Tristesse
par Adeline HOPP
« Je me suis levée ce matin
Je bougeais dans tous les sens
Je m'agitais l'air de rien
C'était pour pas prendre conscience
De tout ce malaise qui m'envahissait soudain
J'ai senti mon corps, j'ai senti ma tête
Et je me suis dit, si tu veux pas prendre perpet'
Si un jour, tu veux refaire la fête
Alors appelle, appelle Tristesse
Je me suis assise sur un banc
J'ai regardé, observé les gens
Et je l'ai appelé "Tristesse, vient me voir"
J'ai besoin de toi, que tu me prennes dans tes bras
J'ai besoin de toi, à côté de moi
Je me suis lovée dans ses bras
Je l'ai laissé m'entourer, m'accueillir
Je l'ai accueilli aussi et mes pleurs ont jailli
Soubresauts de vie, souvenirs heureux
Ils refaisaient surface pour que je puisse leur dire adieu
Et sans tristesse, c'est pas possible tout cela !
Et sans tristesse, il n'y a pas de joie
Je me sentais lourde
Je me sentais bloquée
J'étouffais, j'avais la nausée
J'ai mis mes mains dans celles de Tristesse
Et j'ai pleuré
Je l'ai écouté me murmurer : "C'est comment dans ton corps là, maintenant ?"
"Qu'est-ce que tu ressens ?"
Ça tiraille, ça cisaille
Ça fait mal
Et puis j'ai vu des confettis de pluie
Des gouttes d'eau joyeuses et lumineuses
Elle a eu une vie heureuse, tu sais
Laisse-la partir en paix
J'ai pensé à sa vie, à la mienne
À tout ce qu'on a partagé
À tout ce qu'on s'est donné, apporté
Et je l'ai remerciée, embrassée
Et les gouttes d'eau sont devenues des pépites d'or
Elles ont eu des ailes, ont pris leur envol
Et sont venues s'inscruster dans mon coeur
Et, depuis mon coeur, elles ont inondé tout mon corps
Je respirais doucement dans les bras de Tristesse
Le calme est revenu
J'ai des rivières d'or dans mon corps
Quelques sacs encore à jeter par-dessus bord
J'ai remercié Tristesse, gardé son numéro
Et vérifié que mes ailes étaient toujours là, dans mon dos »
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Juste là...
par Adeline HOPP
« Quand, dans le courant de la vie, l'être humain en vient soudain à se heurter à des flots impétueux, à des obstacles, à des dérivations, chacun va alors réagir à sa façon, tel un acteur d'une pièce de théâtre où les rôles sont distribués à l'avance.
Il y a d'abord le premier rôle, souvent dramatique. Le personnage est là, au centre de toute l'action. Il est l'objet de toutes les attentions des autres acteurs, qu'elles soient bienveillantes, maladroites ou mal intentionnées. Il joue son rôle, déroule son texte, se démenant souvent seul avec son propre trac. Il est un peu la marionnette du réalisateur, obéissant aux instructions des spécialistes et oubliant souvent qu'il a aussi la possibilité de choisir de suivre ou non ces instructions.
Et il y a tous les autres acteurs.
Le pragmatique, coupé de ses émotions, qui se préoccupe davantage du contenu d'un frigo ou de l'abonnement à un journal. Son hyperactivité matérielle est le paravent de sa propre souffrance émotionnelle, qu'il refuse de voir et qui se resserre sur lui comme un étau.
Il y a les "démonte-moral". Ceux-là mêmes qui défilent, viennent déverser leurs propres peurs, leurs ondes noires, leur négativité. Et qui repartent ensuite dans leur confort quotidien, laissant le premier rôle au milieu de cet amas nauséabond.
Il y a les justiciers. Ceux-là mêmes qui se dévouent, tentent de soulager maladroitement la souffrance du premier rôle, sans prendre le soin d'évoquer cette souffrance. Parce que mettre des mots, ce serait reconnaître les maux, leur donner une existence, les légitimer. Ce serait accepter ce qui est. Cela leur est impossible, les renvoyant à un passé douloureux, trop présent et stérile de tout futur.
Et puis, au milieu, il y a les "juste-là". Ils sont là pour le premier rôle mais aussi pour les autres acteurs. Ils s'assoient à côté de la souffrance, la prennent dans leur bras, l'écoutent, l'accueillent. Ils invitent les acteurs à mettre des mots dessus, en tombant les masques. Ils entendent mais ne jugent pas. Ils accueillent mais ne colèrent pas. Ils sont là, simplement, poussant les nuages, pour permettre aux rayons du soleil de passer, encore une fois, parfois une dernière fois. Ils réchauffent la vie, pour qu'elle parte en douceur.
Être juste là, pour apaiser les âmes et permettre à la poussière du soleil de devenir poussière d'étoile. »
waouh ! Bravo Adeline !
Merci pour tes textes "nourrissants"
http://http://lebde-eklc.centerblog.net
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