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mercredi, octobre 10, 2012

La Révélation (III)


Nécessité de la Révélation

La Révélation était-elle nécessaire ? Avant de répondre à cette question, il convient de faire un rappel sur la notion de nécessité en philosophie.
Définition : La nécessité est le caractère de ce qui est nécessaire !

   Appliqué à une proposition, est nécessaire ce dont la contradictoire est impossible ou impensable. On parle ainsi des vérités éternelles et nécessaires, des principes universels et nécessaires. Ex . : la proposition «  2 + 2 = 4 » est nécessaire, car le fait que 2 + 2 ne soit pas égal à 4 est impensable.
Appliqué à un être, est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être. En ce sens, seul Dieu est nécessaire, puisque tous les autres êtres ont été créés, dont aurait pu ne pas être. « Je sens que je puis ne pas avoir été, donc je ne suis pas un être nécessaire » dit Pascal dans ses Pensées. Nécessaire s’oppose ici à contingent : est contingent ce qui peut ne pas être. Toutes les créatures sont contingentes, puisque avant d’être crées, elles n’étaient pas, et que cela n’enlevait rien à Dieu, unique Être nécessaire. 
Dieu aurait pu ne pas nous créer, puisque Il est libre. Nécessaire s’oppose donc aussi à libre ( et nécessité à liberté ). Affirmer que Dieu soit dans la nécessité de faire ou de ne pas faire telle ou telle action, revient à nier sa liberté, ce qui est impensable. Il n’y avait aucune nécessité à ce que Dieu crée le monde. L’œuvre de la création relève donc de la bonté de Dieu, qui agit par amour en toute liberté.

  • Une distinction à opérer

Dieu n’agit jamais par nécessité. Il faut donc affirmer que la Révélation n’était pas nécessaire, sinon, il nous faudrait nier la liberté de Dieu. Pourtant, le 1er concile du Vatican semble affirmer le contraire, puisqu’il affirme la nécessité de la Révélation. Il convient donc d’opérer une distinction que nous irons chercher chez Saint Thomas d’Aquin.
Celui-ci se pose en effet la question de l’Incarnation : était elle nécessaire ? En soi, non, puisque Dieu est libre. Toutefois, saint Thomas y voit quand même une certaine nécessité que l’on peut qualifier de morale. Il distingue ainsi : 
« Quelque chose est dit nécessaire à une fin de deux façons: de telle façon que sans cela quelque chose ne puisse pas exister ; c'est ainsi que la nourriture est nécessaire à la conservation de la vie humaine. Ou bien parce que cela permet de parvenir à la fin de façon meilleure et plus adaptée ; c'est ainsi qu'un cheval est nécessaire pour voyager. » ( Somme théologique, IIIa Q 1 art 2 )

Nous distinguerons ainsi avec saint Thomas, et comme le fait d’ailleurs l’Eglise, la nécessité absolue, ce qui est nécessaire en soi, absolument, du fait des lois de l’être et de la nature ( nécessité d’ordre métaphysique, physique ou mathématique ) et la nécessité relative, qui est nécessaire pour une meilleure réalisation d’une fin, d’un objectif fixé. Ainsi, L’Incarnation n’était pas nécessaire en soi, mais étant supposé que Dieu veuille sauver l’humanité, il était nécessaire, d’une nécessité relative, que l’Incarnation se fasse. Cette nécessité manifeste une haute convenance : l’Incarnation est le moyen le plus convenable pour nous sauver. Dieu était libre de réaliser ou non notre salut, mais l’ayant voulu, il était convenable qu’Il le fasse au moyen de l’Incarnation.

Nous opérerons donc la même distinction au sujet de la Révélation. Celle ci n’est pas nécessaire en soi, d’une nécessité absolue. Mais puisque Dieu, librement, nous a assigné une fin surnaturelle ( qui dépasse les capacités de notre nature ) la Révélation devient alors moralement nécessaire pour que nous puissions connaître cette fin. Dans la nature comme dans l’ordre surnaturel, il y a toujours une proportion entre la fin et les moyens, sinon il y aurait un non-sens, une absurdité dans le plan divin. A fin surnaturelle, il nous faut des moyens surnaturels, d’où l’ordre de la grâce. Or le salut passe d’abord par une connaissance : la Foi. Cette connaissance n’a rien d’ésotérique et n’est pas limitée à une petite élite intellectuelle. Elle s’adresse au contraire à toute l’humanité. Voilà pourquoi Dieu s’est révélé, comme l’enseignent l’Eglise et les théologiens :



