Enfants d'Espagne

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12.4.13

10 ANS D'URSUS MINOR,
LA CAVE DIMIÈRE, ARGENTEUIL. 6/4/2013
PAR OLIVIER GASNIER


Ursus Minor, la cave Dimière, Argenteuil. 6/4/2013
 par Olivier Gasnier

Ada Dyer : chant, Desdamona : rap, Tony Hymas : claviers, chant, Grego Simmons : guitare, 
François Corneloup : saxophone baryton, Stokley Williams : batterie, chant

 Dix années d’existence pour un projet musical relève déjà de l’exploit par les temps qui courent. Que dire alors d’Ursus Minor – groupe internationaliste de naissance, tant par ses origines géographiques (Angleterre / France / Etats-Unis…) que par ses sources musicales multiples (jazz, soul, rock, rap, vocale, instrumentale). Les croyants – il en reste, et de toutes sortes - invoqueront un miracle. Plus sûrement, voilà la preuve qu’un acte politique, reposant sur une détermination farouche, sans doute entretenue par la qualité et la force intrinsèque du projet, peut exister en dépit et face aux circonstances.

N’en déplaise à la modestie de François Corneloup, évoquant le  « quart d’heure politique du concert » à l’occasion de la présentation du titre « Notre Dame des Oiseaux de Fer », Ursus Minor remet en permanence la politique au centre de l’action, aussi musicale fut-elle en l’occurrence. Politique entendue comme vie de la cité, et son organisation, à discuter et envisager.
Ainsi du programme de cette ultime date de tournée où la couleur est clairement annoncée ; la vie dans ses différentes dimensions est là :
Suggestions diaboliques (Prokoviev), Punk prayer (Pussy Riot), Petite Fleur (S.Bechet)/ Superstition (S.Wonder), Zad Song, Drivin Man (Max Roach - Oscar Brown), Notre-Dame des oiseaux de fer (Hamon Martin quintet - Sylvain Girault), The way back home, The words of Lucy Parsons, Miss America, We shall not be moved, Strange fruit, I don’t live today (Hendrix).

Et il y eu « Move » aussi, élégamment présenté par François Corneloup au nom du groupe. L’émotion se cristallise, les yeux se noient quelque peu dans l’appréhension d’une absence désormais définitive, et face à une interprétation de ce morceau d’anthologie qui ne se jouera plus avec son compositeur, ce qui semblait inimaginable tant Jef Lee Johnson habite ce thème. Et pourtant, quel magnifique témoignage d’amour et d’amitié fut cette version, qui accrochera à jamais JLJ dans les cœurs, si ce n’était déjà le cas, mais avec davantage de netteté dans les contours d’un talent fait d’une mélancolie dont la profondeur touchait à l’universel et qui, matinée d’une pointe rageuse  et de clins d’œil malicieux, se transcendait et transmettait une force vitale. Point de confort dans ces voyages mais la régénération salvatrice d’une approche au plus prés de soi-même. Là où Terry Bozzio « tuait la bête » au sein des Lonely Bears, peut-être son meilleur terrain d’expression, JLJ nous débarrassait de nos oripeaux. Et Grego Simmons, guitariste nouveau venu dans la sphère Ursus Minor, se situa dans une parfaite filiation.

Cependant avec Ursus Minor version Stokley Williams, version plus vocale que chantée, le chant étant présent chez chacun des musiciens et bien sûr des chanteuses Ada Dyer et Desdamona, il s’agit dorénavant de l’invitation à la transe-danse permanente, évolutive, portée par le duo fondateur Hymas/Corneloup.
Incroyable compositeur/musicien d’un côté, et de l’autre, sensible mélodiste à l’énergie charpentée d’un coureur de fond capable d’accélérations aussi décisives qu’inattendues. Qualités habituellement antagonistes dont la maîtrise contribue à la singularité du saxophoniste et à son rayonnement sur le groupe mettant dans les meilleures conditions Stokley Williams rythmicien vif et félin et interprète à l’âme ancestrale.
  
