan chausseur, il est aux anges. De notre côté, à sa demande, nous lui avons offert une machine à coudre. Le voilà naviguant dans le foisonnement des vidéos, tutoriels, documents historiques, caractéristiques des tissus, matériel complémentaire. Il veut se faire un haori. J’ai hâte de voir ça.


Participation à Iwak.

dimanche 4 octobre 2020

Iwak #4 - Radio

Il y a des mots qui déclenchent un afflux d’évocations à leur seule lecture. Radio est pour moi de ceux-là, sons et images se bousculent, l’enfance se fraye un chemin jusqu’au clavier, l’adolescence remonte le courant, les nuits en voiture toquent à la porte de la mémoire.

Le poste de radio sur le buffet de la cuisine, « Mamouth écrase les prix » clame-t-elle tous les matins sur Europe 1. Maman prépare des tartines beurrées avec de la confiture ou saupoudrées de chocolat. Je guette le moment où elle ira dans une autre pièce pour les jeter subrepticement ou je dis que je les mangerai en me préparant, je les emporte et je les cache sous mon lit. Je n’ai jamais faim le matin au réveil, jamais, mais « tu ne peux pas partir à l’école le ventre vide ». Les informations, le Général a fait ci a dit ça, coup d’État au Biafra, les enfants meurent de faim finis tes tartines.

Le poste de radio sur le coin de la table au diner. Les informations, le bruit des grenades lacrymogènes, les slogans des jeunes manifestants, « CRS SS », Maman ne s’est pas préparée pour la nuit comme d’habitude, elle est restée habillée. On regarde le téléphone, on sait qu’il va sonner, ma sœur appellera d’une cabine téléphonique pour qu’on aille la chercher au Quartier latin, comme presque tous les soirs quand elle commence à avoir trop peur. Je mettrai mon peignoir en nylon matelassé et je m’allongerai sur la banquette arrière en observant le clignotement dans l’habitacle de la succession des réverbères devant lesquels nous passons, je m’endormirai quand Michèle aura été récupérée et que nous serons sur le chemin du retour.

La radio dans la voiture en rentrant de quelques jours au ski avec des copains plus âgés. Pompidou est mort, ça n’est pas un poisson d’avril, on est le 2. Tu crois qu’il est mort hier mais qu’ils ne l’ont pas dit tout de suite pour qu’on ne pense pas que c’est une blague ?

La radio sur le coin du bureau, mon deuxième emploi, j’écoute tous les jours Le tribunal des flagrants délires à onze heures trente. À quinze heures j’écouterai À cœur et à Kriss, sa voix m’envoûte, son humour tendre me charme. Le reste du temps c’est FIP qui accompagne ma journée.

Les longs trajets en voiture, l’autoradio réglé selon l’humeur et l’heure sur France-Musique, Radio Nostalgie ou France-Culture. La nuit les enfants dorment tête bêche sur la banquette arrière, j’allonge mon siège et je m’endors aussi. Le jour, souvent, on chante avec la radio. Mes enfants connaissent les paroles de tous les tubes.

La radio en différé, les podcasts sur les trajets pour aller au boulot. Je n’accroche pas autant que mon entourage à cette forme-là. Il manque l’ingrédient du rendez-vous à heure fixe, les interludes des jingles, le flash info entre deux émissions, toutes ces choses agaçantes.

Notre tuner est hors service, on a installé hier une application radio sur le kodi.


Participation à Iwak.

samedi 3 octobre 2020

Iwak #3 - Épais, massif

Nuit blanche cette nuit. Au lieu de compter les moutons, j’ai compté des pages.

S’il y a un jour un PDF réunissant les textes publiés pour l’Auberge des blogueurs, il promet d’être épais. Vraiment. 865 textes publiés. Si l’on tient compte des textes des deux personnages dont les autrices ne souhaitent pas qu’ils y figurent et celui que nous ne souhaitons pas qu’il y figure, ça fait 800 à la louche.

