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La France ne taxe-t-elle vraiment pas assez les gros héritages?

Si Oxfam remet en cause les niches fiscales sur les transmissions de gros patrimoines, la France n'en reste pas moins un des pays qui taxe le plus héritages et donations au sein de l'OCDE.

Un trou de 160 milliards d’euros. C’est le manque à gagner pour l'Etat selon l’ONG Oxfam des recettes fiscales liées aux successions des ultra-riches.

Ce sont les différentes niches et exemptions fiscales qui seraient à l’origine de ce manque à gagner colossal.

Mais que recouvre ce chiffre de 160 milliards? L’ONG a pris le patrimoine des 25 plus grandes fortunes françaises de plus de 70 ans, a appliqué un taux moyen de 10% (celui qui s'applique en moyenne aux 0,1% des plus gros héritages) et a estimé quand sans les différentes niches fiscales ce sont 200 milliards d’euros qui devraient entrer dans les caisses de l’État au lieu de 46 milliards de recettes attendues.

Certes le système de taxation des patrimoines est sans doute à améliorer. Les classes moyennes supérieures par exemple qui transmettent essentiellement du patrimoine immobilier sont plus taxées en moyenne que les ménages riches ou très riches qui transmettent eux des entreprises ou des parts de société industrielle et commerciale.

Les Experts : Oxfam appelle à taxer les "super-héritages" - 17/09
Les Experts : Oxfam appelle à taxer les "super-héritages" - 17/09
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Autre écueil, l'âge de plus en plus tardif auquel on hérite qui est actuellement en moyenne de plus de 50 ans. Une transmission de patrimoine qui ne profite pas pleinement à l'économie puisqu'à cet âge on a tendance à l'épargner plutôt que de le réinjecter dans l'économie.

Pour autant les niches et les exonérations ne profitent-elles qu’aux riches? C’est plus compliqué que ça. D’abord il faut rappeler que les Français les plus modestes échappent, eux aussi, à la taxation puisqu’il y a une exonération jusqu’à 100.000 euros de patrimoine transmis. Or la moitié des héritages en France sont d'un montant inférieur à 70.000 euros.

Le pacte Dutreil exonère les transmissions d'entreprises

De plus les niches fiscales pointées du doigt ont aussi un intérêt économique. À commencer par le pacte Dutreil qui permet d'exonérer à hauteur de 75%, la valeur des biens affectés à l'exploitation de l'entreprise familiale, lors de sa transmission.

Le but de cette mesure est de permettre la pérennité des PME familiales. Les patrimoines des plus fortunés sont en effet essentiellement professionnels. Des droits de mutations élevés conduiraient à la vente ou la dissolution de nombreuses entreprises dans un pays comme la France où le tissu de PME est le point faible de notre économie.

Les recettes tirées des droits de mutation sont très élevées en France.
Les recettes tirées des droits de mutation sont très élevées en France. © BFMTV

Ensuite, il faut rappeler que malgré ces niches et autres exonérations, la France est un des pays qui taxent déjà le plus les transmissions. Les droits de mutations à titre gratuit (fiscalité sur les donations et héritages) représentent 1,4% de l’ensemble des recettes fiscales selon les données de l'OCDE. Contre 0,7% au Royaume-Uni, 0,5% en Allemagne, 0,1% en Italie pour une moyenne de 0,36% dans les 35 économies les plus riches de la planète.

D'ailleurs depuis le début des années 2000, 15 des 35 pays de l’OCDE ont supprimé l’impôt sur les successions. La France a eu tendance à les augmenter en taxant par exemple davantage l'assurance-vie.

Enfin il faut rappeler que contrairement à une idée reçue les inégalités de patrimoine n'ont pas explosé ces dernières décennies en France. Comme l'indique cet article de l'Insee, elles se sont même fortement réduites sur une longue période.

La concentration du patrimoine n'a cessé de décroître au long du XXème siècle.
La concentration du patrimoine n'a cessé de décroître au long du XXème siècle. © BFMTV

Les 10% les plus aisés possèdent certes aujourd'hui plus de la moitié du patrimoine total privé (54%) mais ce taux est globalement stable depuis 30 ans. Il était bien plus élevé durant les "30 Glorieuses", avec 72% du patrimoine possédé par les 10% les plus riches en 1965 par exemple. Sans même remonter au début du siècle avec 85% de la richesse du pays détenue par les 10% de Français les plus aisés.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco