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31.01.2025
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Rubrique "Comparaison Art-Science". Suite du billet N°4636.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome VIII, A.MENDIRI, Amazon.
Prochain billet demain vendredi 31 janvier
Il convient tout d’abord de préciser ce que nous entendons par la notion de dimension. Au sens propre elle renvoie à une portion d’espace occupée par un corps. C’est un espace mesurable, un aspect de la réalité d’ordre quantitatif et à ce titre objet de science. Mais il nous est aussi possible d’envisager un espace non mesurable ou au sens figuré. C’est ainsi que l’on évoque la dimension spirituelle de la vie humaine. Il est alors question de l’aspect qualitatif de la réalité, et en particulier tout ce qui relève de la question du sens de la vie ou des valeurs. C’est cette dimension de la réalité que l’art, notamment, privilégie.
En fait, une telle distinction entre une dimension quantitative et une dimension qualitative de la réalité remonte à Galilée au XVII° siècle lorsque celui-ci délimite le domaine de la science et en particulier celui de la science physique. Voici comment le philosophe des sciences Lévy-Leblond dans « Penser les mathématiques » s’exprime à ce propos : « Pour que les scientifiques soient capables de décrire la nature mathématiquement, Galilée pensait qu’ils devaient se contenter d’étudier les propriétés essentielles des corps- la forme, le nombre, le mouvement- qui pourraient être messuées et quantifiées. Les autres propriétés comme la couleur le son, le goût et l’odeur, étaient simplement des représentations subjectives, qui devaient être exclues du domaine de la science ».
Un tel clivage au sein de la réalité correspond en fait au domaine de ce qui est rationnel, mesurable, accessible à tout esprit humain et ce qui est irrationnel, non pas au sens de contraire à la raison comme une superstition par exemple, mais ce qui lui est étranger. Aucun mot, aucun raisonnement ne permettront à un aveugle de naissance de se représenter ce qu’est une couleur. Le qualitatif se perçoit, il ne se pense pas. C’est d’ailleurs ce clivage ontologique que désirera surmonter Husserl au début du XX° siècle en fondant ce qu’il appellera la phénoménologie. Toujours est-il que nous avons bien affaire ici à deux dimensions distinctes de l’Être.
Le clivage entre la dimension privilégiée par la science et en particulier la science physique et la dimension privilégiée par l’art a-t-il une incidence sur leurs actes respectifs de création, du savoir objectif et des théories d’un côté et des œuvres d’art de l’autre côté ? Dans les deux cas une faculté commune s’exerce, à savoir l’imagination. Est-il légitime de comparer l’exercice de l’imagination en science et en art ?
Commençons par analyser la faculté d’imagination en science. La découverte de la loi de la chute des corps par Galilée en est un excellent exemple. Il s’agit de ce qu’on appelle à juste titre une expérience de pensée. La seule pensée imaginative pose des questions à la nature uniquement pour examiner si les données de l’observation ne sont pas, comme Descartes le soulignait, source fréquente de jugements erronés.
Quelles conclusions tirons-nous, avec Aristote d’ailleurs, de l’observation : les corps lourds tombent plus vite que les corps légers. Cela semble relever d’une évidence incontournable. Que fait Galilée à l’aide de la seule imagination rationnelle ? Il imagine que l’on relie par un fil quelconque un corps lourd et un corps léger. L’ensemble est plus lourd et donc devrait tomber encore plus vite. Mais le lien avec le corps léger fait parachute et du coup l’ensemble devrait tomber moins vite. Il y a là une contradiction manifeste découverte par la seule pensée. Galilée en déduit donc que ce que nous observons habituellement est dû, non à une loi qui régenterait la chute des corps, mais à d’autres facteurs comme la résistance de l’air ou la gravitation. En fait, si ces facteurs étrangers par eux-mêmes à la chute des corps se voyaient neutralisés, si les corps tombaient dans le vide, ils tomberaient tous à la même vitesse.
Qu’en est-il de la création artistique ? Le créateur est-il à même, dans le cadre d’un projet précis de se représenter ce que sera son œuvre finale ? Cette représentation peut-elle faire l’objet d’une expérience de pensée similaire à celle de Galilée ? Si c’était le cas l’artiste ne serait plus qu’un simple artisan. C’est ce qu’explique fort bien Alain dans cet extrait du « Système des beaux-arts » : « Il reste à dire maintenant en quoi l’artiste diffère de l’artisan. Toutes les fois que l’idée précède et règle l’exécution, c’est industrie...le dessin d’une maison est une œuvre mécanique seulement, en ce sens qu’une machine bien réglée d’abord ferait l’oeuvre à mille exemplaires. Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu’il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu’il emploiera à l’oeuvre qu’il commence ; l’idée lui vient à mesure qu’il fait...Et c’est là le propre de l’artiste...Le portrait naît sous le pinceau ».
Ainsi, dans le cas de Galilée, l’imagination rarionnelle est en capacité de se représenter le résultat final de la recherche entreprise . Dans le cas de l’artiste, l’imagination rationnelle est impuissante à se représenter le résultat final de son action de création. L’oeuvre ne se dévoile qu’à l’issue du processus de création. Or, comme toujours, l’avenir est imprévisible. Ce qui vient est une page blanche.