Quelques textes tiendront sur une seule page. La plupart s’étaleront sur deux ou trois pages, quelques-uns, en nombre non négligeable, iront jusqu’à 6 ou 7. Comptons trois en moyenne — hypothèse basse —, soit 2400 pages, plus les pages annexes (couverture, menus, règles du jeu, générique de fin, etc.), disons 2500. En imprimant recto-verso ça fait 1250 feuillets, soit deux ramettes et demie.

Imagine, tu veux emporter ça pour lire à la plage ? Il serait alors raisonnable de faire des tomes. Un par mois ça fait tout de même à peu près 420 feuillets par tome, c’est déjà trop. Ou alors un par semaine, 90 feuillets environ ? Pauvres arbres et bonjour le supplément bagages… En même temps© ça peut faire assez chic dans votre bibliothèque, à vous de voir.

Je conseille cependant d’ores et déjà aux futurs téléchargeureuses d’en rester à une lecture numérique, sur tablette ou sur liseuse s’il y a une version e-pub. Ne me remerciez pas (ça ne m’a même pas aidée à m’endormir, j’vous jure…)


Participation à Iwak.

vendredi 2 octobre 2020

Iwak #2 - Brin, mèche

Brins, ceux qu’on a tressés ensemble à l’Auberge pour notre récit collectif.
Mèche, celle qui fut plantée en août 2019 et allumée le 4 mai dernier.
Brins, 1, 2, 3, 4… tordus ensemble pour les fils de laine que je tricote.
Mèche, celles que je me suis faites en bleu pendant le confinement.
Brins, comme dans Brins d’Filles, la troupe de lycéennes féministes que nous avions constituée à la fin des années 70.
Mèche, être de mèche pour jouer en loucedé.
Brins d’herbe qui poussent dans mon jardin du bout du monde.
Mèche (vendre la), cent fois je me suis retenue.


Participation à Iwak.

jeudi 1 octobre 2020

Iwak #1 - Poisson

Je ne serais pas allée jusqu’à tracer un rectangle si l’on m’avait demandé de dessiner un poisson, mais à part la sole meunière que ma mère nous faisait deux ou trois fois par an et les poissons rouges à gagner aux kermesses, ma culture poissonnière à voir ou à manger était plutôt réduite. Elle l’est toujours, mais beaucoup moins depuis que je fréquente le bout de la terre.

Nous faisons une cure de poissons, coquillages et crustacés à chacun de nos séjours[1] au Guilvinec. Il faut dire que ça s’y prête bien, c’est le premier port de pêche artisanale (côtière et petite pêche) de France. On y pêche les célèbres Demoiselles du Guilvinec (aka les langoustines) et tout un tas de crustacés et poissons nobles, qu’on peut consommer très frais quelques heures à peine après leur pêche. Notre poisson préféré : le dos d’églefin. Fariné, quelques minutes de chaque côté dans une poele et voilà.

Voyez ? Je suis vraiment une fille de la ville. Au mot poisson j’aurais pu associer le scintillement des écailles, le ballet des bans dans les eaux maritimes, les espèces en danger. Mais non, je pense à mon assiette…

La maman du poisson elle a l’œil tout rond
Et moi je l’aime bien avec du citron.


Participation à Iwak.

Note

[1] Sauf quand mon fils est là car il déteste manger quelconque bestiole ou plante vivant dans l’eau.

Iwak (Inktober With A Keyboard)

Inktober, est un défi créé par Jake Parker en 2009 qui se déroule chaque année au mois d’octobre. Il s’agit de produire chaque jour un dessin inspiré par le mot du jour. Les dessinateurs publient leurs œuvres sur les réseaux sociaux avec le hashtag #Inktober et #Inktober2020 pour cette année.

Je suis nulle en dessin mais l’idée me plaît bien. Je me la réapproprie donc — et vous invite à jouer avec moi — en produisant des textes et non des dessins. Je signalerai mes textes avec le hashtag #Iwak (Inktober With A Keyboard / Inktober avec un clavier).

