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Le chroniqueur Nithard et les Serments de Strasbourg de 842

Par

Pierre Nuss s'intéresse aujourd'hui à un chroniqueur tombé dans l'oubli, mais capital pour la compréhension des troubles européens du IXe siècle, et pour l'invention du français !

Copie (réalisée au Xe siècle à Soissons) des Serments de Strasbourg
Copie (réalisée au Xe siècle à Soissons) des Serments de Strasbourg - Ji-Elle - Wikimedia Commons
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Aujourd’hui, je vais vous parler d’un érudit franc né vers l’an 800, Nithard. C’est à peu près à ce moment que le grand-père de Nithard se fait couronner Empereur d’Occident. 

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Nithard était en effet le petit-fils de Charlemagne, le neveu de l'empereur Louis le Pieux et le cousin germain de ses trois fils Lothaire, Louis II de Germanie et Charles II le Chauve. Bon, ça fait déjà un sacré CV. 

Mais Nithard m’intéresse aujourd’hui car il est mort dans une embuscade un funeste jour de juin, c’est pour ça que j’ai pensé à parler de lui aujourd’hui. Il m’intéresse aussi par ses écrits, l'Histoire des fils de Louis le Pieux. Mais non, au sens de Louis le religieux. Un bouquin où il relate les fameux serments de Strasbourg, les fameux Sacramenta Argentariæ. Pour comprendre ces serments, il faut un peu de contexte : Lothaire Ier, l'aîné des trois frères, Lothaire Ier donc, revendique le titre d'empereur d'Occident, hérité de leur père Louis le Pieux et restauré par leur grand-père, Charlemagne. Charles et Louis refusent de le reconnaître comme suzerain, de quoi est-on empereur si les vassaux décident de la jouer indépendants ?

Lothaire s’énerve et tente d'envahir les États de ses cadets. Ceux-ci se liguent alors contre lui et le battent à Fontenoy-en-Puisaye en juin 841. Pour renforcer leur alliance, Louis le Germanique et Charles le Chauve se rencontrent en février 842, il y a 1180 ans sur le lieu actuel de la Plaine des Bouchers dans le quartier de la Meinau à Strasbourg et y prêtent serment contre leur frère Lothaire devant leurs armées. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que Louis le Germanique prononce son serment en langue romane pour être compris des soldats de Charles le Chauve qui récite le sien en langue tudesque pour qu'il soit entendu des soldats de son frère. 

Un bel effet miroir, j’espère que tout le monde s’est compris sur place, une erreur de traduction, ça aurait pu finir en boucherie. Le tudesque, pensez à Dittsch, ou Deutsch, ça veut dire germanique, même si la langue est une forme de francique rhénan qu’on retrouve dans le nord de l’Alsace.

Le roman, c’est à peu près un ancêtre du français. Le texte en roman des Serments constitue « l'acte de naissance de la langue française », puisque c’est le plus vieux texte conservé dans la langue dite vulgaire. Et ça s’est passé à Strossbori, si c’est pas la classe, ça ! Le texte des Serments a été retranscrit par Nithard, qui fut témoin des Serments. Il n’existe que deux manuscrits, très précieux, très fragiles, ils se trouvent aujourd'hui tous deux à la Bibliothèque nationale de France.

Lisez des extraits des Serments de Strasbourg.

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