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Date de création : 08.02.2015
Dernière mise à jour : 06.06.2024
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LES INDESIRABLES (1ère partie)

Publié le 22/02/2015 à 18:51 par lepetitmondedeloris Tags : machine racailles vol savant invention
LES INDESIRABLES (1ère partie)

Un court roman  de Gilles et Loris

  

                                    1

 La voûte céleste ne lui était jamais apparue aussi scintillante. Assis sur le toit de sa maison de campagne, Jean Deloreilla imaginait ce qui pouvait se produire dans le monde au même instant. Il commença par le plus beau : un jeune couple voyait naître son premier enfant, une femme sublime s’abandonnait à l’homme qu’elle aime, un pauvre type, surendetté, trouvait les six numéros du loto, un petit garçon réussissait pour la première fois un Holly en skateboard tandis qu’une jeune fille embrassait enfin son amoureux, un cancre rentrait chez lui avec, sur son cahier, les félicitations du maître, un chômeur de longue durée venait d’être embauché, Gilles et Loris signaient chez un grand éditeur parisien leur premier roman, un orphelin se faisait adopter dans une famille heureuse…

La tête dans les nuages, Jean se laissa absorber par ce flot de bonheur mais rapidement, son esprit sombra vers la laideur : un enfant se faisait violer par son père, un junkie au cœur moribond mélangeait pour la dernière fois son sang à la misère du monde, une femme se faisait licencier, un homme déposait son bilan, un vieillard crevait seul dans un coin de son appartement en gémissant « maman », une pute se faisait tabasser par son mac, un môme se faisait racketter par une bande d’arabes, un étranger se faisait massacrer sur le trottoir par des skinheads, un militaire chiait dans son froc en entendant les balles siffler à ses oreilles, un politicien détournait des deniers publics, un connard volait des fonds humanitaires pour le tiers monde…

Voilà ce que le monde pouvait offrir à ses habitants, le meilleur comme le pire.

Jean Deloreilla pesait le pour et le contre. Il ne détestait pas tous les humains, juste certains. Son invention le mettait face à un problème métaphysique. A quoi sert notre passage sur terre ? La réponse était claire : progresser et accessoirement, contribuer à l’évolution de l’humanité. La difficulté étant de savoir comment. Pourquoi y-avait-il des hommes et des femmes si différents ? De la plus belle à la plus impure des âmes, toutes avaient subi l’épreuve de la terre et toutes devaient vivre en harmonie avec les autres. Pourtant, chacun rêve d’un monde différent. Aux Etats-Unis, des quartiers résidentiels surveillés vingt-quatre heures sur vingt-quatre fleurissent comme des champignons. Les gens payent une fortune pour leur sécurité. Les maisons, les voitures, tout doit être équipé d’alarmes. Nous voulons pour nos enfants des écoles privées. Alors qu’une partie de la population se barricade et s’isole, l’autre tente de gagner du terrain. L’une est constructive, l’autre destructrice. L’une créé et se retire dans les quartiers chics, alors que l’autre envahit les centres villes et les transforme en cour des miracles. D’un coté, on décore les fenêtres de fleurs et de l’autre on tague d’injures les murs. Et Dieu est indifférent… Il ne nous a laissé notre libre arbitre,  répondront les curés… Et si le Tout Puissant envoyait simplement les âmes, pêle-mêle, sur terre en espérant qu’un tri se fasse naturellement ? Notre planète serait-elle le purgatoire de Dante ?  Pourquoi s’obstiner à vivre tous ensembles ?

La machine de Jean pouvait changer le cours des choses ; une véritable révolution sans qu’une seule goutte de sang ne soit versée…en théorie ! 

 

 

 

2

 Chercheur au CNRS, Jean avait passé sa vie à étudier le cerveau humain. Un jour il découvrit qu’une partie de la population était sensible à un certain type d’ondes. Ces ondes plongeaient le sujet dans un état quasi hypnotique. Chargé de messages, le cobaye exécutait sans sourciller l’ordre que lui donnait Jean. Au début les messages étaient sans conséquence. Ils consistaient, par exemple, à ce qu’un individu lui offre un thé en le voyant. Ensuite, Jean ne le revoyait plus.

