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Date de création : 11.05.2010
Dernière mise à jour :
08.09.2015
1133 articles
Rien ne sert de courir1; il faut partir à point Le lièvre et la tortue en sont un témoignage. « Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point Sitôt que moi ce but. - Sitôt? :E:tes-vous sage? Repartit l' animal léger : Ma commère, il vous faut purger Avec quatre grains d'ellébore. - Sage ou non, je parie encore. » Ainsi fut fait; et de tous deux On mit près du but les enjeux: Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire, Ni de quel juge l'on convint. Notre lièvre n'avait que quatre pas à faire, J'entends de ceux qu'il fait lorsque, prêt à être atteint, Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes, Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir et pour écouter D'où vient le vent, il laisse la tortue Aller son train de sénateur. Elle part, elle s'évertue, Elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire, Tient la gageure à peu de gloire, Croit qu'il y va de son honneur De partir tard. II broute, il se repose, II s'amuse à toute autre chose Qu'à la gageure. A la fin, quand il vit Que l'autre touchait presque au bout de la carrière, II partit comme un trait; mais les élans qu'il fit Furent vains : la tortue arriva la première. « Eh bien! lui cria-t-elle, avais-je pas raison? De quoi vous sert votre vitesse? Moi l'emporter! et que serait-ce Si vous portiez une maison? » Jean de La Fontaine, Fable X, Livre VI. |
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
"Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. "
A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. "
Le Corbeau, honteux et confus,
Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d'un Lion
Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un Lion d'un Rat eût affaire ?
Cependant il advint qu'au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : "Regardez bien, ma soeur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?
- Vous n'en approchez point.". La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
Autrefois le rat des villes
Invita le rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête :
Rien ne manquait au festin;
Mais quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étaient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le rat de ville détale ,
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
«Achevons tout notre rôt.
-C'est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi.
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de roi ;
Mais rien ne vient m'interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc. Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre!»
LA CIGALE ET LA FOURMI (*) La Cigale, ayant chanté |