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UFC: Gilbert Burns, la figure populaire qui n'a peur de personne

La joie de Gilbert Burns après sa victoire contre Stephen Thompson, en 2021.

La joie de Gilbert Burns après sa victoire contre Stephen Thompson, en 2021. - SUSA / ICON SPORT

Depuis dix ans qu’il arpente les couloirs de l’UFC, Gilbert Burns s’est bâti une solide réputation le propulsant parmi les combattants les plus populaires de l’organisation. Maître absolu de jiu-jitsu brésilien, le combattant auriverde ne recule devant aucun défi dans la catégorie relevée des -77 kilos. Son prochain se nomme Sean Brady (n°8), qu’il affronte ce week-end à l’UFC Apex de Las Vegas (en direct à 1h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport 1). Pour l’un de ses derniers tours de piste ou ouvrir une brèche vers une nouvelle chance de titre.

À un âge canonique où certains ont déjà déposé les gants au centre de l'octogone, lui se cramponne au temps qui passe pour tenter de mieux le marquer. Du haut de ses trente-huit ans, Gilbert Burns est un talent crépusculaire qui n'a pas encore accepté que la nuit ne tombe définitivement. Peut-être parce que les regrets et les erreurs escortent son destin, pourtant unanimement salué par ses pairs et le public qui le créditent d'une notoriété peu commune à l'UFC.

"On fait des erreurs, mais cela fait partie du jeu, reconnaissait-il au micro de RMC Sport, en mars dernier, lors de l'UFC 299 qui mettait à l'honneur en main event Benoît Saint Denis face à Dustin Poirier. J'ai bien sûr quelques regrets. Mais dans le monde du combat, c'est gagner ou apprendre. Et j'ai tellement appris en affrontant les meilleurs combattants du monde, emmagasinant à chaque fois de l'expérience." Quelques mois plus tard, le voyage a repris son court. L'apprentissage se poursuit, aussi. Et c'est désormais Sean Brady, prétendant en pleine ascension chez les -77kg (16-1 en carrière MMA), qui se dresse devant le Brésilien.

Bronchites asthmatiques et le "gi" du destin

Avant de s'époumoner pour la trentième fois de sa vie dans une cage (22 victoires, 7 défaites), Gilbert Burns a d'abord dû respirer. Au sens propre du terme. À l'instar de sa grand-mère, sa mère et de son jeune frère Herbert (devenu également combattant à l'UFC), il a lutté pendant plusieurs années contre une maladie pulmonaire. Des bronchites asthmatiques à répétition le contraignent à être hospitalisé à de multiples reprises pour recevoir des injections d'adrénaline dès l'âge de six mois. "Je me rappelle que je ne ne pouvais littéralement pas respirer pendant de longs moments, racontait il y a quelques années le natif de Niterói, ville qui se situe dans l'État de Rio de Janeiro. Heureusement que l'hôpital se trouvait au bout de notre rue lorsque je faisais des crises." À l'époque, un médecin suggère à ses parents la pratique d'activités sportives pour leurs enfants afin de surmonter leur maladie. Il y a d'abord la natation et le karaté. Et, à douze ans, c'est le premier amour de sa vie qui s'est imposé à lui. Par hasard.

"Mon père travaillait comme tapissier à la maison et, un jour, un client est venu faire réparer les sièges de sa voiture. À l'intérieur, il y avait un gi (uniforme des pratiquants de jiu-jitsu brésilien, ndlr), relatait-il en 2020 à MMA Fighting. Mes frères et moi aidions parfois mon père au travail et nous avons trouvé le gi à l’intérieur, on a commencé à jouer avec. Mon père a alors vu cela comme une opportunité pour nous." En 1998, la famille Burns tente tant bien que mal de joindre les deux bouts. Le patriarche propose au propriétaire de la voiture, qui se trouve être un entraîneur de jiu-jitsu brésilien, de ne pas être rétribué pour le travail effectué mais demande en contrepartie à ce que ses trois enfants bénéficient de trois mois de cours gratuits de cet art martial. Un mois après s'être familiarisé au jiu-jitsu, le trio Gilbert-Herbert-Frederick Burns participe déjà à un tournoi local: "J'ai eu le coup de foudre pour la compétition. Je n'aimais pas vraiment m'entraîner parce qu'il y avait des enfants plus âgés qui me battaient. Mais j'adorais la compétition. Toute cette foule qui criait… Et mon père nous disait qu'il nous offrirait à tous les trois des glaces si nous gagnions, alors nous étions toujours ravis de concourir. (Rires)"