Ursus Minor c’est donc la remise permanente de la politique au centre du débat (« l’art est public », politique donc). C’est aussi le tour de force de son co-instigateur et metteur en sons, Jean Rochard. La démarche de ce dernier a certes toujours été celle-là, comme le montre la discographie du label nato, mais avec ce groupe, par sa longévité et son essence même, on touche ici à un aboutissement nécessaire, et qui n’est pas une fin en soi, pour franchir une étape supplémentaire dans la construction d’une autre société possible.
Et, naturellement, le plan musical n’y est que gagnant : parfaite connaissance des musiciens et adhésion à la démarche validée par leur épanouissement artistique respectif, qui, de plus, et toujours par nature, évolue en permanence, se renouvelle, s’adapte ; histoire et actualité obligent.

Aller à la rencontre d’Ursus Minor, c’est retrouver la joie, « poser son fardeau et remettre la machine en route* ». Cela n’a pas de prix. Mais une valeur incommensurable.

* Titre de François Tusques in Intercommunal Free Dance Music Orchestra Vol.4 - Jo Maka

Photographie : Jean-Jacques Birgé 

11.2.13

HYMAS & THE BATES BROTHERS
À SONS D'HIVER LE 5 FÉVRIER
PAR OLIVIER GASNIER

Tony Hymas – en compagnie des frères Bates – avait marqué l’année passée avec le troisième enregistrement en trio de sa pourtant riche carrière, « Blue Door », modèle du genre et en passe de devenir une référence. Cette perle, bâtie sur la complicité – celle du trio, de la fratrie rythmique et plus encore de la fratrie d’âmes et de cœurs -, n’en finit pas de révéler ses multiples éclats au fil du temps. Force mélodique des compositions, articulation du discours « impro-composé », et foisonnement des idées auraient même tendance à faire oublier la virtuosité du pianiste, une virtuosité indéniable, jamais gratuite, et à souligner tant le talent de Hymas est grand à en faire un discret outil de transmission de sens et d’émotions, c’est-à-dire toujours au service de la musique.

 Aussi, pour les connaisseurs de l’album, ce fut sans doute avec une sorte d’impatience sereine qu’ils purent avoir envie d’écouter le trio sur scène - ce 5 février dans le cadre du festival Sons d’hiver, fidèle compagnon d’aventures de Tony Hymas -, pour mieux éprouver les sensations rencontrées au disque. Pour les autres, l’occasion fut non moins belle de découvrir et rencontrer ce trio hors-pair (!), et de constater, en faisant connaissance avec ces musiciens, anglais pour l’un, américains pour les autres, que le talent n’avait point besoin de grande notoriété pour s’exprimer pleinement et donner autant, sinon davantage, de plaisir.

Le pianiste fit preuve d’une inspiration particulièrement réjouissante tant par l’aisance dans l’expression de ses idées que par le plaisir, très communicatif, qu’il a paru y trouver – et son jeu entre main droite et main gauche demeure toujours aussi envoutant qu’impressionnant. Quant à la fameuse section rythmique de la formule du trio jazz, celle composée par Chris et JT Bates, respectivement contrebassiste et batteur, si elle bénéficie certainement des liens de sang qui l’unisse, ceux-ci ne seraient pas suffisants pour faire d’elle une rythmique non seulement digne de ce nom mais également à la hauteur du niveau du discours du pianiste, c’est-à-dire tout autant capable de répondre aux propositions de ce dernier que de le stimuler à aller explorer des sentiers peut-être pas inconnus – l’homme est de grande(s) expérience(s) - mais probablement peu ou moins battus. Et c’est sans doute l’alliance de deux personnalités complémentaires, différentes bien que proches, qui permet cette heureuse alchimie au sein du trio, le contrebassiste faisant montre de respect et de connaissance de la tradition tout en étant capable de subtiles digressions, tandis que le batteur, tout en s’appuyant sur l’histoire de l’instrument, apporte à son jeu, et ce faisant à la musique, une diversité d’influences dépassant le cadre déjà large du jazz, et s’abreuvant aussi bien au rock, qu’à la country, au folk ou encore au blues – ainsi du groove imparable sur « The way back home ».

