La forme vitale est-elle virtuellement fixée dans le germe ou se détermine-t-elle au cours du devenir embryonnaire? Dans les années 1880, Wilhelm Roux cherche à résoudre ce problème par la création de l’embryologie expérimentale. Au moyen d’une reconstruction rationnelle des étapes historiques de cette discipline, cet ouvrage montre l’importance des concepts de préformation et d’épigenèse aux origines de celle-ci. L’analyse porte sur trois périodes charnières : la réforme mécaniste et darwinienne de l’embryologie morphologique par Ernst Haeckel (1866); l’avènement d’une physiologie réductionniste du développement avec Wilhelm His (1874); et la création d’une « mécanique du développement » par Roux ainsi que les interprétations néo-darwinienne, néo-vitaliste et organiciste de ses résultats les plus significatifs (1888-1908). L’auteur y soutient que ces développements suivent une logique de la découverte, selon laquelle les modèles mécaniques d’explication doivent être renouvelés lorsque leur examen empirique engendre la découverte de nouveaux phénomènes de régulation.
Ce livre traite donc d’un enjeu fondamental de la philosophie des sciences : le rapport entre la rationalité scientifique et la découverte. Il offre aussi un éclairage sur une question très actuelle de la philosophie de la biologie, soit les transformations du concept d’épigenèse en rapport avec les théories épigénétiques contemporaines. La méthodologie adoptée ici s’inscrit dans la tradition de l’épistémologie historique, consacrée à l’étude des transformations du savoir scientifique, fondée sur l’analyse historique de diverses sources documentaires. Un éclairage théorique constitué de modèles provenant de la philosophie des sciences et de connaissances scientifiques demeure ici indispensable.
Ghyslain Bolduc est postdoctorant à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques (IHPST) de Paris.
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