Discipline et maître absolu du jiu-jitsu

Le déclic se produit en 2007 à l'occasion de son premier voyage aux États-Unis, en Californie, afin de se préparer à de futures compétitions internationales. Celui qui hérite du sobriquet "Durinho" ("petit dur à cuir", en VF) arbore alors au tour de la taille une prometteuse ceinture marron à vingt ans. "J'ai vu des combattants que je n'avais pas vus depuis des années (…) Dans ma tête, ils étaient bons en jiu-jitsu mais ils n'étaient pas à mon niveau — ou au niveau que je pensais atteindre —, alors je me suis dit: "Je serai bientôt là"", relatait encore le jiujitsuka auriverde. Pour y parvenir, il fait de la discipline son maître-mot existentiel et son mantra: "La chose à savoir avec le jiu-jitsu, c'est que cela implique de mettre en place une discipline au centre de ta vie".

Et Burns établit un plan avec son coach d'antan pour le mener jusqu'au sommet de sa discipline. "Ma première chose a été de penser que je pouvais le faire. Je me suis visualisé devenir champion du monde", assure-t-il aujourd'hui. Il atteint l'acmé et matérialise son rêve en 2011 en s'emparant de la médaille d'or au championnat du monde IBJJF, après avoir tout raflé un an plus tôt au championnat national brésilien, à l'UAEJJF Abu Dhabi Pro et au championnat du monde IBJJF No-Gi.

Usman, partenaire d'entraînement et fossoyeur de rêve

L'accomplissement d'une première vie. Avant qu'une autre ne s'ouvre à lui dans la foulée. "Être champion du monde de jiu-jitsu avec une ceinture noire était sur ma liste de choses à faire et c'était fait. Alors j'ai décidé de me lancer dans le MMA, expliquait Burns à MMA Fighting. J'ai toujours voulu faire du MMA depuis l'époque où je me trouvais à Nova Uniao, quand je regardais José Aldo et les gars s'entraîner. Mais je tenais à avoir ça dans mon palmarès, être champion du monde. C'était mon rêve, et cela m'a donné un nom pour entrer après à l'UFC. Je ne suis pas juste un autre pratiquant de jiu-jitsu, je suis champion du monde." Après avoir appréhendé ce nouveau sport et s'être entraîné auprès de l'élite (Kamaru Usman, Vicente Luque, Rashad Evans, Michael Chandler), le Brésilien écume le circuit régional avec un bilan immaculé de sept victoires consécutives. Assez probant pour convaincre Dana White de l'incorporer dans la plus grande ligue de MMA mondiale en 2014.

Les cinq premières années dans la catégorie des légers (-70kg) dévoilent des promesses quoique atténuées par quelques déconvenues (11 combats pour 8 victoires et 3 défaites). Mais la bascule vers les welters (-77kg) lui octroie la plénitude escomptée en tant que combattant et lui impulse l'envol dans une autre dimension. Deux succès inauguraux à la décision suivis d'un KO saisissant infligé à son compatriote Demian Maia et une victoire charnière contre l'ex-champion Tyron Woodley lui accordent une chance pour le titre. Mais face à Kamaru Usman, le droit d'y croire ne dure que le temps d'un knockdown qui fait vaciller le roi de l'époque lors du premier round. Derrière, "Durinho" subit la loi et finit battu par TKO dans le troisième. Une chance de titre réduite à néant dans les larmes et qui le confronte à ses propres limites: "J'étais surexcité, je ne peux pas faire ces erreurs pour devenir champion. Je dois être discipliné. J'ai échoué mais j'ai toujours ça en moi..."

