Ils ont donné leurs noms aux stades franciliens : Colette Besson, la Petite Fiancée de la France

Cette professeure avait réalisé l’exploit de s’imposer sur 400 m aux JO 1968 et ému, dans le même temps, toute la France. Faisant même pleurer le Général de Gaulle.

 Colette Besson montre sa médaille d’or après sa victoire en finale de 400 m des Jeux olympiques de 1968 à Mexico.
Colette Besson montre sa médaille d’or après sa victoire en finale de 400 m des Jeux olympiques de 1968 à Mexico. AFP/EPU

    Mexico, le 16 octobre 1968. À la surprise générale, au terme d'une époustouflante dernière ligne droite, une jeune femme à la crinière brune, dossard 117 au couloir 5, remporte le 400 m des Jeux olympiques devant la favorite britannique Lillian Board. En 52 secondes, nouveau record d'Europe, mettant une claque de près de deux secondes à son meilleur temps. La course d'une vie. Elle est Française. Elle a 22 ans. Elle s'appelle Colette Besson.

    Quand les premières notes de la Marseillaise s'élèvent dans le ciel au-dessus du stade Aztèque, la Charentaise fond en larmes et fait chavirer d'émotion les millions de téléspectateurs qui suivent la compétition dans l'Hexagone. Y compris le Général de Gaulle, qui lui avouera lors d'une réception à l'Elysée qu'elle avait été la seule femme à l'avoir fait pleurer. Pour l'écrivain et journaliste Antoine Blondin, l'athlète tricolore devient pour la postérité « la petite fiancée de la France » dans une édition marquée par les exploits de Beamon ou Fosbury et les poings levés gantés de noir de John Carlos et Tommy Smith.

    Pendant mai 1968, elle part en altitude

    Sous les pavés, la première page… Car la native de Saint-Georges-de-Didonne (Charente-Maritime) a construit sa victoire… grâce à mai 1968 ! Pendant que les manifestations étudiantes et les grèves paralysaient le pays, la prof de sports d'une école primaire à la Réole (Gironde), licenciée du Bordeaux Étudiants Club, avait profité de son chômage technique forcé pour aller prendre l'air. Dans tous les sens du terme.

    Quatre mois et demi en altitude, du 19 mai eu 29 septembre, à dormir sous la tente au camping municipal de Font-Romeu, pour affiner sa préparation avec son coach Yves Durand Saint-Omer et son épouse. Le secret d'un finish à couper le souffle. « Ça explique cette dernière ligne droite, racontait-elle. Les autres ont craqué, elles manquaient de souffle… »

    Besson vient pourtant de très loin. 23e temps des engagées, elle a été évincée des précédents Championnats d'Europe par la Fédération, qui n'apprécie guère son iconoclaste entraîneur aux idées novatrices. Privé d'accréditation Yves Durand Saint-Omer doit d'ailleurs user de stratagèmes pour suivre les pérégrinations mexicaines de sa protégée, qui ignore qu'elle va atteindre en ce soir d'automne l'apogée de sa carrière.

    « J'ai besoin de courir comme manger, respirer, dormir »

    À Munich, en 1972, la route du 400 m s'arrête en quarts de finale et elle ne trouve pas le chemin de Montréal en 1976. Elle raccroche les pointes l'année suivante pour devenir entraîneur national au Togo, où son mari est en poste dans une multinationale. Elle sera ensuite conseillère technique régionale en Martinique, à Tahiti, puis prof de sport à la Réunion avant de revenir enseigner à Paris en 1993. Toujours dans le partage.

    À partir de 2002, la championne olympique préside le conseil d'administration du Laboratoire national de lutte contre le dopage de Châtenay-Malabry. Sans jamais cesser de courir. « J'ai besoin de courir comme de manger, respirer, dormir, soufflait celle qui a laissé son nom à plus de 80 complexes sportifs. J'ai toujours couru pour le plaisir. » Sa course contre un cancer de la gorge s'arrête le 9 août 2005 à La Rochelle. À 59 ans pour l'état civil. À 22 ans pour l'éternité.