L’expérience s’essouffla au bout de quelque temps. Un jour pourtant, en observant la jeune femme qui distribuait le courrier dans les différents services, Jean eut une idée ou plutôt…un désir. Il éprouvait une sorte de fascination sensuelle pour cette employée prénommée Leïla. Le message qu’il émit ne fut pas de se faire offrir un café mais plutôt de se faire embrasser avec fougue par la jeune femme. Après avoir tapé l’ordre sur son clavier, il demanda à Leïla de s’asseoir dans le fauteuil en skaï marron de sa cabine.

-        Trouvez-vous qu’il soit assez confortable, mademoiselle ? Voyez-vous, j’envisage de faire une étude sur les différentes phases du sommeil et j’aimerais connaître votre point de vue sur ce fauteuil.

Pendant que la jeune femme s’étendait et appréciait le moelleux du siège, il appuya sur le bouton déclenchant l’ordre. Une minute après, Leïla, se leva avec un drôle de sourire aux lèvres. Langoureusement, elle se dirigea vers Jean pour se coller sur son torse. Elle passa ses mains dans les rares cheveux du chercheur et écrasa ses lèvres contre les siennes. Avec une violence érotique, la langue de la jeune femme roulait dans sa bouche. Après ce baiser peu ordinaire, la belle le quitta en lui souhaitant une bonne soirée, comme à l’accoutumé.

Cette expérience, nonobstant le plaisir que Jean en avait retiré, n’était pas différente des précédentes. Pourtant elle allait devenir l’une des plus importantes que le scientifique n’ait jamais réalisée.

Le lendemain matin, alors qu’il buvait son thé avec ses collègues, il aperçut Leïla. Elle se dirigeait vers eux avec son chariot chargé de lettres. La préposée au courrier était réputée pour son langage cru.

-        Alors les branleurs, vous avez bien bourré hier soir, lança-t-elle, arrogante.

Comme tous les matins les scientifiques sourirent, un peu gênés. Leïla passa devant eux en riant aux éclats. En la regardant, Jean se souvint de cet instant si intense où sa bouche toucha la sienne. Puis, sans qu’il ne s’y attende, Leïla se jeta sur lui et lui roula une fois de plus un patin dévoreur sous le regard médusé de ses collègues. Son forfait accompli, elle s’en alla, tout comme la veille.

Jean passa la journée à réfléchir à cette situation. En fin d’après midi il convoqua Leïla dans son bureau. A peine était-elle entrée dans la pièce, qu’elle le prit par les joues et l’embrassa de la même manière. Durant ce long baiser, il réalisa que les ondes n’avaient pas fait qu’ordonner à Leïla de se jeter à son cou. Elles avaient noué un point d’encrage dans son cerveau, si bien que chaque fois qu’elle le croiserait, une force irrésistible lui intimerait de l’embrasser. La découverte était de poids. Il convoqua dès le lendemain, la dizaine de personnes ayant subit l’expérience dans le passé. Dés qu’ils le virent, tous sans exception, se précipitèrent pour lui offrir un thé. Il ne restait à Jean qu’à découvrir pourquoi toutes ces personnes étaient réceptives à ces ondes.

 

 

3

 Sa récente nomination au poste de directeur de recherches au laboratoire des nanosciences cognitives et d’imagerie médicale du CNRS à la Pitié-Salpétrière faisait de lui une des personnalités les plus en vue du monde médical. De ce fait, il hésitait un peu à faire état de ses projets. Il décida toutefois de se confier à Delphine. Delphine était docteur en biologie appliquée. Du haut de ses 30 ans, elle irradiait le service de sa beauté et de son charme. Jean y avait succombé dés son arrivé, un mois plus tôt.

