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 Les premières fois, sur un chantier, quand j’arrivais et qu’il y avait que des hommes, je me faisais toute petite. Maintenant, j’y vais direct en leur disant : “Salut les mecs, c’est moi votre grutière !” ». Aucun doute que Gladys Riot fait son effet.

La jeune femme de 29 ans aime jouer sur sa féminité, son côté sexy pour casser les codes. Car derrière ses habits de chantier, derrière tous ces matériaux encombrants qu’elle porte, qu’elle transporte, qu’elle manie avec agilité au dessus parfois des têtes d’ouvriers, il y a une jeune femme sensuelle, aux yeux d’un bleu azur, et aux ongles manucurés. 

Gladys Riot, domiciliée à Bonne, travaille depuis trois ans à la société SE Levage spécialisée dans le levage, le transport et la manutention. « On a les plus grosses de France ! », aime-t-elle dire avec fierté en souriant, et, en parlant des grues. L’entreprise dont le siège est à Frangy possède plusieurs dépôts, dont un à Arenthon. C’est là que les camions et grues imposantes sont stationnés quand ce matériel de pointe ne voyage pas sur les routes direction des gros chantiers en France.

« J’adore mon métier, j’adore bouger. Je suis une vraie passionnée de camions. Ce que j’aime le plus, c’est le levage. C’est cette responsabilité que j’ai de transporter telle ou telle pièce et de faire en sorte qu’elle soit là où il faut pour les clients. On fait des vitres de spa, des toits, des ponts, des éoliennes. Récemment, je suis allée jusqu’au port de Rouen pour amener un scanner ».

Mais comment cette jeune femme a pu avoir l’idée un jour de manier les grues et tous ces engins, matériaux ? « J’ai fait un bac pro paysagiste. Puis j’ai travaillé en tant que responsable dans une serre et, un jour, j’ai arrêté pour passer mon permis poids lourds et superlourds ». Et là, c’est le déclic, elle a trouvé sa voie.

« Je suis très proche de mon frère. Il travaille aussi à SE Levage. C’est lui qui m’a fait découvrir l’entreprise et, mon patron, je lui en suis très reconnaissante, dans ce milieu fait d’hommes, m’a donné ma chance. Sur une centaine de salariés, je suis la seule femme ! »

Gladys Riot a toujours un peu baigné dans cet univers de BTP, de travaux. Son père tient une entreprise de terrassement. « Mais je ne pensais pas forcément faire ça un jour. Surtout le levage car c’est quand même très physique ! » Et, malgré ses muscles tatoués, on l’avait prévenu, forcément. « Au début quand je suis arrivée, beaucoup m’ont dit que je ne tiendrai pas deux mois! J’avais peur ». Sous ses airs assurés, difficile à l’imaginer aujourd’hui.

« Je me suis posé plein de questions. Est-ce que je vais réussir dans ce milieu très masculin ? Est-ce que je vais tenir physiquement ? C’est aussi une vie indépendante qui ne laisse pas beaucoup de place à la vie privée, surtout quand on part et on roule partout en France ». Finalement, très vite après ses craintes plutôt légitimes, Gladys Riot a su se faire une place. 

Avec son camion bras, à bord de son “porteur”, elle se sent là où elle doit être. Sur les chantiers, elle n’a plus trop de réflexions maintenant. Les gens la connaissent à force sous le surnom de Glad. « Ils sont toujours surpris et moi j’adore en jouer. Et puis après ils sont bien contents d’avoir une nana. Ça les change ! »

Assurément. Mais la nuit, quand elle doit dormir dans son camion, seule, comment parvient-elle à fermer les yeux, à découcher, comme ils disent, comme un “vrai” un bonhomme ? « J’arrive à rentrer chez moi le soir.

Et quand je dois aller loin, je dors dans mon camion. J’avoue que ma première nuit, j’ai eu un peu peur. J’évite les aires d’autoroute. Ce n’est pas sûr. Et il y a souvent des vols de gasoil, de la casse. Je préfère aller dans un routier où on peut manger à emporter et après je dors dans mon camion sur le parking ». Sacrée vie de femme, de grutière.