Voici la liste officielle pour cette année :

  • 1 Poisson (fish)
  • 2 Brin, mèche (wisp)
  • 3 Épais, massif (bulky)
  • 4 Radio (radio)
  • 5 Lame (blade)
  • 6 Rongeur (rodent)
  • 7 Fantaisie, farfelu (fancy)
  • 8 Dents (teeth)
  • 9 Jeter, lancer (throw)
  • 10 Espoir (hope)
  • 11 Répugnant (disgusting)
  • 12 Glissant, glissante (slippery)
  • 13 Dune (dune)
  • 14 Armure (armor)
  • 15 Avant-poste (outpost)
  • 16 Fusée (rocket)
  • 17 Tempête, orage (storm)
  • 18 Piège (trap)
  • 19 Étourdi, tête qui tourne (dizzy)
  • 20 Corail (coral)
  • 21 Sommeil (sleep)
  • 22 Chef cuisinier (chef)
  • 23 Déchirure, déchirer (rip)
  • 24 Creuser (dig)
  • 25 Copain, copine (buddy)
  • 26 Cacher (hide)
  • 27 Musique (music)
  • 28 Flotter (float)
  • 29 Chaussures (shoes)
  • 30 De mauvais augure, menaçant, inquiétant (ominus)
  • 31 Ramper (crawl)

Participant·e·s : Beur-Boy, Blagueuse, Catherine, Cunégonde, Franck Paul, Garfieldd, Gilsoub, Laurent, Lilou, Luce, Matoo, Nuits de Chine, Pablo, Séverine, Véro, Véro Zéro Sept.


PS. — J’antidate ce billet et celui qui répondra à la contrainte du 1er octobre pour être raccord. Si vous participez à vous de voir si vous récupérez le train à la station du jour ou si vous « rattrapez » le retard.

Ce qu'ielles en disent

Plusieurs autrices et auteurs ont publié un/des billet/s sur leur expérience à l’Auberge. La liste en est publiée sur le forum mais comme je ne sais pas combien de temps il va rester ouvert et que de surcroît seul·e·s les inscrit·e·s y ont accès, j’en publie la liste ici, qui sera mise à jour si d’autres textes sont publiés après ce billet.

samedi 26 septembre 2020

Jojoff

Comme je le disais hier, j’ai participé au jeu de l’Auberge avec un second personnage, Joseph Midaloff dit Jojoff.

J’ai adoré.

Ça s’est décidé très vite. Deux inscrit·e·s nous avaient fait savoir dans la première semaine de jeu qu’ielles ne viendraient pas finalement et malgré mes appels sur le forum et sur Twitter l’une des chambres ainsi libérées est restée vide.

Comme je le disais hier je n’étais pas très à l’aise avec Jeanne : profil flou, nécessité de billets passe-plat ou accusés réception, confusion entre le personnage et l’animatrice du jeu… Par ailleurs parmi les désistements et les personnages « disparus » il y avait les seuls rares profils issus de milieux populaires et je trouvais que ça manquait à notre galerie.

La règle de ne pas avoir deux personnages à la fois avait pour but qu’on ne doive pas refuser l’entrée à quelqu’un alors qu’un autre aurait occupé deux « chambres ». J’étais bien placée pour savoir que ça ne serait pas le cas même si j’avais bien conscience que je profitais du privilège d’avoir une information que d’autres n’avaient pas.

Je n’ai eu aucun mal à déterminer le profil de Joseph. Depuis longtemps je régale mon entourage des anecdotes de mes anciens collègues rotativistes, leur franc-parler, leur gouaille, leur loyauté les uns vis-à-vis des autres (parfois leurs côtés sectaires et corporatistes mais j’ai décidé de laisser cet aspect de côté pour le jeu). Je me suis largement appuyée sur deux en particulier avec lesquels j’ai suivi une homérique formation au management lors d’une grande opération d’« accompagnement au changement » dans mon entreprise. Homérique.