-        Ecoutez Delphine, ce que j’ai à vous dire peut paraître surprenant. Je viens de faire une découverte tout à fait étonnante. Figurez-vous que je suis capable de contraindre certaines personnes à exécuter un ordre que j’aurais préalablement déterminé et cela en dépit de leur volonté.

-        Vraiment, pouvez-vous préciser cela professeur ?

-        Je vais essayer d’être le plus clair possible. Vous savez que pour mes recherches j’ai utilisé essentiellement la cartographie à positrons ?

-        Bien sur, professeur, cela offre une résolution inférieure au millimètre et une bien meilleure sensibilité. De plus cette technique offre des images de la superficie entière du cortex.

-        Exactement. Vous souvenez-vous, à présent, des expériences réalisées au Tibet, destinées à explorer la pensée ?

-        Oui. Il me semble, d’ailleurs, qu’elles ont été poursuivies en Europe, dans le bassin méditerranéen et en Amérique du Nord. J’ignore, toutefois, les résultats obtenus.

-        Ils sont nombreux et révolutionnaires Delphine. Tous les neurones de notre cerveau sont en activité permanente, même en état de méditation tibétaine profonde en orient, comme de vide mental en occident. Cette activité est nuageuse et mobile à la surface du cortex.

-        Mais quel est le rapport avec votre découverte professeur ?

-        J’y viens. Les aires actives du cerveau sont synchronisées inconsciemment par la pensée du sujet avec d’autres champs d’interférence. Il suffit de substituer une information à l’un d’eux par le biais d’une impulsion électrique pour changer aussitôt l’objet de la pensée du sujet.

-        C’est prodigieux !

-        Vous allez voir, appelez Oussman, l’ouvrier d’entretien. A peine entrera-t-il dans la pièce qu’il cherchera à m’offrir du thé.

-        Je serai curieuse de voir cela.

Delphine composa un numéro sur le téléphone du professeur Deloreilla. Elle demanda à Oussman de venir remplacer le starter d’un néon défectueux. Quelques minutes plus tard, l’employé frappa à la porte du bureau.

-        Entrez, fit Delphine, excitée.

-        Bonjour mademoiselle je viens pour…

Sans même finir sa phrase, Oussman se dirigea vers le professeur Deloreilla.

-        Bonjour monsieur, puis-je vous offrir un thé à la cafétéria.

-        Plus tard mon ami, plus tard je suis occupé.

Benoîtement, l’ouvrier posa son petit escabeau et vérifia le starter du néon désigné. Constatant que tout fonctionnait correctement, il sortit du bureau sans faire de commentaire.

-        Mais cela fonctionne sur tout le monde, professeur ?

-        Il semblerait que oui.

-        Je vous, en prie essayer sur moi !

-        Mais c’est à dire que…vous me prenez un peu au dépourvu. Et puis d’abord, que voulez-vous que je vous ordonne ?

-        Je ne sais pas moi, vous pourriez me programmer pour me maquiller chaque fois que je verrais votre visage !

-        Après tout, pourquoi pas ? Installez-vous sur ce fauteuil et enfilez ce casque s’il vous plaît. Vérifiez que les électrodes sont bien reliées à l’unité centrale.

-        Je suis prête professeur.

Minutieusement, le scientifique tapota une formule sur le clavier de son ordinateur. Puis, il fixa l’écran.

-        C’est terminé, Mademoiselle. Venez donc me rejoindre.

L’air satisfait, il prit une pause suffisante en voyant Delphine.

-        Et alors, dit-elle. Je suis censée me remaquiller là ?

Humilié, le professeur bafouilla quelque chose comme :

-        Mais ce n’est pas possible, je n’ai pas pu me tromper. Que se passe-t-il ?

-        Votre ordinateur est peut-être défaillant, fit Delphine.

-        Non cela ne vient pas de l’ordinateur mais de vous. Je dois déterminer pour quelle raison l’expérience a échoué. Laissez-moi maintenant, j’ai du travail.

Tandis que Delphine prenait congé, Jean Deloreilla se demandait pourquoi certaines personnes seulement étaient réceptives aux ondes émises par son ordinateur.

