La version présentée lors de ces deux représentations avignonnaises, et lors des prochaines à venir à Tours et à Metz est celle de 1863. Visiblement, on ne monte plus que cette version,
celle corrigée de Benjamin Godard n’étant plus hype. Soit. Admettons.
Comme toujours avec ces Pêcheurs de Perles de Bizet, la mise en scène (ici de Nadine Duffaut) était conventionnelle et donc totalement inintéressante. Las. J’aimerais voir un jour un Pierre Audi ou un Laurent Pelly s’emparer de cet opéra pour dépoussiérer un peu la vision convenue de l’orientalisme du XIXe siècle. Costumes classiques, chorégraphie entendue, voilà des choses auxquelles je me suis résignée, depuis le temps.
Mention spéciale, dans cette version en Avignon aux lumières de Jacques Benyeta (à peine dignes d’une troupe de théâtre amateur tant elles étaient simplissimes et primitives) et aux décors d’Emmanuelle Favre, que je peux affubler des mêmes qualificatifs précédents.
Enfin, j’aimerais savoir qui a eu la bonne idée d’inonder la scène de bruitages de foudre pendant l’entièreté du chœur « Nuit d’épouvante » à l’acte III. Merci d’avoir ainsi dénaturé la musique de Bizet. Heureusement, le charme des Pêcheurs réside, pour moi, dans bien d’autres choses.
Patrizia Ciofi (Leïla) Acte III, 1er tableau
Côté musique, la direction de Vincent Barthe est remarquable.
Deux crans au dessus de celle de
Viotti, dix crans au dessus de celle de
Prêtre, mille crans au dessus de celle de
Plasson. Je la place néanmoins derrière celle de
Dervaux, et ceci pour une seule raison : le chœur « Brahma divin Brahma » au milieu de l’acte I et clôturant l’acte II, que Barthe a fait jouer trop lourdement et trop lentement.
Mais mis à part cela, je n’ai vraiment aucune critique à formuler à sa direction.
L’orchestre d’Avignon est à la mesure d’une petite salle de province, correct, mais sans plus (problème de rythme d’une des deux flûtes, et de synchro au niveau des cors).
Le chœur a quant à lui fait preuve d’une belle cohérence et de quelques nuances bienvenues. Compte tenu des moyens limités d’Avignon dans le domaine (une douzaine d’hommes et autant de femmes), le travail de Stefano Visconti, le chef de chœur, m’a réellement impressionné. Il me donne envie d’en savoir plus sur son parcours et sa philosophie.
Nicolas Testé (Nourabad) et Patrizia Ciofi (Leïla) Acte III, 2e tableau
Passons au chant.
Je ne comprends absolument pas la réaction du public, enthousiaste à la prestation de
Marcel Vanaud, dans le rôle de Zurga, s’épanchant généreusement en bravos après « Au fond du temple saint » (duo avec Nadir) et le solo débutant l’acte III. J’ai pour ma part trouvé son chant et sa prestation
exécrables (et je pèse mes mots).
Non content de ne pas projeter (particulièrement dans les graves), de chanter franchement faux à plusieurs reprises et d’avoir une présence scénique plus que limitée, l’omniprésence de ses vibratos excessifs a été particulièrement insupportable à mes oreilles. Je ne me faisais guère d’illusions quant à sa capacité à détrôner le seul et l’unique
Ernest Blanc, mais offrir une prestation de cette médiocrité aux côtés de quelqu’un comme Ciofi, c’est vraiment se foutre de la gueule du monde (et je pèse toujours mes mots).
Que le public, ensuite, ait apprécié, voilà bien qui me laisse songeuse quant à l’oreille des Avignonnais.
Francesco Meli, probablement souffrant (c’est l’hécatombe en ce moment parmi les chanteurs d’opéra, Shicoff et Merritt en tête pour
La Juive à Bastille, et j’y reviendrai), a été remplacé, visiblement au pied levé, par le jeune ténor
Antonio Figueroa, élève de
l’Atelier Lyrique de Montréal.
Je parlais de remplacement de dernière minute parce que Figueroa a eu des problèmes de rythme tout l’après-midi, notamment sur le « récitatif » avant l’air « Je crois entendre encore » et que la direction de Barthe, lorsqu’il était sur scène, se focalisait quasi-exclusivement sur lui, pour le cadrer rythmiquement.
Si la diction de ce jeune artiste est excellente, ainsi que la justesse de ses aigus, il lui reste maintenant à travailler sur la projection de sa voix. Dans un simple duo avec Leïla comme « Ton cœur n’a pas compris le mien » (acte II), on l’entendait à peine. Quant il s’agit de chanter par dessus le chœur (comme à la fin de l’acte II), la situation en est devenue grotesque, puisque ses lèvres bougeaient mais qu’aucun son ne parvenait à mes oreilles (et j’étais à 5 mètres de lui, à peine). Je n’ose imaginer le carnage dans une salle moyenne (ne parlons pas même de grande salle).
Une de mes anticipations de cette représentation était d’entendre
Nicolas Testé, cette jeune basse dont on dit le plus grand bien, et que je me réjouissais de découvrir enfin.
Certes, le rôle de Nourabad est particulièrement peu fourni dans les Pêcheurs (particulièrement dans la version de 1863), mais je suis restée sous le charme de la justesse de sa voix, de sa très bonne projection et de son charisme scénique (malgré la pauvreté de ses déplacements dans la mise en scène de Duffaut). I
ndubitablement, j’essaierai de le revoir. (le public avignonnais, par contre, lui a réservé un accueil pour le moins indifférent)
Patrizia Ciofi enfin. Leïla.
Je parlais de l’hécatombe de malades parmi les chanteurs d’opéra ces temps, Patrizia Ciofi fait partie du lot. Ce que je suppose être une angine bien chargée l’a handicapée tout l’après-midi, et s’est aggravé en cours de représentation, rendant sa voix de plus en plus voilée (bon courage aux spectateurs de demain).
Néanmoins, parce qu’il y a un néanmoins, elle a donné une interprétation de Leïla qui, pour moi, est la meilleure que qu’il m’ait été donné d’entendre à ce jour.
Son timbre était celui que j’attendais depuis longtemps pour Leïla ; je compare avec, respectivement, les prestations de Janine Micheau, greluche ; Ileana Cotrubas, insipide; Annick Massis, froide et hautaine ; Barbara Hendricks dont la diction gâche tout. Alors certes, je l’ai déjà entendue en bien meilleure forme (lors de son récent Il Crociato in Egitto de Meyebeer à la Fenice notamment), et de ce point de vue, elle a été décevante. Mais encore une fois, elle reste à ce jour ma Leïla préférée.
Et puis, sa joie de vivre et sa bonne humeur, dont elle n’hésite pas à faire étalage en fin de représentation participent de son charme. Sans compter qu’habituée des grandes maisons, Ciofi n’a aucun problème de projection. Et ça, ça change tout.
Merci Patrizia.
Parce que je n'étais pas la seule présente en Avignon, vous pouvez lire
ici un autre avis que le mien; "Le Zurga de Marcel Vanaud est beaucoup plus convaincant (...) son grand air du début du troisième acte (“L’Orage s’est calmé”) a été magnifiquement mené."
Alors ça vraiment, j'en reste pantoise. Les mots me manquent...
Ernest Blanc people, Ernest Blanc?
Comment peut-on trouver magnifique le solo de Vanaud en ayant entendu Ernest Blanc? Il faudra décidément que je vous mette l'extrait en mp3 sur ce blog un jour...