1er Concile du Vatican : 

« C’est bien grâce à cette Révélation divine que tous les hommes doivent de pouvoir, dans la condition présente du genre humain, connaître facilement, avec une ferme certitude et sans aucun mélange d’erreur, ce qui dans les choses divines, n’est pas de soi inaccessible à la raison. Ce n’est cependant pas pour cette raison que la Révélation doit être dite absolument nécessaire, mais parce que Dieu, dans son infinie bonté, à ordonné l’homme à une fin surnaturelle, à savoir la participation aux biens divins qui dépassent absolument ce que peut saisir l’esprit humain . » 

saint Augustin :
Saint Augustin par Piero Della Francesca
« C’est un grand effort, et bien rare, de s’élever, par la puissance de la raison, au-dessus de toutes les créatures dont l’observation a reconnu la mutabilité, jusqu’à l’immuable substance de Dieu, et d’apprendre de Lui-même, que toute la nature, qui n’est pas Lui, n’a pour auteur que Lui seul. Car Dieu ne parle à l’homme par aucune créature corporelle, Il ne frappe point l’oreille d’accents qui vibrent dans l’air intermédiaire entre la parole et l’auditeur ; Il ne se sert d’aucune de ces images spirituelles, semblables aux figures des corps et aux fantômes de nos songes. Et cependant, il semble que l’oreille l’entend, car il semble qu’Il parle par des organes corporels, et comme à différentes distances locales : ces manifestations présentent en effet de nombreuses similitudes avec les corps. Mais Il parle réellement par sa vérité même, langage qu’entend de l’esprit, et non de l’oreille, quiconque est propre à l’entendre. Car Il ne parle à ce qui est, en l’homme, le plus excellent de son être et qui ne cède en excellence qu’à Dieu. Comme l’on sait, ou du moins, comme l’on croit avec raison, que l’homme est fait à l’image de Dieu, il est certain qu’il n’approche de Dieu que par où il l’emporte sur le reste de lui-même, ces parties inférieures qui lui sont communes avec les bêtes. Mais l’esprit, en qui résident naturellement la raison et l’intelligence, couvert des ténèbres de certains vices invétérés, et trop faible pour embrasser la jouissance -  que dis-je ?- pour soutenir même le rayon de cette lumière immuable, en attendant que de jour en jour renouvelé et guéri, il devienne capable d’une telle félicité ; l’esprit, dis-je, devait d’abord être pénétré et purifié par la foi. Et afin que par elle il marchât avec plus de confiance à la vérité, la Vérité même, Dieu Fils de Dieu, revêtant l’homme sans dépouiller le Dieu, établit et fonde cette foi qui ouvre à l’homme la voie vers le Dieu de l’homme par l’Homme-Dieu. Voilà donc le médiateur des dieux et des hommes, Jésus-Christ homme ; et c’est comme homme qu’il est le  médiateur et la voie. Lorsqu’en effet, entre le point de départ et le but il se trouve une voie intermédiaire, on a l’espoir d’arriver ; dans l’absence ou l’ignorance de la voie, que sert de connaître le but ? Mais c’est l’unique voie, assurée contre toute erreur, que le même soit Dieu et homme ; but, en tant qu’homme ; voie, en tant que Dieu. »
( La cité de Dieu, Livre XI, § 2 )

saint Thomas d’Aquin :

« L’intelligence humaine, qui tout naturellement, puise sa connaissance dans le sensible, ne saurait par ses seules forces atteindre à l’intuition de la substance divine en elle-même : de par son élévation, en effet, cette substance est sans proportion aucune avec les êtres sensibles, ni même avec aucun des autres êtres.
Cependant, le bien parfait de l’homme consiste à connaître Dieu, d’une façon ou d’une autre. On serait donc en droit de considérer une créature d’une telle valeur comme rigoureusement absurde, c’est-à-dire comme incapable d’atteindre sa fin, si une voie ne lui avait été ouverte par laquelle elle peut s’élever jusqu’à connaître Dieu : en effet, puisque les perfections des choses existantes s’étagent au-dessous de Dieu, qui en constitue comme le sommet, l’intelligence, en partant des perfections infimes, et en s’élevant par degrés, peut parvenir à la connaissance de Dieu. Ainsi en va-t-il des mouvements corporels eux mêmes : que l’on monte ou que l’on descende, le chemin est le même, et seuls varient le départ et le terme. »
( Somme contre les Gentils, Livre IV , § 1 )