 

4

 Les mois passèrent sans qu’il ne comprenne ce phénomène. Les amis et collègues du professeur défilaient sur le fauteuil en skaï mais pas un n’obtempérait à ses suggestions.

L’espoir revint un matin. Ce jour là, le personnel ne parlait que de Leïla. Depuis son affectation à un autre service, Jean ne l’avait plus croisée. Voyant cette effervescence autour de son sujet,  il s’empressa de demander des nouvelles de la jeune femme à Corinne, sa secrétaire.

-        Que se passe-t-il aujourd’hui Corinne, tout le monde semble parler de cette Leïla, que lui est-il arrivée ?

-        Vous ne savez pas professeur ? Figurez-vous qu’elle a passé la nuit au poste de police.

-        Mais pour quel motif, voyons ?

Corinne se leva de son siège pour se rapprocher de Jean. A quelques centimètres à peine de son visage elle murmura l’effroyable nouvelle.

-        Leïla a été arrêtée hier au soir, pour avoir volé des ampoules de morphine.

-        C’est insensé, je connais bien cette fille, vous ne me ferez jamais avaler cela Corinne !

La secrétaire, touchée dans son amour propre, recula de quelques pas, les sourcils en accent circonflexe.

-        Et puis que ferait-elle de morphine, je vous le demande, poursuivit le professeur Deloreilla, persuadé de l’honnêteté de celle qui l’attirait tant, autrefois.

-        Mais enfin professeur, vous habitez la planète mars ou quoi ? Elle les revendait à des trafiquants de drogue !

Le professeur tournait en rond en maugréant des « c’est pas possible » à tout bout de champ.

-        Ho, et puis cessez de mettre en doute ma parole maintenant ! Si je suis une menteuse, ne me demandez plus rien. C’est tout de même un comble, c’est elle la racaille qui vole et qui deale et c’est moi que l’on accuse de menteuse.

-        Excusez-moi Corinne, je ne voulais pas… Mais cela me semble si gros et si pathétique que j’ai du mal à le croire. Il n’y a rien contre vous…

Comme une petite fille vexée, la secrétaire se rassit à son bureau. Le professeur Deloreilla en profita pour lorgner les formes abondantes de son corsage, largement ouvert. Après cette appétissante vision, il retourna dans son bureau. Son intime conviction lui disait que la clef de l’énigme se trouvait dans cette affaire de vol. Une idée lui traversa l’esprit. Il retourna auprès de sa secrétaire :

-        Corinne, je voudrais que vous me sortiez les extraits de casier judiciaire des dix derniers cobayes ayant obtenus des résultats positifs.

Tout en continuant à taper sur son clavier, Corinne maugréa, suffisamment fort pour que le professeur puisse entendre :

-        Il y a cinq minutes, j’étais une menteuse et voilà que maintenant Monsieur veut mettre tout le monde en prison.

N’appréciant que modérément ce genre de mutinerie, le professeur Deloreilla exigea d’avoir les documents avant la fin de la journée. Puis, il sortit en claquant la porte.

Vers dix-huit heures la secrétaire farouche entra dans le bureau de son patron.

-        Voilà, nous recevrons les dossiers d’ici quelques jours mais j’ai pu tout de même avoir quelques renseignements.

-        Lesquels, demanda le scientifique avec empressement.

-        Tous ont un point commun.

-        Corinne, excusez-moi pour ce matin, mais cessez de jouer avec mes nerfs et dites-moi ce que vous avez découvert.

-        Hé bien, ils ont tous été au moins une fois condamnés par la justice.  

Exténué, le professeur remercia Corinne et l’autorisa à rentrer chez elle. Il tenait enfin le dénominateur commun à tous les cobayes sur lesquels l’expérience s’était avérée positive. Seules les personnes ayant des dispositions pour les crimes et les délits semblaient aptes à recevoir ces ondes. Dés lors à quoi pouvait bien lui servir sa découverte ?

