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jeudi 12 juillet 2012

La fenêtre

Pierre venait de rentrer du travail, il faisait déjà nuit. Il alluma la cuisine et la lumière crue l'aveugla. Après quelques secondes, quand ses yeux furent habitués, une drôle d'impression l'envahit. Il était face à la fenêtre qu'il avait laissé ouverte en grand pour éviter les odeurs, dehors, pas une lumière, pas un bruit. La fenêtre était telle un trou béant qui ne donnait que sur du noir. Le noir, le noir complet, le vide, le vide complet. Pierre fut effrayé. Il voulut aller fermer la fenêtre mais il n'arrivait pas à bouger. Il fixait le trou noir. N'importe quoi pouvait se cacher là bas dans ce manteau de nuit, n'importe quoi comme au contraire absolument rien. Jamais. Il avança enfin et le chemin entre lui et la fenêtre était interminable, pénible. Il ferma les battants, son cœur se calma. Il tira les rideaux et se senti soulagé, en sécurité. Mais pourtant quelque chose s'était cassé. Un subtil changement d'éclairage s'était opéré. Sur lui, sur sa vie. En vérité, ça l'avait travaillé toute la journée. Ce n'était pas grand chose. C'était presque rien. Quand il s'était levé ce matin il avait tout de suite su que quelque chose était différent. Il ne voyait plus le monde de la même façon. Oui, la lumière avait changée. La journée avait défilé comme s'il avait été extérieur à son corps. Sa femme qui préparait le déjeuner et l'embrassait sans même un regard. Le trajet aller métro. Le travail, le mot suffit. Les poignées de mains, les repas, les toilettes, les coups de téléphone, la bave qui coule le long des lèvres, le trottoir, les caniveaux, les feux verts, les portes à ouvrir, les yeux à fermer, le trajet retour métro. Les marches à monter, encore une porte. Les ronflements. Plus de femme sur le fauteuil à moitié endormie par l'attente ni même, parce que c'était trop long, de mot sur la table qui lui dit "je t'aime". Mais l'appartement dans l'obscurité, avec la fenêtre de la cuisine ouverte sur la nuit, elle pourrait être ouverte sur Pierre que ça serait exactement pareil. Tirer les rideaux pour croire que l'on a vaincu cette obscurité. Mais c'était faux. Il le savait. Il voulait aller la réveiller et être aimé. Mais c'était faux, il le savait. Puis Pierre se dit qu'il voulait mourir et qu'il n'avait qu'à se jeter par la fenêtre, mais ça aussi c'était faux. Qu'est ce qui avait changé? Avant aujourd'hui il acceptait tout. Il se disait que c'était ainsi et que c'était pareil pour tout le monde. La vie lui plaisait, sa routine le rassurait. Mais maintenant c'était devenu insupportable. Ce n'était pas assez. Ce n'était pas digne de lui. Ce n'était pas digne d'être vécu. De perdre son temps. Il se sentait nouveau. Il rouvrit les rideaux. Son visage se reflétait sur la vitre, sur le rien. Cette image lui plut. Quelque chose se reflétait dans la nuit et c'était lui. Il comprit qu'il était seul. Que c'était à la fois le problème et la solution. Que tout l'amour qu'il avait en lui ne pourrait jamais rien atteindre. Il alla s'assoir sur le canapé et attendit que le jour se lève.
Au matin, sa femme se réveilla. Elle le vit mais ne dit rien. Elle observa son visage triste et déterminé, éclairé par la douce lumière bleutée du petit jour. Elle su mais ne dit rien. Un subtil changement d'éclairage s'était opéré. Elle alla s'assoir à côté de lui et doucement lui prit la main.