Cardinal Giraud

« La Révélation, qu’est-elle autre chose qu’une raison surnaturelle surajoutée à la raison humaine pour la perfectionner, en l’avertissant de sa faiblesse, en redressant ses erreurs, en humiliant son orgueil, et comme une nouvelle lumière qui fortifie ses yeux ?
Que Dieu ait donné la raison pour la conduite ordinaire de la vie, la connaissance des vérités premières et des grands préceptes de la morale, et qu’ensuite, dans l’ordre plus élevé de la religion, Il nous mette à la main un second flambeau pour nous conduire là où la raison seule ne peut atteindre : que voyez-vous dans tout cela qui ne soit digne , et de Dieu, et de l’homme ?
Si, au contraire, vous rejetez ce secours, et qu’à la place d’une religion déterminée, vous établissiez la raison comme la règle et l’arbitre des devoirs religieux, comme chacun a sa raison particulière, et que personne n’a le droit d’imposer la sienne à son semblable, chacun aussi se fera une religion à sa mode et à sa bienséance. Jugez-en par les écarts de ceux qui ont abjuré la Révélation :
Les uns se créent une religion qu’il leur plaît d’appeler naturelle, sans doute parce qu’elle favorise tous les penchants de la nature ; les autres considèrent toute espèce de culte religieux comme une institution purement politique, excellente pour le peuple, inutile aux sages, qui peuvent se passer de ce frein ; et ils ne manquent pas de se mettre au nombre de ces sages. Ceux-ci rangent la religion dans la classe des opinions humaines, des questions problématiques… ; ceux-là la réduisent à un sentiment intérieur qu’on a tâché de mettre en vogue sous le nom de sentiment religieux : sentiment vague et indéfini, qui simplifie merveilleusement les devoirs, parce qu’il n’admet ni témoin, ni juge, et dont l’effet le plus naturel serait de mener au fanatisme, s’il ne conduisait pas plus directement encore à la ruine de toute religion.
… Vous anéantissez toute religion, et toutefois nous avons démontré qu’il en faut une. Si la raison, abandonnée à elle-même et à ses propres lumières, ne peut l’établir, il faut donc recourir à l’intervention divine, et admettre conséquemment une religion positive et révélée de Dieu. »

jeudi, septembre 20, 2012

La Révélation (II)

Caractère surnaturel de la Révélation

Ce qui est spécifiquement surnaturel dans la Révélation, n’est pas en soi l’initiative divine, que l’on retrouve presque et toujours partout ( création, providence…), ni même l’objet de la révélation qui peut porter, on l’a vu sur des vérités accessibles à la seule raison. Il faut par contre noter le mode surhumain de son origine. La Révélation est une intervention spéciale et gratuite dans l’ordre de notre vie religieuse qui se traduit du côté de l’homme par un accroissement de la connaissance de vérités, et qui n’est pas dû à ses propres ressources.

L’Eglise, dans son enseignement suprême infaillible, enseigne cela, spécialement depuis le XIXè siècle où un courant rationaliste et naturaliste niait la possibilité même de la Révélation. Aujourd’hui, le problème est quelque peu différent. On ne niera pas directement la possibilité de la Révélation, mais plutôt le fait, ou bien on en changera la nature. Le protestantisme avait déjà beaucoup modifier le concept de Révélation, d’une part en la limitant à la seule Ecriture Sainte et en niant le rôle fondamental du Magistère de l’Eglise, d’autre part en introduisant la notion de subjectivisme. C’était ouvrir la porte au modernisme que condamnera le Pape saint Pie X. Le modernisme refuse toute idée de transcendance et a fait de la Révélation une invention humaine, fruit de l’immanence. Aujourd’hui, avec le déferlement du New Age qui va puiser sa substance dans les philosophies orientales, la notion de Révélation est devenue assez floue, même chez de nombreux catholiques. Il existerait bien un Dieu, ou une certaine divinité ( le terme a son importance, car il désigne la nature de Dieu, non la personne : parler de divinité atténue fortement l’idée d’un Dieu personnel ), mais cette divinité communique avec chacun de façon très personnel, avec parfois des intermédiaires surprenants : les esprits des morts, les fluides ou énergies de la nature, les profondeurs de notre subconscient, etc… Finalement, nous voyons ici une résurgence de la gnose antique.

