Alors que le groupe de rap devait entamer ce week-end une vaste tournée, une salle d'Angers et un tourneur à Saint-Etienne viennent d'annuler leur invitation. Et ce n'est sans doute qu'un début.
Dans une interview au magazine International Hip-Hop, Sexion d'Assaut avait déclaré :
« Pendant un temps, on a beaucoup attaqué les homosexuels parce qu'on est homophobes à 100% et qu'on l'assume. Mais on nous a fait beaucoup de réflexions et on s'est dit qu'il était mieux de ne plus trop en parler parce que ça pouvait nous porter préjudice. […]Des propos qui valent à Sexion d'Assaut l'annulation de deux concerts : après avoir fait publiquement part de ses interrogations, la direction d'une salle qui devait accueillir un concert du groupe de rap le 13 octobre à Angers (Maine-et-Loire) a ainsi finalement décidé de l'annuler.
Il y a donc quelques sujets auxquels on fait attention, on essaie de ne pas trop insulter certaines catégories de gens qu'on ne comprend pas pour ne pas choquer notre public qui est très éclectique et qui pourrait se sentir concerné. Imagine, il y a même des gays qui viennent nous voir !
On ne peut donc pas se permettre de dire ouvertement que pour nous, le fait d'être homosexuel est une déviance qui n'est pas tolérable. »
Rebelote peu après cette annonce : l'organisateur de spectacles C'Kel Prod, à Saint-Etienne, a également annulé le concert qui y était prévu le 16 octobre.
Dans un communiqué intitulé « Non au concert d'un groupe homophobe », la Ligue des droits de l'homme (LDH) a également demandé samedi l'annulation d'un concert du groupe, le 20 octobre, à Strasbourg. Selon la LDH, « il est inacceptable » de programmer des groupes qui « clament publiquement leur haine d'une catégorie d'individus et qui promeuvent une idéologie violemment discriminatoire ».
Des excuses jugées insuffisantes
« Après demande d'explications auprès du producteur des artistes, c'est avec beaucoup de circonspection que l'équipe du Chabada a accueilli le communiqué de démenti », expliquait François Jonquet, le directeur de la salle d'Angers, après les excuses de Lefa, un membre de Sexion d'Assaut.Le communiqué suivant, signé au nom du groupe, n'a pas été jugé plus convainquant. « Comment interpréter une volte-face aussi spectaculaire autrement qu'en terme d'opportunisme de circonstance ? », s'interroge le patron de la salle.
De leur côté, les organisateurs de spectacles stéphanois estiment :
« Bien qu'ayant tenté d'amorcer une médiation, les tensions de plus en plus palpables, attisées ces derniers jours par des communiqués maladroits, ne nous semblent pas propices pour entamer ce travail sereinement et de surcroît dans un délai aussi court. »A Angers, qui avait été l'une des villes où le concert était le plus ouvertement remis en question -comme dans cinq autres salles, selon le journal Sud Ouest-, le militant de l'association Quazar, Stéphane Corbin (qui collabore occasionnellement à TÊTU), estime intéressant que « des directeurs de salles, scandalisés par les propos mais aussi par les excuses bidons, décident d'eux-mêmes de ne plus faire jouer des musiciens, parce qu'ils sont opposés à leurs valeurs ».
« L'homophobie n'est pas une opinion, mais un délit »
Quant au message adressé au groupe :« C'est une sanction publique, qui les touchera plus, sans doute, qu'une sanction juridique. Ils revendiquent une culture de macho et pensaient avoir le droit de tout dire. Ils devront s'apercevoir que ce n'est pas si simple : l'homophobie n'est pas une opinion, mais un délit. »Et le porte-parole de la Fédération LGBT est certain que les annulations ne s'arrêteront pas à Angers. L'association démarre une campagne nationale d'envoi de courriers aux maires, préfets, procureurs et directeurs des salles de toutes les villes où devait se produire le groupe, pour les alerter sur de possibles troubles à l'ordre public.
Sexion d'Assaut a prévu quinze dates dès dimanche à Pau, puis à Rennes, Nantes, Toulouse, Montpellier, Lyon ou Bruxelles, avant un concert au Zénith de Paris le 5 novembre. Une option avait été prise pour un dernier concert à Bercy en mai 2011… qui semble aujourd'hui fortement compromis.
Photo et illustration : tournage d'un clip de Sexion d'Assaut (Fjludo/Flickr) ; l'interview de Sexion d'Assaut dans International Hip-Hop