Piments d'Espelette : recette d'une AOP réussie qui crée de l'activité économique

Impossible aujourd'hui de parler d'Espelette sans imaginer ses cordes de piment rouge au fronton des maisons ou sa poudre rouge qui colore les assiettes. Pourtant, il y a 30 ans, l'histoire était loin d'être écrite. Au début des années 90, lorsque l'idée de créer une AOC (Appellation d'Origine Contrôlée, l'ex-AOP) a germé, le piment n'avait plus la cote chez les agriculteurs. Trente-cinq ans plus tard, leur nombre a été multiplié par 5 et la production par presque 10. Le piment d'Espelette a acquis une forte notoriété dans les grandes cuisines du monde entier et s'est installé au milieu des épices de nombreuses cuisines basques et au-delà. Mieux, ses retombées économiques inondent les 10 villages du territoire de l'Appellation d'Origine Protégée.

Accordée en 2000 par l'INAO, l'Institut national de l'origine et de la qualité, l'AOC devenue Appellation d'Origine Protégée (2012) impose un cahier des charges strict à ses producteurs, garant de la qualité du produit. "L'objectif, c'est que le consommateur sache qu'en consommant ce produit labellisé, il a quelques garanties", explique Pampi Olaizola, producteur et président du syndicat de l'AOP Piment d'Espelette qui contrôle le respect des règles et assure la promotion du label. Un travail qui a permis d'asseoir rapidement la notoriété du fruit rouge qui se vend aujourd'hui principalement au Pays basque, auprès de l'industrie agroalimentaire, des charcutiers, des salaisonniers, des épiceries, des grandes surfaces et magasins de producteurs, mais aussi à l'échelle nationale et même internationale (5 à 10% des ventes).

"Sans le piment, nombre de fermes auraient disparu"

Ce gage de qualité et cette notoriété ont rapidement entrainé une hausse de la demande qui a elle-même conduit à une hausse de la production. De 30 à 40 tonnes en 2000, elle est passée à 270 tonnes en 2021, année de la meilleure production. On dénombre aujourd'hui 5 millions de pieds plantés, près de dix fois plus qu'il y a 25 ans. Le nombre de producteurs de piment, membres de l'AOP, est lui passé d'une quarantaine en 2000 à 207 aujourd'hui. "On peut imaginer que sans le piment d'Espelette, nombre de fermes auraient aujourd'hui disparu du paysage", estime Pampi Olaizola. Certains, dont les productions étaient en crise, ont trouvé dans le piment le repli idéal. D'autres en ont fait une production de complément qui grossit leurs revenus.

L'AOP Piment d'Espelette a permis de créer de l'emploi direct. La production nécessite le recrutement de saisonniers de mars à décembre, et jusqu'à plus de 400 personnes au plus fort, au moment de la récolte. Elle crée également de l'activité et donc de l'emploi dans les entreprises de transformation, d'emballages ou encore de matériels et produits agricoles. Mais l'AOP a aussi générer de l'activité indirecte : "la notoriété du piment d'Espelette a amené énormément de fréquentation touristique, explique le président du Syndicat. C'est tous les meublés, tous les logements, tous les restaurants, les hôtels, etc qui en bénéficient" tant dans le village lui-même que chez ses voisins. C'est là justement tout l'objectif d'une AOP, maintenir le tissu économique local.