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7 mai 2012

Lettre à ma fille qui manifeste


Lettre d'un père à sa fille de 19 ans

Chère Ariane,
Depuis 12 semaines, tu mènes un combat contre la hausse des frais de scolarité.
Je te regarde aller depuis tout ce temps.
Je te regarde partir dans les autobus, à 5 heures du matin pour aller manifester.
Tu es allé prêter main forte aux étudiant(e)s de St-Jean.
À ceux et celles de Sherbrooke, de Valleyfield, de Laval.
Tes collègues et toi avez défié les injonctions qui jettent l'huile sur le feu.
Vous avez marché, marché et passé des journées à bloquer les entrées des institutions.

Vous avez fait ça dans un geste altruiste
Toi et tes ami(e)s n'avez rien des têtes brulées.
Je te vois partir avec tes livres de Noam Chomsky,
De Michel Chossudovsky, Normand Baillargeon, Françoise David, François Lisée.
Je te vois te renseigner et lire sur le sujet
Et je sais que vous ne faites pas tout ça juste pour le plaisir de défier
Mais parce que vous êtes conscients du genre de société dans laquelle on vit.
Cette dépossession que les transnationales font vivre au monde ordinaire
Par l'entremise de gouvernements corrompus
C'est une mondialisation de la pauvreté qu'on offre
Au nom de 'Faire sa juste part'.


Je t'ai vu revenir des assemblées générales d'étudiants où ça chauffait.
Des assemblées où les votes étaient serrés mais où vous avez gagné.
J'ai senti ta joie au bout de ces 12 semaines de grève de voir que vous combattez toujours.
Je t'ai entendu me raconter ces gardiens de sécurité qui t'agressaient verbalement.
Je t'ai entendu parler des ces soixantaines d'autos de polices stationnées dans les rues.
De ces centaines de policiers casqués qui vous injurent parfois.
De ces policiers à chevaux
De ces autos de police qui vous suivent rapidement à un pied derrière.
Parce que le pouvoir dit que ce que vous faites est illégal.
Je t'ai vu et entendu me dire que malgré la violence verbale, vous êtes restés.
Vous êtes resté en groupe, solidaires parce que vous croyez en votre cause.
On vous arrache vos masques qui vous protègent du poivre.
On vous arrache vos bouteilles de vinaigre qui vous protège des gaz
On vous injurie mais vous marchez et vous résistez.

Le premier ministre est finalement sorti de sa temps d'ivoire aujourd'hui,
Après 12 semaines.
Il est battu.
Il ne le dit pas et fait semblant d'avoir le contrôle, mais il est battu.
Il répète inlassablement qu'il est temps que vous retourniez sur les bancs de l'école.
Moi, je sais que vous n'irez pas.
Vous n'irez pas parce que, dans un geste généreux,
Vous avez abandonné l'idée de reprendre vos cours.
Qu'il gère ce bordel qu'il a causé
Déconnecté de la réalité qu'il est devenu
Par son indifférence, son manque de sensibilité, son entêtement.

Il ne vous a jamais vu venir.
Vous arrivez de partout, de tous les coins du pays et vous marchez.
Vous participez à l'effort pour rendre l'éducation accessible
Au plus grand nombre possible dans l'avenir.

Je te lève mon chapeau à tes ami(e)s et à toi-même.
Je t'appuie dans ta lutte
Même si à chaque soir j'ai peur pour toi.
Peur que tu reviennes à la maison avec des blessures, des traumatismes
Car ce conflit, comme tu me l'as dit
Devient de plus en plus tendu.
On sent que l'atmosphère est à couper au couteau.
Mais vous irez, encore et encore lui dire
'NON, à la hausse des frais de scolarité'
Vous irez lui dire de prendre l'argent ailleurs que dans les poches des étudiant(e)s.
Et, tu sais quoi?
Ce que tu viens de réussir avec tes ami(e)s,
À mes yeux, c'est aussi valable sinon plus qu'un diplôme...

Signé Un père heureux de t'accompagner dans ton chemin de vie...