Avoir pu profiter, et partager avec ces musiciens une bonne partie du répertoire enregistré pour « Blue Door », tout en étant confronté à de nouvelles surprises via d’autres thèmes, fera certainement de ce moment émouvant, où l'on jubila aussi, un souvenir vif et enthousiaste, précieux pour garder force et esprit aux aguets dans le monde tel qu’il va.

Olivier Gasnier

Photo : © Didier Adam

Remerciements chaleureux à Fabien, Leda, Armelle, Nathalie, Valérie, Claude, Jacques et les équipes de Sons d'Hiver et de l'Espace Jean Vilar à Arcueil

Sur le Glob : Dansons avec JT Bates et Stokley Williams

9.4.12

THE COUP
LA CLEF SAINT GERMAIN EN LAYE 6 AVRIL

Par Olivier Gasnier

Ceux qui ont eu l’occasion de le croiser – avec Ursus Minor notamment - l’auront remarqué : Boots Riley, rappeur de son état, a le contact facile, immédiatement sympathique dans sa manière « laid back », tranquille (Oakland, Californie peut-être ?), d’engager la conversation. Une qualité qui se retrouve, naturellement, dans sa musique.
Ainsi vendredi soir dernier, à la tête de son groupe, The Coup, lors de sa première tournée européenne, il a rapidement acquis la salle à sa cause, asseyant sa capacité à établir la connexion sur une énergie elle aussi communicative. Derrière une décontraction apparente, rien n’est laissé au hasard et le groupe à ses côtés – formation classique : guitare/basse/batterie/claviers/chant – présentait une solide cohésion tout au service d’une musique mêlant allègrement hip hop, rock et funk endiablé. Ce cocktail, base du travail de Boots Riley, s’avère un parfait vecteur de transmission de sa vision critique et aiguisée de la société. Conscient de s’adresser à un public pas totalement anglophone, le rappeur prend d’ailleurs la peine, par petites touches entre deux morceaux, d’expliciter sa démarche, établissant au passage de judicieux liens entre actualité française et étatsunienne.
Et, puisqu’il s’agit quand même de contribuer à changer les choses, « commençons, localement, par œuvrer à hauteur de notre environnement proche» indique-t-il, le californien emporte certes l’adhésion avec une musique festive (Party music*), mais n’oubliant pas qu’il peut être nécessaire de prendre une arme plus grosse encore (Pick a bigger weapon*).
Retour en concert espéré en octobre prochain, suite à la publication de son nouvel album en septembre.

(* : les deux précédents albums de The Coup)

28.11.11

URSUS MINOR AVEC BOOTS RILEY ET DESDAMONA
GENNEVILLIERS 26/11/11
OLIVIER GASNIER : HISTOIRE(S) ET ACTUALITÉ(S) DU MONDE : LE NÔTRE

Ursus Minor : histoire(s) et actualité(s) du monde. Le nôtre !
Par Olivier Gasnier

Le Tamanoir, Gennevilliers le 26/11/2011.

