J'espère que vous avez regardé mardi soir le téléfilm proposé par FRANCE 2. Non que je sois une adepte de la télévision mais il y apparaît parfois, quand on prend soin de lire les programmes, des pépites, des images, des téléfilms qui ouvrent à la réflexion sans détours, sans faux-semblants ni misérabilisme ou angélisme. Enfin un téléfilm qui ouvre les yeux avec courage sur ce que vivent les élèves dans de nombreux collèges, sur ce qu'y vivent les familles et sur ce qu'y surmontent (ou pas) les professeurs.
J'ai donc regardé FRACTURE avec énormément d'émotion. Non parce que j'ai été agressée dans ma classe, parce que de ce côté-là, c'est soigné (me semble-t-il) mais parce que j'ai traversé des années d'enseignement avec ces élèves-là (et qu'ils m'ont beaucoup appris sur ce qu'est le travail d'enseigner face à des élèves en souffrance, face à des élèves parfois violents, dans une institution qui a du mal à le faire, dans une société qui ne sait pas comment s'y prendre).
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Oui, il y a des élèves qui (à force de faiblesse de l'institution) ont un sentiment de toute puissance (comme Moussa dans le téléfilm), oui il y a des élèves que l'institution ne parvient pas à protéger (comme Kévin dans le téléfilm), oui il y a des professeurs ou des surveillants qui sont agressés et pour lesquels l'institution ne sait pas faire, oui il y a des "bien-pensants" qui tolèrent beaucoup d'écarts aux règles et aux lois en se cachant derrière des arguments misérabilistes (les pauvres enfants, les pauvres familles, les pauvres de notre société) alors que JUSTEMENT, ce n'est pas les aider. Oui, il y a des professeurs qui sont tellement impuissants que les recettes proposées sur des DVD qui leur sont offerts gracieusement sont dérisoires. Oui, j'ai vu des enseignants s'effondrer en SEGPA, tenir coûte que coûte et pleurer, pleurer, pleurer tant la tâche était difficile. Et là, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes. Accepter des écarts à la loi n'a jamais aidé personne, c'est accompagner dans les difficultés qui aide. La société étant telle qu'elle est, les personnes (certains enseignants ou les petits chefs des établissements) ont une tendance à vouloir compenser ses manquements par une tolérance mal placée. Mais tout le monde est SI démuni!!!
Je vous invite à visionner ce court extrait
du téléfilm:
Allez voir également les deux extraits du téléfilm proposés par Télérama car ils sont très proches de ce qu'est la réalité du terrain.
Et relire ces quelques lignes de VICTOR HUGO
Je défends l’égaré, le faible, et cette foule
Qui, n’ayant jamais eu de point d’appui, s’écroule
Et tombe folle au fond des noirs événements ;
Étant les ignorants, ils sont les incléments ;
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
A vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité ;
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;
Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse
Et plus morne là-haut que les branches des bois ;
Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,
Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?
Extrait du poème:
A ceux qu'on foule aux pieds, 1872
Je n'ai pas encore lu le texte de Thierry Jonquet
(mais je le mets sur ma liste).
Quand je travaillais en SEGPA, j'avais parfois le sentiment, en allant au boulot, d'être dans un autre monde. Celui dont on ne parle que lorsque ça brûle... C'était désespérant de voir que notre société est dans une telle cécité! Nos élèves méritent mieux que ce qui leur est offert.
Si vous souhaitez participer à la citation du jeudi:
Je vous souhaite une belle journée.