Joseph a fait deux séjours avec une pause d’une quinzaine entre les deux.

Pour le « pitch » du premier séjour j’avais deux souhaits : faire se démener Joseph dans l’absurdité de l’actualité (en évitant la covid) et l’ancrer dans une activité professionnelle pour pouvoir évoquer les us et coutumes des ouvriers de l’imprimerie. Sur le plan de l’écriture je voulais m’amuser à des exercices de style entre son parler naturel et ses échanges formels avec sa hiérarchie.

Ainsi est née la « mission à la con » d’un roto parigot préretraité envoyé à Bourg-en-Bresse pour un projet secret stupide du gouvernement. J’étais contente aussi d’endosser un personnage du même âge que moi, Jeanne ne pouvant décemment pas avoir une fillette de 10 ans *et* être au bord de la retraite ! Pour développer une autre forme d’écriture que ce que je faisais côté Jeanne — et aussi parce que ça me semblait plus cohérent pour son récit — les textes du premier séjour étaient des mails qu’il envoyait à trois interlocuteurs : la direction de son entreprise, son ancien collègue à Paris et sa femme Julie. La comm policée, le brut de décoffrage, l’intime. L’idée était de jouer sur les différents registres d’écriture avec la version où il écrit à sa direction et celle où il raconte la même chose à son collègue de Paris ou à sa femme.

J’ai commencé et identifié quelques jours plus tard deux difficultés principales.

D’une part il m’aurait fallu plus de temps pour dérouler tout le scénario que j’avais en tête, surtout que comme il y avait à chaque fois deux versions du récit je ne pouvais pas en placer des tonnes à chaque billet sous peine qu’ils fassent douze kilomètres de long. En outre l’histoire que j’avais en tête m’amusait beaucoup mais ajoutait trop d’éléments extérieurs à l’auberge et réclamait trop de développements et de personnages, demandant au lecteur un effort de mémorisation d’un billet à l’autre pour retrouver ses repères. Or nous étions très nombreux, c’était impossible dans le cadre de ce jeu. J’ai d’ailleurs eu l’impression que beaucoup ont décroché très vite, dès le deuxième texte. C’est en tout cas l’impression que j’ai eue au faible nombre de commentaires et à l’absence de sollicitations sur le forum.

D’autre part, comme Jojoff était à l’imprimerie une bonne partie de la journée, le cadre et les événements de l’Auberge étaient peu exploités et les interactions à peu près inexistantes. Si imaginer mon Jojoff dans sa mission me régalait j’avais aussi très envie de jouer aux interactions. Aussi, dans mon esprit à quoi bon participer si c’est pour ne se servir ni du cadre ni des personnages de l’Auberge[1].

J’ai alors peu à peu laissé tomber ce que j’avais prévu de descriptions et péripéties de la « mission » pour me recentrer plus à l’auberge. Moi qui étais en manque d’interactions, j’ai été servie : le bal du 14 juillet d’abord, plus tard l’altercation avec le comte russe, la balade à vélo avec Natou puis la partie de pétanque avec trouze mille personnes. Qu’est-ce que je me suis régalée, vous n’avez pas idée ! Je voulais continuer ça, ce kiff comme dirait Yann. Je me suis réinscrite sur une période creuse, pour un deuxième séjour jusqu’à la fermeture où je serais totalement sur place, emportant dans mes bagages ma femme Julie.

Je craignais tout de même l’effet come-back de trop et je n’avais plus la « mission alakon » pour fil conducteur. La présence de Julie m’a aidé, bien que j’aurais aimé savoir lui apporter plus d’individualité, mais en écrivant à la première personne c’est assez difficile.