« Pour moi il y a des disques documentaires et des disques de fictions. Disons que j’essaie de faire des disques de fictions avec un point de vue documentaire. Ursus Minor c’est ça, on raconte une histoire, mais ce n’est pas un conte de fées non plus ». (…) « Il faut parvenir à retrouver le chemin qui relie les musiciens au public. Alors ça pose les questions de savoir ce qu’on fait, pourquoi et comment on le fait. Ursus Minor c’est une modeste interrogation autour de ça. Et ça veut dire aussi que l’on n’est pas tout seul, isolés »*. Y aurait-il meilleure manière de décrire un concert d’Ursus Minor ? Ou, plus précisément les concerts d’Ursus Minor. Car cette semaine l’opportunité était donnée aux franciliens de rencontrer par deux fois le groupe à quelques encablures de distance.
Et de Paris à Gennevilliers, mais comme de Villejuif à Minneapolis par le passé, les musiciens – six depuis le dernier album en date, et même sept l’espace d’un morceau (où le jeune rappeur Moon rejoint le groupe pour sa première "scène") car ceux-là savent recevoir – nous ont raconté un peu de nos vies, un peu des leurs, et beaucoup du vivant. Et avec un naturel et une simplicité tels que, d’évidence, toute éventuelle résistance de qui ne les connaît pas se retrouve bien vite désarmée, offrant alors pleine et libre participation à la rencontre. Car l’échange et l’écoute, au cœur du dispositif et de la démarche du groupe depuis ses débuts, se retrouvent là, dans la proximité immédiate avec le public et font que, plus encore qu’assister à un concert d’Ursus Minor, on y participe. Assis ou debout, intérieurement ou physiquement. C’est pour ça que la fête est de mise, l’espoir aussi donc, pour mieux transcender certaine gravité de la condition humaine. Transcendance et dépassement ne signifiant pas oubli, l’histoire est convoquée, par touches subtiles, pour alimenter le sens de la danse, le « groove », qui transpire du répertoire ursussien, fruit de la combinaison fertile des qualités rythmiques de chacun des membres du collectif. Le foisonnement syncopé et mélodique des tambours de Stokley Williams, porté par des dispositions vocales rares, les décalages inattendus de la main gauche de Tony Hymas sur ses claviers, l’assise tellurique du baryton de François Corneloup, l’implacable fouetté de Mike Scott sur ses cordes associés aux flots souples et gracieux des rappeurs-chanteurs- conteurs Desdamona et Boots Riley génèrent immanquablement un irrépressible battement de pied, battement de cœur, qui nous (re)met en mouvement. Ce n’est pas la moindre des choses dans le monde tel qu’il va.
Cette qualité n’est certes pas l’apanage de ce groupe, nous en connaissons sans doute quelques autres, mais ces joyeux énergumènes, par leur capacité d’improvisation et leur créativité, portent un peu plus haut, un peu plus profondément le niveau d’échange et de dialogue possibles. Du coup, l’expérience fait partie de celles qu’on n’oublie pas mais qu’il est toujours bon de renouveler - ses vertus régénératrices sont indéniables, et essentielles - pour mieux se souvenir de la transmettre à son tour.


* Jean Rochard, en 2005, à l’occasion de la parution du premier opus d’Ursus Minor.



Photos : Z. Ulma

Merci à Johann Mandroux, Fabrice Amghar, Benjamin Bertout, Nathalie Neels, Eléonore Okpisz, Justine Agulhon et à toute l'équipe du Tamanoir

11.11.08

MALAS OU LES LUMIÈRES DU CANAL CHANSON




Serge Gainsbourg, Léo Ferré, Jaqcues Higelin et quelques autres avaient fait glisser le terme de "variétés" pour chanson française à "pop music", signifiant ainsi de réels rapports avec ce qui se passait outre Manche et outre Atlantique. Simples (pas si) questions de langage ! Les Variations, groupe de pop music française, avait ouvert une voie fin des années 60, mais ils chantaient beaucoup en anglais. Red Noise et Komintern avaient ouvert une autre voie... Tac Poume Système, les Moving Gelatine Plates encore une autre ... D'autres viendront plus tard : Les Stinky Toys, Marquis de Sade, Kas Product, les Berruriers Noirs, les Rita Mitsouko, Noir Désir... À chaque fois une petite aventure recommencée pour trouver ses marques et ses liens, la langue française pas tout à fait avalée par la langue anglaise, mieux redessinant les contours pop comme un ballet d'expressions toujours à tailler. C'est aussi le défi de Malas, éclairé power trio (en anglais dans le texte : guitare basse batterie) aux héritages assurés et à la voie libre. On pourra entendre cet excellent groupe (Nicolas Massouh : guitare, chant, Vincent Lefrançois : basse et Olivier Gasnier : batterie, oui LE Olivier Gasnier) - qui vient de terminer l'enregistrement d'un six titres où tous les coups font mouche - à l'Abracadabar, 123, avenue Jean Jaurès, Paris 19 à 22h le 12 novembre. (Métro Laumière)

