«L’affairiste», dans le sillage du pouvoir

Un livre de deux journalistes du Monde s’intéresse à Alexandre Djouhri, qui fut proche des ténors de la droite française.

 « L’affairiste » retrace le parcours d’Alexandre Djouhri, ici à Londres le 26 février 2019.
« L’affairiste » retrace le parcours d’Alexandre Djouhri, ici à Londres le 26 février 2019. AFP/Niklas HALLE'N

    Dans la banlieue populaire de Sarcelles, ses profs le rabrouaient. « Peut mieux faire », disaient-ils. Toute sa vie, Alexandre Djouhri s'y est employé. Mais pour s'accomplir, il a choisi une voie alternative, usant d'une arme de séduction massive, son bagout, et fort de cette devise : « A l'attaque ! ».

    « L'Affairiste », l'excellente enquête de deux journalistes du Monde, Simon Piel et Joan Tilouine (1), décrit le parcours de ce « héros picaresque ». Du temps où il se prénommait encore « Ahmed » - « Ahmed l'angoisse pour sa propension à causer des tracas » -, il fut une terreur locale, gravement blessé par balles en 1986. Devenu intermédiaire dans les contrats internationaux, il est devenu un intime de Nicolas Sarkozy et de Dominique de Villepin, des patrons du CAC 40 et des milliardaires.

    Descendant les bouteilles de château Latour dans les palaces comme d'autres sifflent un blanc limé au zinc, « Alex » s'est inscrit dans le sillage des pouvoirs de droite. Dans une écoute avec son ami Villepin, l'ancien Premier ministre résume : « Toi t'es un fantasme […] On te prête une influence que tu n'as pas. On te prête de l'argent que tu n'as pas. Et ben tant mieux mon vieux. […] Et ça te rend populaire auprès de ces tarés, ces chefs d'Etat africains, ces fous et ces dingues, ça te permet de faire du business. »

    Il se prépare à une extradition en France

    Interpellé à Londres en janvier 2018 en vertu d'un mandat d'arrêt, Alexandre Djouhri n'est plus que l'ombre de son ombre. Grenade dégoupillée dans l'« affaire libyenne », portant sur le financement supposé de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, il se prépare à une extradition vers la France. Dans un passé pas si lointain, il se vantait de les « tenir tous par les couilles ». Selon les auteurs, il avait ainsi « pris l'habitude de toucher en public les parties intimes de Serge Dassault, grand argentier de la droite française ». Djouhri est encore plus fier de son entrejambe que de son entregent.

    Dos au mur, affaibli par un cœur nécrosé, celui-ci fulmine devant les auteurs contre les magistrats et les « socialos » responsables selon lui de sa chute. Il faut écouter Claude Guéant pour comprendre son ascendant sur les puissants. Dans une ambiance sépulcrale, l'ex tout puissant secrétaire général de l'Elysée, se confie : « Je suis dans les derniers kilomètres de ma vie […] Ces affaires me détruisent. Mes amis s'éloignent et mon honneur est définitivement sali […] Alexandre me manque. »

    (1) L'affairiste, L'incroyable histoire d'Alexandre Djouhri, de Sarcelles à l'Elysée, 300 p., 19,50 euros.