Mon objectif principal du deuxième séjour était de jouer le plus possible aux interactions et je m’en suis donnée à cœur joie. Parcourir les billets de mes partenaires de jeu pour piocher des éléments qui étayeraient leurs personnages ou feraient progresser leur récit et les insérer dans l’interaction était un exercice très amusant et satisfaisant quand j’y parvenais.

Côté écriture, l’enjeu était de les faire réagir ou parler dans les dialogues sans les trahir, de garder ce que je pouvais de la gouaille et de la bonhommie de Jojoff mais sans en faire ni un comique ni un gros bêta. J’ai tâché de m’appliquer aussi — et c’était un exercice très intéressant — de chasser mes tics d’écriture/syntaxe pour qu’on ne me reconnaisse pas derrière Jojoff. Les parenthèses et incises, les adverbes antépostés, etc. Un point dont je me suis rendue compte vers la fin, mais apparemment pas vous, c’est que Jojoff et Jeanne appliquaient la même typographie dans l’écriture des dialogues. Les deux seuls à le faire comme ça d’ailleurs. J’ai pensé que cette particularité ferait que je serais découverte ou plutôt révélée dès la première heure du QuiEstQui !

Le petit regret, mais qui ne gâche aucunement le reste, c’est qu’à la fin du jeu j’étais sur les rotules et j’ai dû prioriser l’énergie qui me restait pour l’affecter à Jeanne et ses derniers billets et du coup la production-jojoff s’est arrêtée tout net mais après tout, il n’y avait pas d’arc narratif, alors on s’en fout que ça reste en suspens, non ? ;-)

Note

[1] Et comme j’ai encore un peu ma casquette d’organisatrice, je précise que c’est MA façon de voir les choses en tant que joueuse, pas un principe auquel tous devraient adhérer.

vendredi 25 septembre 2020

Jeanne

J’ai écrit pour deux personnages à l’Auberge. Aujourd’hui parlons de Jeanne Lalochère, l’aubergiste.

Jeanne a été présente tout l’été, c’était l’aubergiste, comme Violette Rossignol avait été la directrice de l’Hôtel des Blogueurs. Ayant été rapidement coincée à ce jeu précédent par la somme des tâches « non écrivantes » et aussi parce que je me suis vite retrouvée dotée par d’autres personnages d’un passé sulfureux dont je ne savais pas quoi faire, Violette avait eu une production plus que modeste.

Je m’attendais plus ou moins à ce qu’il en soit de même avec Jeanne, comptant essentiellement jouer de son rôle pour lancer des animations générales ou donner quelques repères globaux au récit. J’avais du coup esquissé son profil de façon très sommaire : une jeune mère d’une fillette dégourdie d’une dizaine d’années, un frère nommé Gabriel bossant dans le spectacle et vivant à Paris, un nom Jeanne Lalochère. Si tous ces éléments vous font penser à Zazie dans le métro, c’est normal !

Mais plusieurs facteurs ont contribué à ce que finalement elle prenne autant de place que les autres présents tout l’été. L’équipe plus nombreuse pour l’animation et la modération, un profil défini d’emblée comme compétent et sérieux évitant que je me retrouve dans un cul-de-sac, le rôle réel du forum en tant qu’espace de concertation entre auteurs. À ces conditions de confort bien plus grandes qu’à l’édition précédente se sont ajoutées mes retrouvailles avec le plaisir d’écrire. Du diable si j’allais laisser passer cette occasion, il n’en était pas question !

Le personnage s’est donc construit peu à peu, au fil des éléments qui me venaient en tête, souvent pour rebondir sur des éléments introduits par d’autres participant·e·s au début du jeu : un valet de chambre fantasque, une alarme incendie au milieu de la nuit, ah oui tiens au fait pourquoi élève-t-elle seule sa fille, etc. C’était très amusant de traiter les informations en sous-texte des autres pour tisser des fils et Jeanne s’est ainsi enrichie de facettes que j’ai pu développer tout au long de l’été : une patronne avec des préoccupations pragmatiques et des soucis financiers, une mère d’une enfant parfois un peu trop maligne, une sœur…

Il lui manquait toutefois un peu de chair et on ne lui voyait pas beaucoup d’aspérités. La compétence était acquise, mais au point qu’elle était un peu trop lisse et sa position n’offrait quasiment pas de possibilités d’interactions personnelles avec les clients ou son équipe. De plus, tout le monde ayant bien compris que je ne voulais surtout pas que le personnage ni l’auberge partent en vrille, Jeanne était très, trop préservée, tout le monde la trouvait parfaite (quelle plaie !).