Photos : B. Zon

26.8.08

RENDEZ-VOUS AVEC MALAS LE 27 AOÛT


Edgware Road est une rue de Londres chargée d'histoire parfois tragique (des romains à nos jours) traversée par mille effluves voyageuses. Le trio Malas, d'un nom de son leader, lui a dédié une très belle chanson que l'on peut entendre parmi les cinq titres enregistrés par le groupe et non encore commercialisés. Un groupe de variétés (le mot est superbe lorsqu'il est juste) pas comme les autres puisqu'il s'agit de la formule dite "power trio" (guitare, basse, batterie) qui est à la pop music ce que le quatuor à cordes est à la musique classique. Malas fait honneur à la chanson française (ben oui !) avec ses chansons pour tous les garçons et les filles devenus grands, mais qui ne le savent heureusement pas trop. La guitare de Nicolas Massouh souligne des mots sensibles portée par une rythmique chaleureuse au groove redoutable (Vincent Lefrançois, basse et Olivier Gasnier batterie). On s'impatiente d'entendre leur premier disque, mais en attendant on se délectera de leurs prestations en concert, comme celle du 27 août prochain à l'Abracadabar, 123, avenue Jean Jaurès, Paris 19 à 21h. (Métro Laumière)

www.myspace.com/malashome

4.4.08

SOLIDARITÉ FRATERNELLE AVEC LES TRAVAILLEURS DE LA FNAC (6)

"DE LA FNAC À L'HYPERMARCHÉ DE PRODUITS CULTURELS ET DE LOISIRS"


Communiqué de Sud Fnac

Les salarié(e)s de la Fnac ont appris par la presse mardi 25 mars le départ du P-d-g Denis Olivennes. Depuis pas une note d’information dans les établissements. Seuls les «managers» ont eu droit à une lettre du Président sur Intranet. En revanche, dans les médias, D. Olivennes a largement commenté ses années Fnac et son départ comme patron du Nouvel Obs, qui confirmerait qu’il est bien un homme de gauche ! A la Fnac, on l’a constaté serviteur appliqué du Medef.

Ses cinq années de règne à la Fnac ont sans aucun doute été les plus douloureuses socialement pour le personnel de la Fnac : suppressions de postes, restructurations permanentes avec ou sans PSE, liquidation des Fnac Photo, casse des métiers, individualisation des rémunérations, primes d’objectifs, règlement intérieur répressif et maintenant monétisation des RTT. Ce dispositif allant de pair avec un anti-syndicalisme permanent. L’objectif de PPR était clair : accélérer l’alignement de la Fnac sur les normes de la grande distribution, tant sur le plan social que commercial, en maintenant l’image d’une enseigne « agitatrice » et atypique. Pour remplir ce mandat, où l’imposture le dispute à l’acrobatie, PPR a trouvé en Olivennes l’homme de la situation. Ce normalien et énarque cultive une image d’intellectuel, capable de parler aux médias aussi bien compte d’exploitation que littérature… On notera aussi que le soi-disant passé trotskiste de D. Olivennes a fait surface à son arrivée à la Fnac alors qu’il n’en était pas question quand il sévissait à Air France ou à Canal+. Marketing oblige : cette petite touche personnelle devait convaincre que le nouveau p-d-g agissait bien dans la continuité des fondateurs de l’enseigne, Max Théret et André Essel ! Pourtant, au-delà de leur rôle comme premiers patrons de la Fnac, quel rapport établir entre des hommes ayant courageusement mis leurs convictions politiques au service de la Résistance et le lycéen du Ve arrondissement visitant un bref instant l’extrême gauche avant de rentrer dans le rang comme tant d’autres dans la décennie suivant Mai 68 ?