Avant donc de voir l’enseignement de l’Eglise au sujet de la Révélation, montrons d’abord que celle ci est bien possible. Nous n’userons ici que d’arguments de raison, et non de foi. Ainsi, tout homme, chrétien ou non, est en mesure de savoir qu’une révélation divine est possible, de même que tout homme usant de son intelligence correctement est en mesure de savoir qu’il existe un être suprême que le langage courant nous fait appeler Dieu.


Possibilité de la Révélation



Nous pouvons déjà rendre compte d’une intuition commune à la majorité des êtres humains, au delà des distinctions de races, de cultures, de lieu ou de temps : la raison elle même nous fait entrevoir en Dieu des mystères qui la dépassent. De plus, si Dieu est cause première de tout ce qui existe – ce qu’avait démontré le philosophe Aristote – qu’est ce qui l’empêcherait de manifester des connaissances touchant à des vérités transcendantes ? Si l’homme reçoit de ses semblables, pourquoi ne recevrait il pas également de Dieu ? La connaissance de l’existence de Dieu nous fait découvrir son essence et ses attributs : nous voyons ainsi un Dieu cause première et principe de tout, acte pur, immuable, sans imperfection. Si nous reconnaissons l’existence de Dieu, que la raison nous fait découvrir, il serait justement irrationnel de nier la possibilité d’une Révélation. Nous affirmons donc que la Révélation est possible physiquement.



Par ailleurs, tous s’entendent pour reconnaître que notre raison a ses limites. Certes, les progrès techniques et scientifiques sont considérables, surtout depuis un siècle, mais il est clair que nous ne percevons qu’une infime parcelle de la réalité de l’être, aussi bien en ce qui concerne l’infiniment grand que l’infiniment petit. Biologistes comme astrophysiciens sont en admiration devant le monde qui se présente à eux ! Nous avons pris des extrêmes, mais de façon habituelle, c’est toute la nature qui est source d’émerveillement. Or les sciences positives ne pourront que nous donner le comment de ce que nous observons dans l’univers, mais jamais elle ne nous livreront le pourquoi.


 S’il nous reste encore beaucoup à apprendre sur l’univers, à fortiori nous en reste-t-il davantage sur Celui qui en est à l’origine. Or puisque cet Etre est doué de raison, il peut très bien venir à notre secours. Notre connaissance naturelle de Dieu a besoin d’être confirmée. Et nous n’y voyons pas une lacune dans le plan primitif de Dieu : la Révélation peut très bien se concevoir comme point de départ d’un plan supérieur. Ainsi, nous affirmons que la Révélation est également moralement possible.

L’enseignement de l’Eglise

Evidemment, pour nous chrétiens, qui recevons le fait même de la Révélation dans l’obéissance de la foi, nous savons bien qu’elle est possible, puisqu’elle est ! Mais la réception des vérités de foi ne nous empêche nullement de faire fonctionner notre intelligence. Au contraire, la sagesse, le bon sens tout simplement, nous poussent à approfondir notre réflexion par une étude attentive et amoureuse du donné de la foi. Nous sommes ainsi loin de tout fondamentalisme, propre à certaines religions comme l’Islam, ou certaines sectes « d’inspiration » chrétienne comme les Témoins de Jéhovah. 

Que nous enseigne l’Eglise ? Et bien justement, l’existence de deux ordres de connaissances distincts, mais non contradictoires. Voyons quelques textes du Magistère à ce sujet.