"Je suis le seul gars à l'UFC prêt à combattre n'importe qui, n'importe quand"

Toujours affamé malgré l'échec, Gilbert Burns se remet en selle. En ne reculant devant personne, et surtout pas les pointures de sa division que beaucoup redoutent et évitent: "Je suis le seul gars à l'UFC prêt à combattre n'importe qui, n'importe quand. S'ils sont partants pour affronter le diable, je suis là." Le féroce Stephen "Wonderboy" Thompson? Évincé. L'épouvantail Khamzat Chimaev? Une défaite mais après une guerre sanglante mémorable, premier éclat dans l'armure du phénomène tchétchène. Le premier détenteur de la ceinture "BMF" Jorge Masvidal? Envoyé à la retraite. L'actuel boss des welters Belal Muhammad? Un revers après avoir tenu cinq rounds sans pouvoir utiliser son bras gauche des suites d'une blessure à l'épaule.

"L'une des choses qui me frappent vraiment avec Burns, c'est qu'il n'a pas suivi les sentiers battus, analyse Jake Foley, journaliste américain spécialisé dans le MMA et qui officie pour Sportskeeda, Combat Press et Middle Easy. Il est à l'UFC depuis dix ans et a connu deux générations de welters. Il est arrivé en même temps que beaucoup de combattants qui ne sont plus là. Sa résilience est remarquable. Chaque fois qu'il essuie une défaite, il revient avec une performance impressionnante et la plupart du temps un finish excitant." Outre son inclination à n'esquiver aucun concurrent, son humilité jamais feinte et sa personnalité attachante, son cheminement en tant que combattant permet aujourd'hui à l'actuel prétendant n°6 de jouir d'une véritable popularité ainsi que d'une légitimité irréfragables. 'Il est arrivé à une époque où les combattants étaient encore unidimensionnels. Et il était en quelque sorte considéré ainsi à ses débuts, essentiellement comme un spécialiste de la soumission, éclaire Jake Foley. Mais, depuis, il est devenu bien plus que cela. On pourrait même dire qu'il ne s'appuie désormais presque plus que sur son striking. Il se donne à fond et laisse tout dans chacune de ses frappes."

Un dernier run pour le titre?

Son futur adversaire lors de l'événement UFC du week-end à l'UFC Apex de Las Vegas ne lâche lui aussi rien dans la cage. Challenger numéro 8 chez les -77kg et titulaire d'une ceinture noire de jiu-jitsu, Sean Brady s'érige comme l'une des figures montantes dans une catégorie très dense (Garry, Covington, Rakhmonov, Edwards, Luque, Page). L'Américain n'a humé le parfum de la défaite qu'une seule fois en dix-sept combats dans sa carrière et c'était face à l'actuel champion Belal Muhammad. Un obstacle dangereux, donc, qui pourrait sonner le glas des ultimes desseins de Burns. Après deux revers d'affilée dont un dernier contre Jack Della Maddalena en mars dernier, il n'a plus le choix s'il veut enclencher un run vers une éventuelle nouvelle chance pour la ceinture.

"J'ai conscience que je ne vais pas disputer encore dix combats et que le timing est très court. Je sais que je dois battre Sean Brady et un autre gars pour revenir dans la conversation quant à un éventuel combat pour le titre, a martelé le Brésilien récemment sur la chaîne YouTube de Michael Bisping. Le meilleur scénario serait de finir rapidement Brady, faire une revanche contre Usman et le battre, puis affronter le champion en titre, peu importe qui ce sera." À vingt-cinq ans, Gilbert Burns avait accompli son premier rêve en devenant champion du monde de jiu-jitsu. À l'aube de la quarantaine, "Durinho" court après un autre qui peut sembler impossible. "L'espoir est le dernier à mourir", professe toutefois un célèbre proverbe brésilien. Le sien demeure intact. Et le restera tant que la nuit ne sera pas tombée.

Romain Duchâteau