Ce qui allait devenir le Grand Œuvre du professeur Deloreilla fut la conséquence d’une suite de mésaventures. Comme tous les soirs, le scientifique quitta son bureau aux alentours de dix-huit heures. Depuis le début de la journée,  le ciel déversait sur Paris une pluie froide. Avant de s’aventurer sous cette douche, Jean regarda un moment les gouttes qui tombaient et vernissaient le trottoir éclairé par les réverbères. Son pardessus sur la tête, il avança à petits pas rapides jusqu’au feu. Là, il attendit sagement d’avoir le droit de traverser. L’eau glissait entre les pavés polis et poursuivait son voyage le long des caniveaux. Aux pieds de Jean, un tas de feuilles mortes, de prospectus froissés et de paquets de cigarettes chiffonnés formaient un barrage. Poète, le professeur songeait au destin de ces eaux : tomber du ciel pour atterrir dans les égouts de Paris. C’est alors qu’un pneu, peu scrupuleux, le sortit de sa torpeur. Une giclée d’eaux froide et sale gifla son visage et lui coupa le souffle. Furieux, il insulta le chauffard, vitupérant et accompagnant ses propos de gestes obscènes. Le poing en l’air, il remarqua que les feux de stop de la Renaud 5 passèrent du rouge au blanc. S’ensuivit une marche arrière aussi rapide que maladroite. Dans un vrombissement suraigu, la voiture stoppa devant lui. La portière avala la vitre avec frénésie pour laisser apparaître le visage émacié et édenté de celui qui était assis à la place du mort.

-        Ho ! Vas-y.C’est à nous que t’adressais ces gestes, connard ?

Effrayé, Jean n’osait pas regarder son interlocuteur. Il avait beau fixer le feu, le petit bonhomme, autorisant la traversée du passage clouté, restait désespérément rouge. Le conducteur sortit de sa voiture en lui expliquant ce qu’il comptait faire de sa tête de premier de la classe. A cet instant, le feu vert salvateur rayonna de tout son éclat. Jean poussa des deux mains, le conducteur irascible qui tomba assis sur la chaussée humide. Après ce geste fou, il s’enfuit en courant, à travers les petites rues du quartier. Quelques minutes plus tard, il stoppa, essoufflé, sa course folle. Humilié, trempé, fatigué, il poussa la porte vitrée d’un bistrot. Une douce chaleur caressa son visage. Des effluves de pastis flottaient dans l’air. Accoudé au comptoir, les quelques clients présents le dévisagèrent dans un silence digne des plus grands westerns de Sergio Léone. Jean s’installa à la première table. Un bruit de chasse d’eau résonnait à chacun de ses pas. Une voix forte et calme l’apostropha :

-        Dites-moi, mon bon monsieur, vous avez vu les flaques d’eaux que vous laissez derrière vous ?

L’homme se tenait bien droit derrière le zinc rempli de verres et de soucoupes de cacahuètes. Il portait une chemise à carreaux rouges et blancs et  tirait sur une gitane maïs calée au coin de ses lèvres serrées. Les rares cheveux qui lui restaient étaient ramenés sur le coté et lui recouvraient le sommet du crâne de manière à dissimuler sa pourtant flagrante calvitie. Jean tourna sa tête vers le tôlier.

-        Je suis désolé monsieur, mais il pleut dehors !

-        J’avais pas remarqué ! A ton avis, tête de gland, qui est-ce qui va passer la serpillière maintenant ?

Les buveurs de jaunes attendaient, le sourire aux lèvres, la réponse.

-        Je l’ignore… Vous avez certainement quelqu’un qui s’occupe du ménage, non ?

-        Non, je suis tout seul, répondit le patron amusé. Alors, Comment vois-tu l’affaire ?

-        Hé bien si vous êtes seul, je suppose que ce sera vous !

Un rire secoua, tour à tour, les buveurs.

-        Tu vois, je ne pense pas que je nettoierai le sol ce soir et tu sais pourquoi ?

-        Non, monsieur.