  1er Concile du Vatican ( 3è session, 24 avril 1870, constitution dogmatique « Dei Filius » sur la foi catholique, chap 2 : la Révélation )

Premier Concile du Vatican (1869-1870)
« La même sainte Eglise, notre Mère, croit et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses crées, car ‘depuis la création du monde, ce qu’il y a d’invisible se laisse voir à l’intelligence grâce à ses œuvres’ ( Rm I ; 20 ). Toutefois, il a plu à sa sagesse et à sa bonté de se révéler lui-même au genre humain ainsi que les décrets éternels de sa volonté, par une autre voie, surnaturelle celle là : ‘ Après avoir à maintes reprises et sous maintes formes parlé jadis à nos Pères par les prophètes, Dieu, tout récemment, nous a parlé par le Fils’ ( Hb I, 1 ). »

  Encyclique « Fides et Ratio » ( du Pape Jean Paul II, 14 septembre 1998 ) L’encyclique traite de façon admirable des rapports entre la foi et la raison. Le premier chapitre concerne la Révélation. Le Pape reprend en partie l’enseignement de Vatican I.

« Reprenant presque littéralement l’enseignement donné par la Constitution ‘Dei Filius’ du Concile Vatican I et tenant compte des principes proposés par le Concile de Trente, la constitution ‘Dei Verbum’ de Vatican II a continué le processus séculaire d’intelligence de la foi et a réfléchi sur la Révélation à la lumière de l’enseignement biblique et de l’ensemble de la tradition patristique. Au premier Concile du Vatican, les Pères avaient souligné le caractère surnaturel de la Révélation de Dieu. La critique rationaliste, qui s’attaquait alors à la foi en partant de thèses erronées et très répandues, portait sur la négation de toute connaissance qui ne serait pas le fruit des capacités naturelles de la raison. Ce fait avait obligé le Concile à réaffirmer avec force que, outre la connaissance propre de la raison humaine, capable par nature d’arriver jusqu’au Créateur, il existe une connaissance qui est propre à la foi. Cette connaissance exprime une vérité fondée sur le fait même que Dieu se révèle, et c’est une vérité très certaine car Dieu ne trompe pas et ne veut pas tromper.         ( § 8 )
Le Concile Vatican I enseigne donc que la vérité atteinte par la voie de la réflexion philosophique et la vérité de la Révélation ne se confondent pas, et que l’un ne rend pas l’autre superflue : ‘il existe deux ordres de connaissance, distincts non seulement par leur principe mais aussi par leur objet. Par leur principe, puisque dans l’un c’est par la raison naturelle et dans l’autre par la foi divine que nous connaissons. Par leur objet, parce que outre les vérités que la raison naturelle peut atteindre, nous sont proposés à croire les mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne sont divinement révélés.’ La foi, qui est fondée sur le témoignage de Dieu et bénéficie de l’aide surnaturelle de la grâce, est effectivement d’un ordre différent de celui de la connaissance philosophique. Celle-ci, en effet, s’appuie sur la perception des sens, sur l’expérience, et elle se développe à la lumière de la seule intelligence. La philosophie et les sciences évoluent dans l’ordre de la raison naturelle, tandis que la foi, éclairée et guidée par l’Esprit Saint, reconnaît dans le message du salut la ‘ plénitude de grâce et de vérité’ (Jn I ; 14 ) que Dieu a voulu révéler dans l’Histoire et de manière définitive par son Fils Jésus-Christ. » ( § 9 )


Excursus : l’affaire Galilée



L’Eglise est la première à reconnaître l’existence de deux ordres de connaissance distincts, comme le rappelle Jean-Paul II dans le texte ci-dessus. Les rationalistes tendent à opposer par principe foi et raison, dans le but avoué de ruiner les fondements de la religion. Or distinction n’est pas opposition, et il ne saurait y avoir d’opposition car Dieu est principe aussi bien de la foi que de la raison. Il s’agit seulement de bien poser le problème, ce qu’a fait le Pape en soulignant que foi et raison diffèrent quant à leur objet, mais concourent toutes deux à la connaissance de la Vérité qui est une. Comment deux sciences qui n’ont pas le même domaine d’application peuvent elles s’opposer ? L’affirmer relève de l’absurde, et pour le coup, est absolument contraire aux lois de la raison.
Un des cas les plus typiques de cette dialectique, utilisée bien souvent pour dénigrer une Eglise obscurantiste, est ce qu’on a coutume d’appeler « l’affaire Galilée ». Ainsi, à en croire certains, et hélas leur opinion, dont nous démontrerons la fausseté est très répandue dans la conscience populaire, Galilée, physicien et astronome aurait été condamné par l’Inquisition comme hérétique en 1633. Il aurait été réhabilité par le Pape Jean-Paul II en octobre 1992. Qu’en est il exactement ?

