Dictionnaire du Poignard subtil (21/07/2019)
Solitude :
"Ne plus aimer sa mère fracture radicalement l'existence. C'est comme si on vivait avec un cœur différent de celui des autres. Ne plus aimer sa mère vous laisse profondément seul au monde, vous ampute. On ressent de la honte, on connaît le dégoût. On se croit volontiers un monstre."
Jean-Pierre Sautreau, Une Croix sur l'enfance, Nouvelles sources, 2019.
(Ce récit est un salubre – et pathétique – témoignage d'un homme que ses parents ont livré, pieds et poings liés, alors qu'il était un enfant de onze ans, aux séminaires des curés de Vendée, dont les élèves des années 1960 se mettent aujourd'hui à parler, révélant outre les attouchements et autres violences intrusives criminelles, plus généralement, le système de lobotomisation des consciences, la coercition généralisée due à l'éducation et au système religieux catholiques qui ont toujours eu pour but d'abolir toute pensée individuelle critique, et par là, toute liberté ; Eric Le Blanche (voir notes précédentes), peintre muraliste autarcique de Vendée, a écrit dans une de ses lettres retrouvées qu'il "donnait son âme et son corps à Dieu". Au regard des témoignages de crimes pédophiles qui affluent depuis quelque temps, en Vendée et ailleurs, concernant les prêtres, cette phrase du pauvre Le Blanche prend aujourd'hui un sens des plus inquiétants, voire tragiques...)
11:13 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : solitude, dictionnaire du poignard subtil, citations, jean-pierre sautreau, une croix sur l'enfance | Imprimer
Commentaires
Bonjour Bruno,
Merci de ce très juste commentaire et de ton choix de cet extrait concernant ma mère. Effectivement tu as bien perçu que ce coup de poignard maternel (là guère subtil évidemment) est le nœud du livre. Je ne commenterai pas la phrase de Le Blanche i vendéenne mais longtemps dans ce bled de Vouvant a sévi un curé abuseur... Hier, j'avais Annie Chaissac au téléphone qui me rappelait cet extrait de son papa, ci-dessous, Chavagnes étant le lieu de mon Séminaire. Endroit sans baignoire mais avec des douches qui passionnaient notre directeur De Bois David roux de cheveux et à l’œil bleu qui adorait se rincer de nos corps sous le maigre filet de la pomme et pas d'Adam.
Mes amitiés.
"J’avais pensé aussi à m’établir marchands de baignoires dans une des localités où personne n’en fait usage puisque de toute façon je suis pour échouer dans toutes les entreprises. Je tenterai peut-être la chose si un jour je suis assez en fonds pour avoir quelques baignoires en magasin. Quoique embarrassants ces objets ce serait tout de même mieux d’en avoir quelques-unes en magasin que de les faire choisir sur catalogue. Il faudra que je demande à Cattiaux le sorcier s’il me voit dans le marc de café vendant des baignoires à Chavagnes-en-Paillers. Ça pourrait d’ailleurs ‘être très bon d’être dans ce Chavagnes à cause des pères de ce nom qui y ont leur maison mère et qui sont dans le monde entier et pour peu qu’ils parleraient un peu de moi un peu partout s’ils me connaissaient ça me donnerait des chances de trouver le placement sinon de baignoires du moins de quelques dessin" (Gaston Chaissac, à R.G., juin 1948)
Écrit par : Sautreau Jean Pierre | 26/07/2019
Merci Jean-Pierre de ce commentaire.
Cependant, cette citation de Chaissac à propos de baignoires, à part l'occasion qu'elle t'a donné d'évoquer les douches de ce séminaire de Chavagnes-en-Paillers où le directeur se rinçait l'œil devant la nudité des garçons qui y passaient (sous la douche...), aurait pu être plus valablement remplacée par une autre, sur laquelle je suis tombé récemment en reprenant ma lecture d'un numéro de la revue "Histoires littéraires", spécial François Caradec. Elle contient en effet une lettre de Chaissac où l'on trouve ces phrases, que je trouve malicieuses et un brin ambiguës, de la part de Chaissac :
"Certaines Vendéennes tirent l'aiguille, font des jours pour Cholet pendant que le mari joue à l'industriel. Je suis allé l'autre jour aux Herbiers où j'ai vu des gamins conduits par de jeunes abbés et j'ai surtout remarqué que chaque abbé avait un gamin qui lui donnait le bras. Sans doute est-ce la mode."
(Lettre de Gaston Chaissac à François Caradec, 31 août 1953 dans "Histoires littéraires" n°43, Vol XI, juillet-août-septembre 2010.)
Cela me paraît bien plus significatif concernant les histoires de pédophilie des prêtres de Vendée et prouve que Chaissac n'avait pas les yeux dans sa poche, obligé cependant de s'exprimer entre les lignes au milieu de cette Vendée de bigots répressifs.
Écrit par : Le sciapode | 10/08/2019