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Même soir, même ville… Les dessous de la "guéguerre" entre l’UFC 306 et Canelo à Las Vegas

Deux événements majeurs des sports de combat le même soir et dans la même ville. L’UFC 306 et le combat de la star de la boxe Canelo Alvarez contre Edgar Berlanga vont enflammer Las Vegas la nuit prochaine (à suivre en direct à partir de 2h sur RMC Sport 1 et RMC Sport Live 2). Un double rendez-vous sur fond de concurrence économique avec l’implication de l’Arabie saoudite. Focus.

L’UFC 306, surnommé Noche UFC car sur un thème mexicain, et son combat principal Sean O’Malley-Merab Dvalishvili dans l’écrin spectaculaire de la Sphere. La superstar mexicaine de la boxe Saul "Canelo" Alvarez face à Edgar Berlanga à la T-Mobile Arena pour son soixante-sixième combat pro. Avec moins de quatre kilomètres entre les deux. Avec deux énormes événements l’un en face de l’autre, Las Vegas va vivre une guerre des étoiles du combat dans un week-end commémorant le jour de l’indépendance mexicaine. Du bonheur pour les fans, qui auront l’embarras du choix, avec en fond une guéguerre qui implique… l’Arabie saoudite.

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Une anecdote raconte beaucoup. Légende du noble art, où il est l’un des deux seuls hommes à avoir été champion du monde dans au moins six catégories différentes (avec Manny Pacquiao), Oscar De La Hoya ne cache pas depuis des années son inimitié avec Dana White, patron exécutif de l’UFC. Les deux se sont régulièrement balancés des noms d’oiseaux par médias interposés. Mais le "Golden Boy" sera bien présent à la Sphere pour l’UFC 306. "Je ne sais pas qui lui a donné un ticket, en tout cas ce n’est pas moi", en a souri Dana White. De La Hoya avait le choix entre sa peste et son choléra: l’événement de White ou celui de Canelo, dont il est l’ancien promoteur mais avec qui la séparation s’est faite dans le fracas. Depuis, les deux hommes n’arrêtent pas de s’envoyer des tirs verbaux, à l’image d’une conférence de presse lunaire en mai dernier. Jusqu’à pousser son ancien promoteur à préférer l’UFC de son vieil ennemi à son propre sport…

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De La Hoya doit se rendre à l’UFC avec Turki Alalshikh, patron de l’Autorité général du divertissement saoudien. Un grand fan de boxe qui s’est mis dans l’idée de relancer la boxe à coups de millions de dollars qui ont permis de débloquer des situations complexes pour organiser beaucoup de gros combats attendus (Usyk-Fury en mai avant la revanche en décembre, Beterbiev-Bivol le 12 octobre) dans le cadre du festival Riyadh Season. Sans connaître les détails, on aurait pu imaginer le dirigeant saoudien spectateur au combat de Canelo, un des rois du sport qu’il pousse. Mais il faut bien relire le nom officiel de l’UFC 306: Riyadh Season Noche UFC. Sponsor titre de l’événement, une première dans l’histoire de l’UFC, l’Arabie saoudite aurait donné 20 millions de dollars à la plus grande organisation de MMA pour assurer les coûts de production – et ils sont lourds – d’une soirée dans le cadre atypique de la futuriste Sphere.

Une décision prise en juin après une réunion avec Dana White en marge du premier événement de l’histoire de l’UFC organisé à Riyadh. L’adversaire de Canelo, l’Américain d’origine portoricaine Edgar Berlanga, n’était pas encore connu. Mais PBC (Premier Boxing Champions), promoteur du Mexicain pour ce combat, avait déjà réservé depuis quelques temps la T-Mobile Arena de Las Vegas pour la date du 14 septembre. Le rapport ? Canelo est un des rares boxeurs, avec Gervonta Davis et Naoya Inoue, à résister aux sirènes des chèques saoudiens car capables de générer une économie lucrative par eux-mêmes. Turki Alalshikh pouvait donc faire coup double. Renforcer son partenariat naissant avec l’UFC, qui a annoncé "possible" une participation dans le futur projet de ligue de boxe imaginé par le dirigeant saoudien, et mettre des bâtons dans les roues de l’un des rares qui a osé lui dire non.

"J'ai entendu quelqu'un dire qu'ils allaient me manger..."