Mais ce qui est vrai concernant l’expérience de pensée l’est-il toujours dans toutes les démarches de recherche des hommes de science ? De nombreuses recherches scientifiques n’aboutissent-elles pas sur autre chose que l’objet initial de la recherche ? Le hasard, la chance ne jouent-t-ils pas un rôle souvent déterminant ? C’est en observant des sels d’uranium que Marie Curie découvre la radio-activité ; c’est en observant par hasard une moisissure qui tue une bactérie que Fleming invente la pénicilline ; c’est par chance que Penzias et Wilson en 1917 en observant le ciel, constate un bruit inexpliqué qui s’avère être le fond diffus cosmologique, élément déterminant comme preuve ultérieure de la théorie du « big bang » et de l’expansion de l’Univers. Là aussi, comme pour la création artistique, le résultat final demeurait de l’ordre de l’imprévisible. Ce résultat est d’ailleurs encore plus imprévisible que pour l’oeuvre de l’artiste car si, pour celui-ci, le résultat final échappe à l’imagination ici et maintenant, au moins s’inscrit-il dans le cadre d’un projet initial précis.
Mais objectera-t-on, en sciences, l’activité de recherche est dictée par une méthode, par des règles. Remarquons tout d’abord que si cette affirmation fondée sur la démarche classique de la science, à savoir la méthode hypothético-déductive, c’est-à-dire le fait de poser une hypothèse, d’en tirer ce que l’on devrait observer si celle-ci est valide n’est pas une règle générale. L’épistémologue Feyerabend soutient que les hypothèses les plus farfelues peuvent être fécondes. C’est ainsi qu’au XIXI° siècle, le chimiste allemand Kékulé fit le rêve d’un serpent qui se mordait la queue et ce rêve lui donna l’intuition que la molécule de benzène était peut-être structurée en anneau.
Qu’en est-il en art ? Il est vrai que les créateurs artistiques s’inspirent souvent dans un premier temps des modes de création et des techniques utilisées par leurs devanciers. Mais très vite ils appliquent ces manière de faire de manière orignale et inventent un nouveau style. Sinon, il s’agirait d’un art académique et non la source de chefs-d’oeuvre . D’ailleurs il est symptomatique que toute reproduction fidèle d’une oeuvre d’art est considérée à juste titre comme un faux, qui reste certes une remarquable prouesse technique mais non une œuvre d’art authentique, celle-ci requérant toujours une création originale.
Doit-on alors attribuer les possibilités de découverte scientifique ou les réalisations de chefs-d’oeuvre au contexte culturel essentiellement ou bien au seul talent du créateur ? Les créateurs ne sont pas hors-sol. Inévitablement, ils subissent les influences culturelles de leur temps Mais celles-ci ne sauraient en rien rendre compte de leur génie créateur singulier. Le physicien contemporain Etienne Klein souligne avec raison qu’il y avait à l’Institut des brevets de Berne une vingtaine de chercheurs, dont Einstein, qui réfléchissait au problème de la synchronisaton des horloges. Cependant seul Einstein en tira la théorie révolutionnaire de la relativité restreinte. Cela prouve que les données scientifiques d’une époque ne sont pas suffisantes pour en tirer une idée nouvelle. Ce constat est réconfortant à une époque où certains en viennent à penser que l’intelligence artificielle oeuvrera de manière efficace au progrès scientifique.
Il en va de même concernant la production des œuvres d’art.Les éclairages pychologiques et sociologiques n’expliquent de l’art que ce qui en lui n’est pas artistique. Le génie de Rembrandt n’a aucun rapport avec les caractéristiques de la Hollande deson temps. Sinon le moindre peintre hollandais de cette époque possèderait un génie équivalent à Rembrandt. En conséquence, le talent ou le génie créateur constitue le facteut principal rendant compte des innovations majeures que ce soit en science ou en art.
C’est le cas de Galilée par exemple qui à l’encontre du bon sens, de l’observation ordinaire, de l’autorité vieille de 22 siècles d’Aristote énonce la loi de la chute des corps. C’est le cas de Léonard de Vinci qui introduit la technique du clair-obscur en peinture et produit le tableau incomparable de La Joconde alors même que cette même technique ne donne rien de comparable chez ses disciples, notamment Luini. C’est encore le cas lorsqu’un décalque rigoureux des dessins de Toulousr-Lautrec aboutissent à des réalisations sans intérêt, car sacrifiant par la force des choses la singlarité du mouvement du créateur.
Mais le talent ne fait pas tout. Il doit être accompagné par un travail soutenu. « L’imagination du bon artiste, souligne Nietzsche, produit constamment du bon, du médiocre, du mauvais. Mais son jugement extrêmement aiguisé choisit, rejette, combine ». C’est également le cas de Képler qui doit s’y reprendre à 17 fois avant de découvrir l’orbite elliptique des planètes.
Reste cependant une différence irrductible entre l’acte créateur du scientifique et de l’artiste : le premier doit se plier à la réalité telle qu’elle est dévoilée par l’expérimentation alors que pour le second, l’imagination créatrice peut faire fi des lois de la nature. Les conclusions de l’homme de science revêtent un caractère d’universalité alors que l’oeuvre de l’artiste reste singulière meme si, comme nous le verrons, elle revêt également quant au sens qu’elle transmet une forme d’universalité.