Le blogue de Robert Rapilly

El Oximoreado y El Pleonasmado

Deux nouveaux avatars de Nerval parmi les centaines compilées chez Nicolas Graner -

1) Un oxymore par hémistiche, à savoir combinaison de deux mots aux sens contradictoires.

El Oximoreado —
Que luise, ténébreux, un baume inconsolé
en ma tour souterraine au ciel ensevelie :
ma langue d’Oc est chti dont l’orphéon sans clé
porte un chu soleil noir de sinistre embellie.

Dans l’éclat du tombeau ton blâme a consolé
le retour d’une perte en barbare Italie,
ce dégoût qui plaisait à l’entrain désolé
de contraires pareils à ma crampe amollie.

Suis-je Amour & Froideur ou Tri-Angle & Bi-Rond ?
Mon front, l’arrière intact, au baiser rougit beige ;
je veille somnolent où le naufrage émerge...

Une fois j’ai doublé dessus le pied du tronc
un motus déclamant qu’il faut lire, fors texte,
les sabbats de la sainte et ses cris de muette.

2) Chaque hémistiche d’un demi-vers contient un pléonasme qui répète la redondance inutile de synonymes disant la même chose.

El Pleonasmado —
Je suis le flou brumeux, le triste inconsolé,
noble duc d’Oc austral à la ruine abolie :
ma star défunte est morte et, d'astres constellé,
je porte pour fardeau spleen et mélancolie.

Qu’un tombeau de trépas m’apaise consolé
et m’offre les présents de latine Italie,
d’efflorescent pétale en mon blues désolé
et de treille où le pampre amalgamé s’allie !

Suis-je Amour et Vénus ?... Périgord et Biron ?
Tu m’empourpres grenat, ô reine souveraine !
Quel songe ai-je rêvé, femme-poisson sirène ?

J'ai vainqueur puis vainqueur claironné du clairon,
modulant la nuance assourdie, étouffée
des soupirs que gémit une magique fée.

Gidouilles illustrées

Lire successivement la gidouille numérotée, puis la ligne horizontale :

     
              Un éclair ! on veut
              au voile un carnet.

Le même dispositif appliqué à des syllabes...

     
            La ville changeait tant,
            j’ai le lavis chantant.

... ou à des mots :

     
       La tache sous une trace nuit-elle ?
       Elle trace sous la tache une nuit.

Haïkúxymore

.

Pentasyllabes 1 & 3 comportant
deux oxymores symétriques dont
l’heptasyllabe central donnera
un éclairage à visée poétique.

L’obscure clarté
des étoiles vit Soulages
embraser le noir

Automnes torrides
redites-moi mais où sont
les neiges de mai

À loup sans offense
timidité châtiée
par rage d’agneau

L’hydrogène est lourd
suffisamment qu’il embrase
un gel nucléaire

Ce pâle Cheyenne
que Chief Dan George adopta
c’est Little Big Man

Des larmes de joie
ont précédé pour écho
vos douleurs muettes

Post-scriptum — Dans l’esprit de 2 formes classiques
ambulatoires que Martin Granger a inventées (nommées
le plaïku & le haïkow selon que vous composerez vos
poésies outre-Quiévrain ou dans de verts pâturages),
2 plaques minéralogiques totalisent 5+7+5 syllabes :

Gide est sans Césaire.
Apaisé d’huis en seing, Kant
te sait tigre et queue.

JD 116 RA
PZ 857 YE

Marellet

Titre : d’après Marelle de Julio Cortázar. Voir aussi chez Gef.
14 × 12 = 21 × 8
Découpons les 14 dodécasyllabes d'un sonnet en 21 octosyllabes que nous rangerons dans un autre ordre : celui d'une gidouille partant du milieu du sonnet (Œil déchiré mais veille pleine) et s’achevant aux deux extrémités (L’abraxas d’exacte poulie / Ondulante ma cantilène).

L’abraxas d’exacte poulie a sidéré
douze et huitaine au hasard de lettre abolie.
Seul un pétale irait amène où chaviré
ce soupir traîne, ô glas signant vêpre et complie.

Dans l’hypogée abstrus de peine à contre-gré
va la folie instruite, ampoule dépolie.
Le roseau défiait le chêne, œil déchiré
mais veille pleine, octobre exultait de saillie.

Reste un goût que l’envol déchaîne emprès chevron.
Tout se replie, on rêve au calme de la plaine,
le front s’orne d’une ancolie — altier fleuron.

Face le thrène on vole et l’avions oublié :
le fil d’un arc acétylène ! a-t-on crié
comme supplie ondulante ma cantilène.
Œil déchiré mais veille pleine
Le roseau défiait le chêne
Octobre exultait de saillie
Instruite ampoule dépolie

Reste un goût que l’envol déchaîne
À contre-gré va la folie
Emprès chevron tout se replie
Dans l’hypogée abstrus de peine

On rêve au calme de la plaine
Ô glas signant vêpre et complie
Le front s’orne d’une ancolie
Où chaviré ce soupir traîne

Altier fleuron face le thrène
Seul un pétale irait amène
On vole et l’avion s’oublie
Au hasard de lettre abolie

Le fil d’un arc acétylène
A sidéré douze et huitaine
A-t-on crié comme supplie
L’abraxas d’exacte poulie

Ondulante ma cantilène

Gidouilles syllabiques

.

Pour découpage mécanique ci-dessous,
les syllabes du troisième vers étant
1 2 3 4 5, on aura aligné au premier
3 4 2 5 1, ou à l’inverse 3 2 4 1 5,
voire 1 5 2 4 3 de Médor et Jacques.
Noter la surcontrainte métatextuelle
en gidaille, à savoir l’évocation de
spirale ou rotation dans le 2e vers.

De-ci l’air monocle
Sartre roule un œil sur deux
au clair de Simone

De-là l’ers du Nok
Ronde des saisons de mil
au clair de la dune

Vide ou parano
vrillons cortex en vortex
au parvis-douane

Deux lacs — l’air lu Nô
chavire tes nefs Shogun
au clair de la lune

Mie à pied c’est trop
Il valse et pétrit le pain
cet ami Pierrot

J’avou(e) que Médor
jappe faux un nœud épique
Jacques dormez-vous

Sand aima Soutine
quand les heures remontaient
soudez cent matines

Gidaille

En prélude une visite chez Gilles Esposito-Farèse...

Calibrée dans la métrique du haïku,
l’appellation "gidaille" rappellera
la "médaille" créée par Annie Hupé.
Les 3 dernières syllabes des vers 1
& 3 permuteront selon une gidouille
centrifuge où 1-2-3 donnera 2-3-1 ;
il faudra que le second vers expose
une notion de cercle, de roulement,
de cycle, de volte. Pour exemples :

Boby qu’on élit
le grand maître ès-ritournelles
veut un hélicon

kon-né-li / né-li-kon

———

Qui se love anti-
-tourbillonnements a froid
damné ventilo !

lo-ven-ti / ven-ti-lo

———

On dit dans des cas
de dégringolade en vrille
qu’ils sont décadents

dan-dé-ka / dé-ka-dan

———

J’entends les haïkus
sous la vague d’Hokusai
crier aïe-coulé !

lé-aï-kou / aï-kou-lé

———

Furie albatros
qu’un brûle-gueule te ploie
tel un bât trop sale

al-batt-ross / batt-ross-al

———

L’étrave en l’eau s’est
diluée au loin volute
parmi l’océan

an-lo-sé / lo-sé-an

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