"J’ai entendu quelqu’un dire qu’ils allaient me manger ou quelque chose comme ça", s’en est amusé Canelo. On sait de qui il parlait… Il y a près de cinq ans, la superstar mexicaine avait attendu sur un canapé la fin du main event de l’UFC 244 (Masvidal-Diaz pour la ceinture "BMF") avant de débuter son combat contre Sergey Kovalev pour devenir champion du monde dans une quatrième catégorie. Cette fois, ce sera de plein front et dans la même ville. Tout commence l’an dernier. Habitué à combattre lors du week-end de l’indépendance mexicaine, ce qu’il a déjà fait sept fois à Las Vegas depuis 2012, Canelo doit zapper cette date en raison d’un accord trop tardif pour son combat contre le champion incontesté des super-welters Jermell Charlo, organisé le 30 septembre.

L’UFC en profite et organise une Fight Night aux couleurs mexicaines à la T-Mobile Arena – rare pour un événement non numéroté – avec en main event la revanche entre Alexa Grasso et Valentina Shevchenko pour la ceinture des -57 kilos (troisième dans ce week-end lors de l’UFC 306). Une tradition UFC est née. Dana White a déjà prévenu : la Sphere ne sera que pour une date, représentation unique, mais il y aura encore l’an prochain une Noche UFC. Avec encore Canelo en face dans la même ville pour faire de ce rendez-vous une série? Aucune animosité du côté du boxeur, en tout cas. "Je n’ai pas fait ce combat pour être en compétition face à l’UFC. Je ne veux embêter personne. Mais j’aime combattre sur mes dates, en mai et en septembre. Mes fans sont habitués à ça. Je fais juste mon boulot. Mais la compétition est bonne et je prends ça comme un challenge."

Dana White joue sur la même corde. "Je n’ai pas cherché à faire du mal à Canelo. Je le respecte comme combattant et comme personne. Je n’ai rien contre lui, rien contre son promoteur Al Haymon. Canelo va faire de l’argent et on fera notre truc de notre côté le même soir. C’est bon pour tout le monde." Mais le patron de l’UFC a conscience de la seule concurrence qui compte vraiment dans le combat. "Ce sera le record de dollars générés à la billetterie dans l’histoire de l’UFC, autour de 23 millions de dollars." Son organisation tient son record, presque logique vu les prix affichés pour cet événement unique vu son cadre, et la guéguerre se poursuit sur le plan économique.

La Sphere ajoute un pouvoir d’attraction superbe au produit UFC déjà recherché mais les fans mexicains sur place pour leur célébration nationale se tourneront peut-être plus facilement vers Canelo que vers une Noche UFC avec un Américain et un Géorgien dans le combat principal. Ces dernières semaines, des médias américains comparent régulièrement le taux de remplissage de chaque événement (pas encore rempli des deux côtés au moment d’écrire ces lignes) et les baisses des prix des tickets à l’approche du jour J (au moins de 30% pour les deux).

Ce soir partagé MMA-boxe dans la même ville aura aussi laissé des traces dans la relation entre Dana White et la société MGM, qui détient la T-Mobile Arena, base habituelle des gros shows de l’UFC à Las Vegas. "MGM garantit la billetterie de Canelo à 25 millions", a lancé le patron de l’UFC. Qui lâchera aussi: "Pourquoi ils n’iraient pas si MGM met tout l’argent?" Le camp opposé a sa réponse: MGM achète seulement des tickets premium pour les meilleurs clients de ses casinos, comme d’habitude pour ses gros événements de combat UFC compris, à hauteur par exemple de 1,5 million pour ce Canelo-Berlanga.

Enervé de ne pas avoir été averti de la réservation de la salle effectuée par PBC et Canelo pour ce week-end de l’indépendance mexicaine, Dana White n’a pas hésité à secouer vertement des dirigeants de MGM dans les médias avant d’assurer avoir renoué le dialogue avec leurs patrons pour arranger le coup. Pour les fans, le vainqueur de cette rivalité d’un soir se jouera sans doute dans le ring et dans la cage. Avec le spectacle proposé et la qualité des combats. Sean O’Malley, champion des -61 kilos de l’UFC et acteur principal du show de la Sphere, s’en est amusé au micro de la chaîne ESPN: "Je vais combattre le numéro 1 de ma catégorie, qui reste sur une série de dix victoires. Canelo affronte?… J’ai déjà oublié!"

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport