Publié le 24/03/2011 à 10:13 par lequabel
Au commencement, je brillais de tous mes feux et je reluisais pour la bonne société, pour l’élite. D’ailleurs pour me voir on faisait la queue, on mettait ses plus beaux atours, on se parfumait, on attendait l’heure autorisée du rendez-vous. C’était un luxe de me fréquenter. Des têtes couronnées commandaient même des opéras ou des pièces de théâtre pour moi. J’ai connu la gloire très jeune. Et j’ai pensé que ça serait éternel.
Puis les temps ont changé, je suis devenu l’ami d’amateurs de jeunes filles légères, de plumes, de french cancan. Ca m’a fait drôle au début, mais finalement, c’était aussi une Belle Epoque…
Est arrivé la folie du yé-yé et du rock. Alors là, je n’ai pas été ménagé ! Quelle folie, mes amis ! On me bousculait, on me sautait dessus… j’ai vieilli prématurément. Mais en tout cas, malgré tout, j’étais bel et bien vivant !
Et puis, depuis quelques temps, je suis de moins en moins fréquentable semble-t-il. Je reste désespérément vide. Juste quelques rares occasions : pour une fête de retraités ou un gala de variété de seconde zone j’ai pu accueillir quelques paires de fesses ! Bon c’est vrai que je suis un peu émoussé, élimé, ma belle couleur rouge s’est affadie, mes accoudoirs sont bien usés, il a fallu me restaurer plusieurs fois… Alors, oui, je tiens encore debout mais pour combien de temps ? Sans aide, sans soutien, sans passion je risque finir chez un brocanteur, bradé, soldé… en fait, je suis à l’image de la culture, finalement !
Publié le 13/11/2010 à 00:39 par lequabel
Dimanche 7 novembre 2010.
Nuit sur Montréal.
Rue Sainte-Catherine.
J’ai faim. Je cherche un manger un petit quelque chose d’exotique.
Je traverse la rue Amherst.
Devant moi une femme titube, puis elle s'arrête en plein milieu de la rue.
La circulation stagnante à cause d’une simple petite lumière rouge va reprendre sa course folle. La femme avance de travers. Elle semble lutter contre elle-même pour se rendre sur le trottoir d’en face. Les voitures démarrent, elle a presque atteint son but. Elle prend sa tête entre les mains.
Stone ? Bourrée ?
Le temps de me poser la question, je suis déjà prés d’elle : « Ca va madame ? »
« Non ça va pas » La voix est faible. Le visage livide. De lunettes aux verres très épais me dévoilent des yeux qui semblent chercher la voix qui lui parle…
« Vous voulez vous asseoir un peu ? »
« Non merci. »
« Vous allez loin ? »
« Longueuil. J’étais à Radio Canada pour l’émission. Ca a fini tard. J’ai pas mangé depuis hier soir et j’ai pas assez pour prendre le métro. »
La voix est larmoyante. La frêle silhouette s’accote au mur pour ne pas tomber. Elle n’a l’air ni bourée ni stone en fait. Un peu désarçonné je fouille ma poche et sors 4 ou 5 dols que je glisse dans son gant. Petit sourire crispé, dignité froissée, humilité ravalée : « Merci beaucoup monsieur. » Elle doit avoir 30 ans a tout casser. Son manteau est sale aux extrémités, mais pas élimé, et elle est habillée convenablement. Une personne normale. Une solitude dans la ville. Un malheur recouvert d’habits du dimanche. Honteux de ma richesse matérielle, de mes soucis d’enfant gâté par la vie, je baisse les yeux devant l’évidence de son mal-être.
« Ca va aller ? » Je ne trouve rien d’autre à dire. Elle acquiesce. Je fais semblant de la croire, lui souris et m’en vais.
Les restos défilent, illusoires, les lumières m’agressent. Mes yeux se troublent. « C’est l’utra-moderne solitude » chante Souchon dans ma tête. Les larmes inondent mon visage. Pourquoi je n’ai rien fais de plus ? Pourquoi je ne lui ai pas donné un 20 ? Je retourne sur mes pas…
Un couple est devant moi, je reste juste derrière afin de voir la femme sans qu’elle puisse me voir quand j’arriverai à son niveau… Juste pour vérifier si elle simulait pour mendier en fait. J’étais assez loin déjà. Elle n’avait fait que quelques mètres. Elle était appuyée contre une façade une main sur sa tête. Je lui prends énergiquement le bras : « Venez, on va manger quelque chose, ça ira mieux après… » Elle se laisse entraîner, me regarde : « Oh je ne vous avais pas reconnu… » J’ouvre la porte du premier restau. Nickels. L’ex-chaîne de Céline Dion. Tout un contraste !
La première table fait l’affaire, elle ne pourrait faire un pas de plus. Elle me demande la permission de garder son manteau car elle a froid. Ses lunettes à double foyer n’arrivent pas à lire la carte, elle les ôte et colle son nez contre le papier. Le serveur semble inquiet. « Non merci, je n’ai pas faim, ça ne sera qu’un couvert. » Je suis bien incapable d’avaler quoi que ce soit.
« Oh maman viens me chercher ! » Elle prend sa tête entre les mains ; elle a les larmes aux yeux. J’essaie d’engager un dialogue. Elle revient d’assister à un enregistrement public à Radio Can. « C’est la deuxième fois ! Ca m’est déjà arrivé, et je l’avais enregistré sur mon magnéto parce qu’ils l’ont repassée plusieurs fois. Mon voisin a dit : « Maintenant on a une célébrité dans l’immeuble, on l’a vue à la TV ! » Elle esquisse un sourire, comme rassurée par mon écoute.
Elle commande un sous-marin pepperoni avec frites, qu’elle dévore avidité. Elle s’inquiète pour son chat, quinze ans, et seul à la maison depuis ce matin. J’apprends qu’elle est sur le « bien-être social » mais que ça ne suffit pas pour y arriver. Alors elle quémande dans les magasins en fin de journée ; mais on ne veut pas d’elle partout. Sa mère est morte, son père « vit en campagne et il faut au moins trois bus pour y aller… Je n’ai pas les moyens, et je ne peux pas conduire… parce que je fais des crises d’épilepsie… mais légères, hein ! Et seulement quand je suis stressée. Et quand je commence un travail, forcément je stresse, alors on me met dehors… On ne me laisse jamais une chance de faire mes preuves. J’ai arrêté de chercher des places. » Elle pleure. Toute la détresse du monde se lit dans son visage. La résignation aussi. Elle a baissé les bras, elle n’attend plus rien de la vie. Juste pouvoir acheter de la litière à son chat. « J’ai à manger pour lui jusqu’à mercredi, après j’ai plus rien… » Ca semble l’affecter plus que son propre sort. Elle fait aussi du bénévolat : « Là au moins on m’accepte, et j’ai pas de crises. » Après le repas elle semble ragaillardie ; je l’accompagne jusqu’à Berri et m’assure qu’elle prend sa ligne jaune pour Longueuil.
La petite silhouette blafarde s’éloigne vers son métro, vers sa vie sans lumière, et moi je retourne à mon luxe, à mes privilèges, une entaille au cœur… J’ai de plus en plus mal à l’humanité.
Publié le 26/12/2009 à 10:16 par lequabel
Alors que sur notre géant Titanic terrestre, on continue de danser dans la salle de bal malgré l’iceberg bien en vue (comme le chantent Mes Aïeux : « Tout le monde sait ce qu'il nous faudrait faire maintenant… Mais pour l'instant / On danse la danse du déni de l'évidence / On danse la danse du déni de l'état d'urgence »), la réalité humaine vient nous frapper de plein fouet dans notre petit quotidien déjà bien malmené. Et ces derniers jours, les épreuves pleuvent…
Le premier coup de poing fut la révérence de Jacno, ex partenaire d’Elli Medeiros, la cinquantaine. Il nous avait accompagné depuis des lustres, avec son punky-rock déjanté (Stinky Toys « Boozy creed»), transformé ensuite en pop nerveuse sous une apparence policée (Elli et Jacno écrivaient : « On garde nos allures sages, en dessous fermente la rage. »).
Et puis, après avoir souffert des années, Sophie Viguier a fini par déposer les armes à 44 ans. Elle, si enjouée et émerveillée de la vie, qui avait débuté sa carrière de journaliste à Longueur d’Ondes, nous laisse un trou de plus dans le cœur. Hey, vous deux ! On compte sur vous pour foutre un beau bordel rock’n roll là-haut en attendant que l’on vous rejoigne ! La vie est une vache, il faut la traire (proverbe peul). Ca vous aurait fait rire, sans doute... Bon voyage !
Serge
Publié le 15/03/2009 à 12:00 par lequabel
J'fais mon footing au milieu des algues et des coraux
Quand tout à coup j’entends l’info dans un vieux radio
J’le crois pas, y’à mon cœur qui se mouille…
C'tait sa dernière surprise partie il vient d’couper le micro
L’avait toute not’confiance, c’était notre héros
Pas de bol, y’a personne qui rigole
Oh Gaby, Gaby
Ne le laisse pas mentir la nuit
Il veut pas dormir, mais faire des conneries
Oh Gaby, Gaby
Fais lui chanter la mer
Le long, le long, le long des golfes pas très clairs.
En r'gardant les résultats d'son chek-up
Le chanteur qui fumait plus a rallumé son clop
Ça m’fait frémir, l’a pas su dire stop.
Tu sais, tu sais c'est comm' ce typ' à tête de chou
Qui nous a abandonné pour danser avec Marylou
J'sens comme un vide, remets moi les eigthies.
Oh Gaby, Gaby
Ne le laisse pas mentir la nuit
Il veut pas dormir, mais faire des conneries
Oh Gaby, Gaby
Fais lui chanter la mer
Le long, le long, le long des golfes pas très clairs.
Parce qu’à quoi ça sert la frite quand on a les boules
Ça sert à quoi la vie quand elle est pas cool ?
Serge
Publié le 19/01/2009 à 12:00 par lequabel
Publié le 19/01/2009 à 12:00 par lequabel
Publié le 19/01/2009 à 12:00 par lequabel
Et maudit, que c'est bon !
Publié le 19/01/2009 à 12:00 par lequabel
Publié le 19/01/2009 à 12:00 par lequabel
Publié le 19/01/2009 à 12:00 par lequabel
... il peut aussi s'habiller en noir et blanc !!!