Disons d’abord que Galilée n’a pas pu être condamné pour hérésie, puisque l’hérésie est une erreur, ou négation, contraire à la foi révélée par Dieu et enseignée par l’Eglise. Or les propositions professées par Galilée ne touchaient pas directement à la foi, mais relevaient des sciences positives. L’Eglise n’a pas en soi autorité pour juger sur des propositions relevant de ces sciences. Nous pouvons en effet distinguer dans le vaste champ des connaissances, 3 niveaux différents :

  les hypothèses scientifiques, qui doivent être vérifiées expérimentalement. Karl Popper, célèbre épistémologue du XXè siècle parle à ce sujet de falsifiabilité : une proposition doit être telle qu’on puisse démontrer si elle est vraie ou fausse. Par ailleurs ces hypothèses, même vérifiée, peuvent toujours être révisées, reprises selon un autre point de vue, et c’est bien ce qui arrive en pratique.

  la réflexion philosophique, qui procède rationnellement, et qui peut, si elle est correctement conduite, aboutir à des vérités.

  la théologie qui déduit et expose les vérités contenus dans la Révélation. En ce domaine, seule l’Eglise, par son Magistère, a le pouvoir de dire ce qui est vrai ou ce qui est faux.

Galilée n’a donc jamais été condamné pour avoir affirmé que la Terre tourne autour du Soleil car cette affirmation relève des sciences positives ( astronomie ) et non de la foi. Certes, des passages de l’Ecriture semblent indiquer le contraire, mais les théologiens ont toujours reconnu que l’Ecriture s’exprime souvent selon l’opinion courante, par exemple quand on parle temporellement de Dieu, qui est pourtant éternel. Dans le langage courant, nous disons bien que le Soleil se lève ou se couche. Or nous savons bien que ce n’est qu’une métaphore, puisque cette impression de Soleil levant ou couchant nous est en réalité donné par la rotation de la planète.  La Bible emploie très souvent un langage imagé pour décrire une réalité. Il s’agit encore une fois de ne pas être littéraliste.

A partir de 1611 Galilée milite pour le système de Copernic ( 1473 – 1543 ). Ce dernier avait émis l’hypothèse de l’héliocentrisme pour expliquer le mouvement des planètes. Ainsi la Terre ne serait plus au centre du monde, comme on le pensait jadis. Mais jamais cela ne fut considéré comme une vérité révélée à croire de foi divine. Or voici qu’en 1623 un ami personnel de Galilée, Maffeo Barberini, devint Pape sous le nom d’Urbain VIII. Galilée insiste alors auprès de son ami pour que ses thèses soient proclamées « d’Eglise » ce que le Pape ne peut absolument pas accepter. Etant gardien de la foi, il ne peut nullement faire passer pour article de foi ce qui n’est qu’une hypothèse scientifique. Imaginez le tollé que cela provoquerait si de nos jours Benoit XVI érigeait en dogme d’Eglise une hypothèse scientifique, même reconnue par tous les savants. On crierait à la confusion dans l’ordre du savoir et on reprocherait à l’Eglise de se prononcer sur un domaine qui ne la concerne pas directement. Et bien le Pape Urbain VIII a justement voulu éviter cela.

En 1630 Galilée explique le mouvement de la Terre par le phénomène des marées. Il enseigne cette théorie publiquement, comme étant vraie. Or il se trouve qu’elle est fausse comme le montrera Newton par la suite. On demande alors à Galilée de ne présenter ses théories que comme des hypothèses et de renoncer à commenter la Bible. Galilée persistant malgré tout, le Saint-Office ouvre un procès. Il est condamné à renoncer au système de Copernic qui n’était pas encore prouvé, et est assigné à résidence dans sa villa de Toscane. Ce fut certainement une sage sentence, peut être due à l’intervention du Pape, son ami, car à ce moment, Galilée âgé de 69 ans voyait très mal et ne pouvait se déplacer que difficilement. Il put ainsi se retirer tranquillement chez lui, loin de toutes polémiques, pour continuer son travail, ce qui lui permit de rédiger son Traité de mécanique. Quant à l’affirmation « Et pourtant, elle tourne ! », il ne l’a jamais prononcé. Ce mot lui a été attribué au XVIIIè siècle par les ennemis de l’Eglise.

