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"On ne lâchera rien": inquiets de l'avenir d'Alpine F1, les salariés de Viry se mobilisent sous les fenêtres de la direction de Renault

Anaël Bernier - Horizons Multiples

Après l'annonce cet été d'un plan de réorganisation, la mobilisation se poursuit pour sauver les activités F1 d'Alpine en France. Une mobilisation qui gagne aussi d'autres sites du groupe Renault face à l'absence de réassurance de la direction.

De nombreux T-shirts blancs "Viry on track", floqués du logo Alpine, des brassards noirs, des drapeaux, des sifflets, et même des pleurs. Ce jeudi 12 septembre, la mobilisation constructive des collaborateurs de Viry-Châtillon se poursuit, emmenée par la CGT Renault, qui profite de la journée pour fédérer les luttes. En jeu, la réorganisation annoncée de l'usine française de l'écurie Alpine (groupe Renault) avec en ligne de mire l'arrêt de la production du bloc moteur F1.

Le barnum a cette fois quitté l'usine pour être installé devant les bureaux du groupe Renault, à Boulogne-Billancourt, directement sous les fenêtres de la direction générale. 120 collaborateurs sont présents sur les 350 que compte l'usine. Et autour, des "camarades", du Mans, du centre technique de Lardy, de Cléon, de la coordination CGT. Mais aussi des élus, acquis à leur cause, soucieux de ne pas voir disparaître un symbole de l'excellence industrielle française dont le maire de Viry-Châtillon, qui a conclu son intervention en larmes.

Notre industrie, notre économie, ce ne sont pas juste des chiffres, des taux de rentabilité, mais ce sont des vies, des métiers, des emplois", lance Claire Lejeune, députée de l'Essonne.
Mobilisation Alpine F1 devant les bureaux de Renault
Mobilisation Alpine F1 devant les bureaux de Renault © Anaël Bernier - Horizons Multiples

Donner sa chance à la nouvelle motorisation RE 2026

Depuis leur première mobilisation le 30 août, la grève à l'usine moteur de l'écurie et dans les gradins de Monza, les salariés n'ont pas davantage de réponses quant à leur avenir. Et s'inquiètent légitimement des pistes de reclassement que la direction va leur proposer, qui a affirmé que rien n'était acté.

"Qui peut croire à leur projet de reclassement des salariés Alpine F1? C'est plus pour vous faire partir que pour vous reconvertir", assène au micro un représentant de la CGT.

"On nous a dit, on a un nouveau projet pour vous, mais quand on a ouvert le carton, il était vide", relève fataliste Nicolas, ingénieur au banc d'essai. Le silence de la direction face à la mobilisation s'explique par des raisons légales, expliquent les porte-parole du CSE. "Le 30 septembre, le CSE va rendre un avis sur le projet. D'ici là, on espère avoir un entretien avec la direction", indique Clément Gamberoni, porte-parole du CSE.

Les salariés de Alpine F1 mobilisés devant le siège de Renault le 12 septembre 2024
Les salariés de Alpine F1 mobilisés devant le siège de Renault le 12 septembre 2024 © Marine Landau

Comme le confirme la déléguée syndicale Karine Dubreucq, cet entretien avec la direction, avec le directeur italien Luca de Meo est presque un dû. Coûte que coûte, les collaborateurs veulent défendre leur dernier bébé. Donner une chance à la motorisation RE 2026, actuellement au banc d'essai.

"On a mis au point un moteur en rupture technologique qui doit légitimement accompagner le plateau de la F1 en 2026. La menace, c'est que la direction prenne sa décision sans prendre la peine de reconnaître la qualité du dossier technique de ce nouveau moteur", indique la déléguée syndicale.

Se donner les moyens de mettre au point une nouvelle motorisation pour les monoplaces Alpine, se donner rendez-vous en 2026, c'était une promesse de la direction, à laquelle ont cru les salariés. Et là, sans même évaluer les performances du nouveau moteur, la direction envisagerait d'y renoncer ? Le retournement de veste est rude pour les salariés qui ont cru aux annonces de Luca de Meo, qui affirmait porter haut les couleurs d'Alpine.

Des coupes plus larges pourraient menacer d'autres sites

Pour certains salariés de Viry-Chatillon, ingénieurs très qualifiés et dont les compétences sont recherchées, l'affaire est entendue. Si la direction met à l'arrêt les projets F1, ils iront voir ailleurs ce qui se passe. Pour Anaël, la "quête de technique au plus haut niveau et d'exigence" a prévalu dans le choix de son employeur, à tel point que les autres industries lui ont paru moins enthousiasmantes.

Si la direction met fin à l'activité F1, sans rien trahir, je pense que je pars", reconnaît le jeune homme, arrivé il y a cinq ans dans l'entreprise.

La situation préoccupante de Viry pourrait n'être qu'un premier signe avant-coureur de ce que prépare la direction. "Ce qui se passe aujourd’hui en F1 n’est que le reflet de ce qu’il se passe dans le Groupe Renault depuis des années", indiquait le communiqué appelant à la mobilisation. "La motivation est financière", confirme un des porte-parole du CSE. Mais prudents, les représentants du personnel ne se prononcent pas sur les intentions de leur direction pour l'ensemble des sites Renault. Pour la CGT, il y a alerte. Des emplois sont aussi menacés dans la production en série. C'est l'ensemble de la filière automobile qui souffre selon la fédération, jusqu'aux sous-traitants et à la fonderie de Bretagne.

Si les salariés n'obtiennent pas de réassurance rapide, ils prévoient déjà de continuer la mobilisation. La prochaine devrait avoir lieu au salon de l'Automobile, le 17 octobre prochain, où Alpine est exposant. "On a l'ADN de la compétition, promet un collaborateur. C'est pour cela qu'on est reconnu. On ne lâchera rien".

Marine Landau