Les hommes d’Olivennes à la Fnac ont eu pour mission de détricoter, point par point, un statut social construit de haute lutte. Il était le symbole d’une enseigne un peu à part, non totalement intégrée au monde de la grande distribution. En effet, il était indissociable d’une politique commerciale basée sur le respect du client et la volonté de répondre à ses besoins. Si ce statut social était dans la ligne de mire des dirigeants précédents, l’accélération, la généralisation et le caractère systématique des attaques sont bien à mettre à l’actif des équipes de D. Olivennes. Les salarié(e)s comme les client(e)s pâtissent de ces choix dictés exclusivement par des impératifs de rentabilité au détriment d’une politique industrielle à long terme.

Le résultat est aujourd’hui édifiant. Pas forcément exprimées collectivement, les tensions sociales sont réelles. La confiance que le personnel pouvait avoir dans la Fnac laisse place au doute, à l’insécurité quant à son avenir, à la lassitude face à la direction. Les moyens de travailler correctement et de répondre de manière satisfaisante à la clientèle ont disparu. Les tensions entre les salarié(e)s s’exacerbent au détriment de la cohésion des équipes. Les salaires sont bloqués. Alors que le salaire d’embauche était supérieur d’environ 150 € au SMIC il y a une dizaine d’années, il est maintenant tiré par l’augmentation de celui-ci chaque année en juillet. La grille des salaires se tasse vers le niveau le plus bas. L’instauration en 2007 d’une prime individuelle d’objectif a provoqué la concurrence entre vendeurs. Des pratiques inédites jusqu’ici voient le jour pour tenter d’attraper quelques dizaines d’euros de prime. Par exemple, des vendeurs éditent des cartes de visite avec leurs horaires de travail afin qu’un client conseillé revienne réaliser son achat auprès d’eux. Et bien évidemment, ce système incite à vendre des produits et des services ne répondant pas aux besoins du client mais qui participent de la prime potentielle en fin de mois. Les métiers existant jusqu’en 2005/2006 ont été remplacés par des « fonctions » imposées sans concertation ni négociation. C’est le « comportemental » qui est maintenant évalué par la hiérarchie. Sous couvert de « mobilité » et de « polyvalence », devenus les mots clés du management, tout le monde peut tout faire. Les vendeurs des Produits techniques encaissent et chacun(e) peut être déplacé vers un autre poste de gré ou de force. Peu importe que l’on soit Libraire ou vendeur d’appareils photo. En parallèle, l’offre en Disque et en Livre diminue sensiblement. La pression constante sur les effectifs et le PSE sur les services administratifs crée les conditions pour faire accepter cette mobilité.

Ce sont les fondamentaux de la Fnac qui sont mis à mal aujourd’hui. Peu d’enseignes se targuaient d’avoir des vendeurs spécialisés et passionnés. La contrepartie était d’une part des rémunérations un peu supérieures à celles du secteur et d’autre part un statut moins précaire, donc un turn-over moins important. C’est ce qui faisait globalement l’intérêt de la Fnac pour ses salariés comme pour sa clientèle.

Le 25 mars, les salarié(e)s de la Fnac ont donc appris une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne avec le départ de D. Olivennes. La mauvaise avec le retour à la Fnac de C. Cuvillier après un détour par Conforama qui, en bon camarade de promo HEC de F-H.Pinault, doit « achever la mue de l’enseigne ». Après l’épisode Olivennes, plus besoin de mascarade pour PPR : la Fnac est entrée définitivement dans l’ère de la grande distribution… Pas de quoi rassurer salarié(e)s et clients !

Le 2 avril 2008.

Pour SUD Fnac,
Olivier Gasnier, Gaëlle Créac’h, Jean-Paul Marchall, Nadine Laurent, Virginie Nguyen.

5.2.08

LA MUSIQUE VAUT-ELLE ENCORE LE DÉRANGEMENT ? (DÉBAT PUBLIC)




• Le 7 février à 17h, débat public proposé par le Festival Sons d'Hiver et Les Allumés du Jazz

LA MUSIQUE VAUT-ELLE ENCORE LE DÉRANGEMENT ?