Ainsi dans cette affaire, mis à part le fait que Galilée ne fut pas le martyr de la science face à l’obscurantisme de l’Eglise comme on veut nous le faire croire, il apparaît que l’Eglise se fait au contraire défenseur de la science. Galilée en voulant imposer sa théorie comme étant « d’Eglise » aurait nuit aussi bien à la science qu’à la théologie. L’Eglise n’a fait dans cette affaire que respecter la distinction des ordres du savoir.  Quand la preuve du mouvement de la Terre autour du Soleil sera apportée scientifiquement, au XVIIIè siècle, grâce à l’optique, l’Eglise acceptera ces thèses sans aucun problème. Un mausolée à Galilée sera même érigé en 1734 dans l’église Santa Croce à Florence. Si réhabilitation il devait y avoir, elle serait déjà faite depuis plus de deux siècles !




mardi, septembre 18, 2012

La Révélation (I)

 Cours d'apologétique


1° ) Notion et objet

Le terme vient du latin Revelare, qui signifie dévoiler, découvrir. Il désigne une opération de notre intelligence qui amène au grand jour un fait caché auparavant en dissipant les ténèbres dont il était voilé. C’est donc l’action de découvrir une chose inconnue. Dans le langage profane, on parlera souvent de révélation pour désigner une découverte à caractère sensationnel. Le terme peut aussi signifier la chose même, ou la personne, qui est découverte. On dira par exemple que tel acteur est la révélation de l’année dans le domaine du cinéma. Dans le vocabulaire chrétien, le terme est consacré comme une sorte de nom propre, et on l’écrit d’ailleurs avec une majuscule. Par la Révélation, Dieu va se dévoiler aux hommes afin que ceux ci puissent le connaître et connaître sa volonté.

Définition :  la Révélation est la communication faite par Dieu, moyennant un instrument humain, de jugements touchant des réalités divines, dont la connaissance est propre à nourrir notre vie religieuse.



Expliquons cette définition :

- communication faite par Dieu : la Révélation est une action de Dieu ; elle n’est donc pas œuvre humaine. Dieu nous communique quelque chose. L’homme, à ce stade, est uniquement réceptif, passif.

- moyennant un instrument humain : Dieu s’adresse à des hommes. Il faut donc que ceux ci soient capables de comprendre ce que Dieu dit. La Révélation se fait donc selon un mode humain. On peut ici apporter des distinctions. 

Suivant les personnes auxquelles elle s’adresse, la Révélation est :
  • immédiate quand Dieu la fait directement. ( Ex. Dieu s’adresse à Abraham et lui dit : «  Tu deviendras père d’une multitude de nation. On ne te nommera plus Abram, mais ton nom sera Abraham… »
  • médiate quand Dieu utilise un intermédiaire. ( Ex. Le Décalogue transmis aux Juifs par Moïse )

Suivant la façon dont Dieu nous révèle, elle est :
  • sensible si elle s’adresse directement à nos sens extérieurs, par exemple la vue. ( Ex. La main qui écrit sur le mur devant le roi Balthazar, au chapitre V du livre de Daniel.)
  • imaginative si elle s’adresse à  nos sens intérieurs, et à notre imagination, en songe par exemple. (Ex. L’ange qui apparaît en songe à saint Joseph )
  • intellectuelle quand elle est formulée directement à notre esprit.

- de jugements touchant des réalités divines : il s’agit de l’objet de la Révélation, ce que Dieu nous a révélé : des vérités au sujet de Dieu lui même, ou bien concernant Dieu dans ses rapports avec les créatures.
Les propositions révélées peuvent porter :
sur un sujet qui dépasse la raison humaine. L’homme ne pouvait pas le trouver par ses propres forces, et ne peut pas le comprendre. Il s’agit du mystère. (Ex. Mystère de la Trinité )
  sur un sujet que l’homme n’aurait pas pu connaître seul, mais qu’il peut comprendre. ( Ex. devoir de sanctifier un jour de la semaine )
  sur un sujet accessible à la seule raison, mais que Dieu vient nous rappeler. ( Ex.  existence de Dieu )

- dont la connaissance est propre à nourrir notre vie religieuse : c’est le but de la Révélation. Dieu se fait connaître aux hommes pour qu’ils puissent ensuite l’adorer, l’aimer et le servir.

A suivre....