Gaston-Pep m’a sauvée vers la mi-juillet en proposant d’initier un fil conducteur que nous développerions jusqu’à la fin du jeu : la constitution de ce qu’il a appelé « la tribu ». Cela créerait du liant entre membres du personnel, leur offrirait des interactions plus personnelles, fournirait un étayage pour son personnage. Au passage cela permettrait à Jeanne d’exprimer des aspects plus intimes autour des difficultés à concilier la vie personnelle et professionnelle et lui apporterait un amoureux. Un beau cadeau (le tout, pas que l’amoureux, rho comment vous êtes) à point nommé.

Pour donner un déclencheur qui permettrait d’illustrer l’équipe en train de se souder, Jeanne fut placée au bord du burn-out, son équipe venant à son secours. Cette belle ouverture m’a permis d’étoffer le personnage, de la sortir de sa réserve et de son opacité toute professionnelle. De même en a-t-il été autour de l’embauche début août d’une nouvelle recrue, ex-cliente devenue serveuse, la si touchante Natou que Jeanne a prise d’affection et sous son aile. Grâce à Natou, Jeanne a pu faire preuve d’empathie et montrer un autre aspect en guidant affectueusement la jeune serveuse.

La mise en place s’est donc faite progressivement durant toute cette première partie. J’avais tout ce qu’il me fallait pour que Jeanne soit « complète » et n’avais plus qu’à dérouler tous ces fils, les entremêler en sautillant de l’une à l’autre des facettes à ma disposition, les faire se rencontrer. Ça m’a été bien utile. Quand j’étais en attente de progression du récit sur un front je pouvais me déplacer sur un autre pour trouver sans problèmes matière à raconter. Tout se goupillant plutôt bien j’ai pu finir comme prévu la dernière quinzaine avec sur le plan personnel l’esquisse d’un relâchement du contrôle que Jeanne excerçait sur elle-même par crainte de n’être pas reconnue professionnellement (avec une mémorable virée en combi avec la sémillante Miss June) et sur le plan professionnel l’officialisation du passage d’une responsabilité à assumer seule vers une association avec son frère et la « tribu ».

Oui c’est long mais c’est chez moi et j’ai une mémoire de poisson rouge, j’ai besoin d’écrire tout ça pour y revenir dans quinze ans, z’avez qu’à pas tout lire aussi…

Sur le plan de l’écriture les débuts ont été (vraiment) très laborieux. La machine était rouillée et si je savais encore pédaler j’avais complètement perdu la méthode pour monter en selle.

Dans mon processus d’écriture, je retravaille peu mes textes à part à la marge pour supprimer des redondances de mots ou en choisir un qui me plaît mieux qu’un autre. Certains sont immédiats, mais le plus souvent il y a une période de gestation quelque part dans un coin de ma tête. Quand j’écrivais beaucoup sur mon blog, c’était généralement pendant les temps de transport que le billet que j’écrirais le soir se dessinait, parfois même avec déjà des phrases complètes, la chute ou l’amorce ou tout ça à la fois.

J’avais oublié ça si bien qu’au lieu de lancer une tâche de fond dédiée à cette marinade je me plantais « toute nue » devant ma page blanche à l’heure d’écrire en attendant que ça vienne et ça ne fonctionnait évidemment pas. Je m’en suis sortie grâce au collectif, en utilisant les textes des copains pour la matière première comme je le disais tout à l’heure, ce qui pour le coup tombait bien puisque ça m’a permis d’étoffer le « background » de Jeanne, mais c’était frustrant. Je me suis demandé si la capacité d’écrire ne s’était pas tout simplement éteinte.

