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Il un classement à part pour les femmes aux échecs

Le cerveau des hommes et des femmes n’est pas différent, pourtant il existe deux types de classements au jeu d’échecs : l’un mixte, l’autre féminin… Ce dispositif, censé développer la pratique chez les joueuses, contribue aussi, paradoxalement, à les éloigner du haut niveau.

Pourtant dotés des mêmes capacités intellectuelles, les joueurs et joueuses d’échecs participent généralement aux championnats officiels d’échecs en étant séparés. Deux classements cohabitent ainsi en France depuis 1924. Le classement mixte, ouvert à tous mais presque uniquement fréquenté par les hommes, et le classement féminin, réservé aux femmes.

Pourquoi une telle organisation ? Contrairement à ce que l’on est d’abord tenté de croire, le double classement a été pensé pour promouvoir la discipline auprès des femmes et les encourager à s’y faire une place. Car le jeu d’échecs est un « sport » historiquement masculin.

Seulement 20 % de joueuses en France

En 2018, seulement 20 % des licenciés de la Fédération française d’échecs (FFE) étaient des femmes, soit 11 090 sur 54 860. « Il y a trop peu femmes dans les clubs, souligne Jocelyne Wolfangel, directrice du secteur féminin à la FFE. Le classement féminin permet de valoriser les performances des joueuses. »Selon la fédération, jouer entre-elles en compétition permet aux femmes de bénéficier d’une ambiance « conviviale » et encourage de nouvelles joueuses à rejoindre le circuit.

En pratique les compétitrices ont une vision plus mathématique du classement féminin. « Dès le plus jeune âge, les joueuses comprennent qu’en allant dans le championnat féminin, elles ont plus de chances de briller,indique Sonia Bogdanovsky, arbitre officielle et membre d’Échecs et Mixte. Créée en 2015, cette association milite pour améliorer le niveau de jeu des femmes aux échecs et le développement de l’égalité entre les deux sexes dans la discipline. « Si on imagine qu’il y a un excellent joueur sur 10 000 licenciés, il y a logiquement moins talents chez les femmes [1/5^e des licenciés, NdlR] que chez les hommes. »

Une réalité à laquelle a été confrontée Anaëlle Afraoui, membre de l’Équipe de France et 14^e joueuse française. « Le classement féminin permet de sortir du lot,explique la jeune femme. Le titre de championne de France ouvre des portes et permet d’être invitée dans des compétitions internationales. »

Vainqueure du titre chez les moins de 16 ans en 2015, Anaëlle Afraoui a décidé de ne pas participer au championnat national, cette année, pour s’investir dans le championnat du monde mixte des moins de 20 ans. « Je veux surtout progresser. Petite, je choisissais entre les tournois féminins ou mixtes en fonction de leur intérêt. »

Accès aux gains

Dernier argument en faveur du classement féminin, il permet de soutenir les joueuses professionnelles en leur donnant accès à des gains, pour les mieux classées. Ces revenus, souvent modestes (de l’ordre d’une centaine à quelques milliers d’euros) permettent de financer les déplacements dans des tournois internationaux et l’entrainement.

Si elle ne remet pas en cause l’existence du classement, Sonia Bogdanovsky déplore son effet, semblable à une « réserve naturelle », dit-elle : « Vous n’imaginez pas ce que c’est de jouer pour la trentième fois contre la même joueuse… On finit par jouer n’importe quoi ou tenter un truc exotique pour changer. »

Habituées à jouer entre elles, les jeunes compétitrices ont parfois une appréhension à « aller chez les garçons ». Une attitude qu’observe Sonia Bogdanovsky : « Elles me disent que ce sera plus dur en mixte. »Consciente de ce problème, Jocelyne Wolfangel encourage les jeunes filles et les femmes à aller jouer « contre les hommes ».

Pour Échecs et Mixte, la solution serait qu’hommes et femmes jouent ensemble mais que les classements féminins et mixtes perdurent. Du côté de la fédération, un vaste plan de féminisation a été lancé, cette année, pour démocratiser la pratique des échecs et augmenter le nombre de licenciées.