-        Parce que c’est toi qui vas le faire avant que je te foute le balai dans le cul.

Jean se releva et fit face à son interlocuteur. Des gouttes de pluie ou de  trouille (allez savoir), perlaient de son crâne chauve.

-        Dois-je vous rappeler que je suis le client et non pas le technicien de surface ?

La main droite du patron s’abattit à plat sur le zinc. Les verres décollèrent.

-        T’as pas bien compris, enculé. Tu vas dans le réduit à ta droite, tu prends le seau, le balai et la serpillière et tu me nettoies ta merde !

Paniqué, Jean essaya de déguerpir mais, hélas, il glissa lourdement sur le sol humide. Il n’eut pas le temps de se relever.  Son visage reçut une rafale de coup de poing et de coup de pied, sous les cris joyeux des ivrognes massés autour de lui. Comme un joueur de rugby à quelque mètres de la ligne d’essai, il rampa jusqu'à la porte du bistrot. A l’extérieur, il déguerpit aussi vite que possible, maugréant des injures à l’encontre de ces satanés pochetrons. Il s’arrêta devant la portière de sa flamboyante Audi TT. Bon gré, mal gré, il se calma puis il emprunta le périphérique pour rentrer chez lui.

 

Le professeur Deloreilla roulait depuis quelques minutes lorsqu’il sentit quelque chose heurter l’arrière de son véhicule. D’un coup d’œil dans le rétroviseur il aperçut deux hommes dans une 606 Peugeot. Le professeur leur fit signe de se calmer mais un nouveau choc, plus violent, le propulsa en avant. L’angoisse s’empara de lui. Que voulaient ces types ? Pourquoi rentraient-ils dans sa voiture en riants aux éclats ? Le jeu continua un moment. Ne sachant plus quoi faire, le scientifique ralentit espérant que ses deux tortionnaires le dépassent mais la 606 heurta encore une fois son véhicule. Cela en était trop. Il s’arrêta le long de la bande d’arrêt d’urgence et sortit, peu rassuré, de sa voiture. La Peugeot s’arrêta derrière et l’un des hommes s’avança vers lui.

-        Vous êtes malade ? Vous savez le prix d’une bagnole comme celle la, fit le professeur d’une voix tremblante.

-        Ta gueule connard, répondit l’autre.

Sans autre explication, l’homme se rua sur lui. Il le saisit au cou et lui assena plusieurs coups de poing avec une violence inouïe. Tandis que le pauvre professeur se protégeait la tête, l’homme frappa l’estomac. Enfin les coups cessèrent. Le scientifique tomba à genou sur le goudron, le souffle coupé, le nez pissant du sang. Dans un vrombissement, il entendit son Audi démarrer en trombe, laissant sur le bitume une traînée de caoutchouc brûlé. Le professeur tenta, en vain, de la rattraper mais il était trop faible. Tandis qu’il hurlait des injures à son agresseur, il réalisa que son acolyte, resté dans la voiture, fonçait sur lui. A la manière d’un toréador, il l’esquissa avant de retomber sur le goudron. Relavant la tête, il vit le véhicule s’éloigner.

Titubant, il longea le périphérique avec l’intention de se rendre au poste de police le plus proche. Enragé, seul au monde, il maudissait ces mécréants.

-        Y en à marre, gueulait-il les yeux remplis de larmes, tournés vers les étoiles. On bosse pour s’acheter une belle bagnole et deux connards viennent vous la faucher. Si je les tenais, je les mettrais sur mon siège en Skaï et je leur ordonnerais de bouffer ma merde jusqu’à la fin de leur vie. Tiens pire, je leur ordonnerais d’habiter et de se nourrir dans les égouts comme des rats. Je ne veux plus vivre dans le même monde que ces gens là ! Il faudrait qu’ils vivent entre eux, qu’ils se tuent, se volent, qu’ils fassent leurs affaires mais qu’ils dégagent à tout jamais. Ha, évidemment, sur eux, elle marcherait sans aucun problème ma machine.

 

 à suivre ...