Les automatismes sont revenus peu à peu en quelques semaines. Seule différence avec le temps des blogs : plus de transports, peu de temps de cerveau disponible en raison des autres occupations et de mes différents squaters chéris chez moi. Les rouages ne commençaient à tourner qu’une fois couchée et comme j’avais beaucoup moins confiance de m’en souvenir le lendemain je me suis de nombreuses fois relevée au milieu de la nuit pour écrire avant que les mots s’effacent de ma mémoire.

L’autre écueil que j’ai rencontré tenait involontairement à mes partenaires de jeu. Le « fil » de Jeanne sur le forum était le lieu de demandes à l’animatrice et pas à l’auteur d’un personnage : questions sur l’inscription, l’environnement de l’auberge, les règles du jeu… Mine de rien ça m’a un peu compliqué la tâche, alors que les contours de Jeanne étaient déjà si flous pour moi. Dans le même sens il y a eu quelques commentaires qui renvoyaient Jeanne a une sorte de porte-parole de la meneuse de jeu et sous-entendaient qu’elle me servait à faire passer des messages, ce qui m’a plus blessée que je ne l’aurais voulu, quelles que soient les intentions de leurs auteurs, et m’a freinée dans certaines interactions, infaisables avec ce « soupçon » sans qu’on rique d’y voir des règlements de comptes. J’ai fini par m’en taper, mais trop tard.

Bref, c’est pas très grave hein ? Je le note surtout parce que c’est pour toutes ces raisons que j’ai créé clandestinement (à part pour Pep et Franck) un second personnage, qui me permettrait de fictionner tranquillement dans mon petit coin de joueuse comme les autres. Mais ça, je vous le raconterai un autre jour !

jeudi 24 septembre 2020

Quitter Pollox

Les lumières s’éteignent peu à peu. Celle du flux des billets, puis celle des commentaires, le dernier mail collectif, bientôt le dernier message sur le forum, la fermeture des comptes Twitter et Mastodon.

L’aventure de l’Auberge des Blogueurs est finie.

C’était beau, émouvant, stimulant, chaleureux (et disons-le aussi : fatigant !). C’était ce plaisir un peu oublié du pêle-mêle joyeux des projets collectifs, du bonheur d’écrire et de partager, de l’équipe de modos parfaitement soudée, de la réussite — inattendue quant à ses proportions — de notre complot ourdi depuis l’été dernier avec mes deux compères.

On s’attendait à une quinzaine de fadas qui suivraient notre petit délire, c’est finalement une soixantaine qui se sont présentés au guichet des inscriptions, sans parler des quelques-uns qui sans jouer directement ont contribué au montage du projet, qui par un joli plan de situation en aquarelle, qui par ses relectures des règles du jeu, ses conseils juridiques ou son enthousiasme anticipé des lectures d’été ainsi promises.

Je retiendrai la remarquable tenue d’un si grand groupe à faire en sorte que chacun s’y sente bien, à montrer de la bienveillance les uns vis-à-vis des autres, à s’encourager mutuellement, à partager la joie, à tenter d’apaiser les douleurs. Bien sûr ça ne concerne pas la totalité des participant·e·s mais ce serait impossible et ça n’enlève rien à la dynamique générale.

J’observe avec attendrissement de nouvelles amitiés naître ou se renforcer, les échanges d’adresses façon fin de colo, l’entraide déjà proposée pour les relectures, les auteurs et autrices qui prennent le temps et dégagent de la disponibilité pour assurer le « service après-vente » avec les lecteurs sur le forum et les remercier d’avoir été fidèles.