"Mort du disque annoncée", "culte de l'Audimat" sont des principes qui envahissent les débats publics en France sur la musique. Il est urgent d'analyser ces notions idéologiques et médiatiques, d'en percevoir la nature et les enjeux réels, pour ne pas subir cette crise, mais devenir les acteurs d'un véritable changement. Et revenir à la question fondamentale : "pourquoi et comment faire circuler la musique aujourd'hui ?"

Interventions de musiciens, représentants de maisons de disques, programmateurs de concerts et autres acteurs de la vie musicale.

Les débats sont ouverts à tous. Venez participer et réfléchissons ensemble.

À lire : "Crise du disque, pourquoi tant de haine" par Olivier Gasnier dans
le numéro 20 du Journal des Allumés du Jazz.

Illustration : Zou ; couverture du numéro 17 du journal des Allumés du Jazz (abonnez vous, c'est encore gratuit)


Entrée libre

Théâtre d'Ivry-sur-Seine Antoine Vitez
1 rue Simon Dereure 94200 Ivry-sur-Seine
Métro : Mairie d'Ivry (ligne 7) Terminus
tél à Sons d'Hiver : Armelle ou Émilie 01 41 73 11 65
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22.11.07

FRANCOIS CORNELOUP NEXT
À ARGENTEUIL


par Olivier Gasnier


Cave Dimière le 16 novembre 2007

Saluant un certain « marcheur français de Wounded Knee » en conclusion du programme distillé le 16 novembre dernier en la Cave Dimière du côté d’Argenteuil, François Corneloup, saxophones en bandoulière à tour de rôle, a pu donner pleine mesure de son sens de la danse et de la marche solidaire à la tête de son nouveau et cosmopolite orchestre. Manifestement, il est bon de se promener sur les bords du Mississippi et alentours, quand la Seine vient dérouter sa course au milieu des villes jumelles du Minnesota initiant ainsi d’inédites rencontres musicales entre Europe, Amérique et Afrique. Par chance pour nous, Corneloup a l’envie de la découverte et l’âme d’un voyageur - qui ne serait pas solitaire, possédant un vrai sens de la camaraderie – et a donc suivi ces inhabituels méandres fluviaux outre-atlantique, lui permettant de réunir là-bas une petite bande de musiciens-compagnons dont il pressentait la possibilité de faire un bout de chemin avec. En témoigne ici la présence de Dominique Pifarély, fidèle complicité et camaraderie donc, mais sans doute aussi présence (r)assurante, aux côtés de JT Bates, connu comme batteur illimité dans la natosphère, et du guitariste Dean Magraw, tous deux originaires de Minneapolis, soutenus par Chico Huff, discret bassiste philadelphien à l’expérience redoutable dont Jef Lee Johnson peut difficilement se passer. Et c’est un peu comme une parfaite alchimie qui opère entre ces cinq là, où les qualités des mélodies caractéristiques du saxophoniste peuvent s’appuyer sur une rythmique – basse/batterie/guitare – à la cohésion déjà bien assurée et au groove, c’est-à-dire sens de la danse, irrésistible (vertus hexagonales peu courantes) et sur l’intense exigence musicale personnelle de Pifarély, engagement exemplaire pour le groupe, qui en fait, est-il besoin de rappeler, un violoniste décidemment hors pair sur la scène jazz internationale.
Du coup, Corneloup, mettant à profit son expérience au sein du diabolique quartet Ursus Minor, parvient à combiner des dessins rythmiques qui plongeraient leurs racines dans la « Great Black Music » et son énergie fédératrice, pour mieux laisser place à la circulation aérée des idées de ses compagnons de route, qui ne s’en privent guère mais qui tiennent tout autant à maintenir le niveau d’échanges collectifs permanent. En découle une sensation festive aux effluves qui pourraient évoquer, hasard du calendrier des rééditions, les sessions milesdavisiennes d’«On the Corner» mais aux couleurs autrement métissées encore.