Pour certain·e·s il faudra qu’un peu de temps s’écoule, que le soufflé retombe, avant que la tension et l’investissement émotionnel cessent de les bouleverser et que leur ciel se dégage, mais j’ai confiance que ça viendra. Nous ne digérons pas tous au même rythme.

Je retiens aussi, et je n’oublierai pas — car c’est aussi ça la vie —, qu’il y a des gens qui non vraiment merde quoi, mais ça pèse un pouillème dans l’océan du reste.

Je n’ai pas envie pour le moment — mais j’en ai l’intention plus tard — de faire un bilan plus « studieux » sur les plans de l’organisation, de l’animation, de ce que j’en tire s’il devait y avoir d’autres projets de ce type auxquels je participerais. On a le temps, tout notre temps.

Ah et puis je quitte Jeanne et Joseph avec beaucoup d’affection et je les remercie de m’être tant régalée à les imaginer et les faire vivre. Je reviendrai sûrement aussi là-dessus plus tard, quand j’aurai tout à fait quitté ma casquette d’aubergiste.

mardi 2 juin 2020

Auberge des Blogueurs - Le point du jour

Grosse affluence hier, il y a en tout 38 inscrits ce matin. La répartition est surtout concentrée sur le début de la saison. Toutefois quelques personnes se sont inscrites sur des périodes très longues et sont prêtes à décaler leur arrivée pour faire de la place (nous posons une limite à 26 joueurs simultanés).

Il est donc encore possible de s’inscrire en débutant le 15 juin si c’était votre intention. En début de période il reste aussi de la place pour un ou deux membres du personnel (femmes de chambre wanted). Après le 15 juillet les places sont progressivement de plus en plus disponibles (5 pour des séjours débutant mi-juillet, 9 début août, une douzaine à partir de mi-août…).

Aperçu (flouté) du planning d'occupation pour la période 15 juin - 15 juillet, juin 2020
Aperçu (flouté) du planning d'occupation pour la période 15 juin - 15 juillet

J’ai vu que la plupart des personnes prévoient que leur personnage vient seul. Ça n’est ni un problème ni une obligation : la contrainte est d’un seul personnage écrivant par chambre, mais ce personnage peut tout à fait être venu accompagné.

Conséquence des inscriptions de client·e·s solitaires ? Nous avons une solide proportion de personnes en proie à des questions existentielles venus réfléchir au sens de (leur) vie ;-)

Diversité des personnages : je n’ai pas fait de stats sur la proportion hommes/femmes mais mon impression est que c’est assez équilibré. Pour l’orientation sexuelle il est trop tôt pour le savoir il y a peu d’indices dans les profils. À ma connaissance pratiquement tout le monde est blanc (mais là encore je manque peut-être d’indices). Côté milieu social des clients, presque uniquement des classes moyennes – ce qui correspond je pense à la clientèle habituelle de ce type d’établissement. Les âges se répartissent de la vingtaine à la soixantaine ; il n’y a pas d’enfants (pour le moment ?).

Pour finir cette recension, un petit bilan provisoire sur l’organisation. Globalement tout s’est très bien passé malgré quelques petits ratés vite rectifiés. Nous avons dû renvoyer quelques confirmations à cause d’informations manquantes (sur les dates de séjour retenues par exemple). Notons, puisque ça ne sortira pas d’internet, que je suis responsable d’une bonne partie desdites anicroches.

Le forum commence doucement à bruisser, les modos chauffent le goudron et les plumes pour les participants qui tardent à y faire leur première connexion (la préinscription a une date de péremption).

Le site de l’auberge a basculé en public depuis hier matin, avec – forcément – peu de contenu encore puisque l’auberge n’est censée ouvrir que le 15 juin. Les membres du personnel débuteront leurs publications quelques jours avant les autres (autour du 10-13) pour faire état de leur prise de poste.

Tous les textes qui sont et seront publiés (à l’exception des Notes de la direction, qui ne sont qu’informationnelles) sont ouverts aux commentaires tant des autres auteurs que des visiteurs.

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