mardi 25 octobre 2011

Frôler la vie

J'avais quitté ma ville pour la capitale, afin de me rendre à un entretien très important. Il n'avait pas été concluant mais j'avais décidé de rester tout de même encore un peu. J'avais quelques économies en réserve, assez pour tenir au moins deux semaines. Je savais pourtant qu'il aurait été plus raisonnable de garder cet argent pour autre chose, mais je n'avais aucun remord à le dépenser pour une chambre d’hôtel et tout les frais quotidiens et tout cela à cause d'une simple scène. Le soir de l'entretien, je retournais à mon hôtel, dépité, voir même en colère, je ne voulais plus réfléchir, plus penser à cet échec cuisant, j'avais donc décidé de m'arrêter au bar à côté de l’hôtel, dans l'idée de noyer toutes mes pensées négatives dans un verre ou deux. Je me suis assis en terrasse face à la rue. Il faisait légèrement frais et il y avait encore un peu de monde dehors. J'ai commandé une bière, allumé une cigarette et je me suis senti tout à coup très bien. A l'intérieur passait une vieille musique qui me rappelait une époque agréable de ma jeunesse. Et c'est là que la scène est arrivée, juste à côté de moi, à quelques tables plus loin. Un homme était assis ici depuis un moment (il était déjà là à mon arrivée), il semblait grelotter sous sa veste et avait la mine renfrognée et inquiète. Il faisait cogner son pied sur celui de la table tout en regardant à droite et à gauche toutes les cinq minutes. Et puis une femme est arrivée. Elle était encore à l'autre bout de la rue mais je voyais à leurs regards que c'était elle qu'il attendait et que c'était lui qu'elle rejoignait. La femme avançait d'un pas rapide, les jambes serrées dans une jupe tailleur, ses talons claquaient sur le sol et je n'entendais plus que ce son là. Plus elle se rapprochait et plus son visage m'apparaissait. Elle était entre deux âge, les traits fins, les yeux noirs, profonds, les cheveux attachés en chignon. Elle arriva devant l'homme et il se leva brusquement pour lui montrer de la main le siège en face de lui. Elle s'assit sans trop oser le regarder puis il commanda deux verres. A cause du bruit ambiant je n'entendais pas ce qu'ils se disaient. Je le voyais parler beaucoup et elle ne semblait pas très à l'aise. Et puis soudain, après peut être une heure de discussion retenue, elle s'est défait les cheveux. Elle a retiré son chignon pour laisser ses cheveux tomber librement sur ses épaules et son cou. Ce geste m'a troublé. Qu'avait il dit ou fait pour que tout d'un coup elle ose cet acte, plutôt intime, alors que l'instant d'avant un mur invisible, mais palpable, les séparait. Elle a souri, il a cessé de taper son pied frénétiquement sur la table. Ils ont fini leurs verres et sont partis main dans la main. Ils semblaient tout à fait heureux. Croisant mon regard l'homme m'a salué gentiment et la beauté de ce couple m'a bouleversé. J'étais là, la respiration coupée, ma cigarette consumée, jamais je n'avais ressenti un tel sentiment devant une scène, somme toute banale. Était ce cette femme si belle, était ce l'évolution de leurs regards qui était passé d'une méfiance certaine à une tendresse partagée ou encore cet homme qui m'avait salué et qui de ce fait m'avait mêlé pour un vague instant à leur histoire, me faisant partager leur intimité. Cet intime, oui cet intime que j'avais touché du doigt, cet intime, anonyme finalement, m'avait bouleversé. Je rentrais à l’hôtel, sobre, mais bien loin de mes mauvaises pensées. Alors voilà pourquoi je ne suis pas rentré chez moi après mon entretien raté et pourquoi j'ai décidé de rester. Dès le lendemain et tout les jours suivants, je me trouvais un nouveau bar, un nouveau café. Je prenais de la monnaie pour les bières, un paquet de cigarettes et un livre pour garder contenance. Je m'asseyais à une table, j'écoutais de la musique ou parfois pas et je laissais mes yeux vagabonder sur les gens, sur les choses. Je regardais leurs visages, leurs gestes. Les petits hasards, les petites maladresses. Les choses qui se cassent, les gens qui se rencontrent, qui s'embrassent, qui se bousculent. Ceux qui mendient, ceux qui jouent de la guitare, ceux qui s'assoient ou ceux qui marchent rapidement parce qu'ils sont en retard, parce qu'ils fuient ce que moi j'observe. Tout est beau. Et si c'est laid alors c'est quand même beau d'avoir remarqué cet instant. Je suis pleinement heureux, parfois je prends des notes. Je repense souvent à cette femme et à ses cheveux. Je rêve d'elle et espère tout les jours la recroiser. Je sais que je dois bientôt rentrer, que je n'ai presque plus d'argent, que je dois travailler. Mais je ne me rends plus compte. J'observe les gens se frôler sous les tables, j'observe leurs mains, leurs regards. Quand je rentre le soir en métro, je sens les vibrations de ce dernier, je m'assois à côté d'une fille, d'une femme, plus rarement d'un jeune homme, je laisse mon corps tout doucement frôler le sien, debout j'agrippe les barres, quand il y a trop de monde je me colle à un corps, je sens la texture de son vêtement, de sa peau, je respire ses cheveux, son parfum. C'est devenu le seul contact que j'ai. Je ferme les yeux et je me laisse envahir. Le gens s'imaginent juste que je suis fatigué de ma journée de travail et que c'est pour ça que je ferme les yeux, d'autres le font. Mais je suis bien éveillé. Si je n'observe plus, je ressens. L'autre nuit, j'avais beaucoup bu, c'était le dernier métro. Une fille était endormie contre la vitre, son ami en face aussi. Je me suis assis à côté d'elle et j'ai posé ma main sur son genou nu, il était froid et dur mais la peau était douce, je le caressais doucement puis remontais sur le haut de sa cuisse, tout en regardant son ami. J'aurais pu mourir à cet instant, j'étais tombé amoureux du monde entier mais le monde entier était comme ces deux jeunes gens, il ne me voyait pas. Il ne me voyait pas les observer, les toucher malgré tout mon amour et pourtant cela ne me rendait pas malheureux. Mon dieu, jamais, jamais je ne pourrais retourner chez moi, jamais je ne pourrais retourner travailler. J'ai juste besoin de me perdre pour toujours en chacun d'entre eux.


"Nuit tu me fais peur, nuit tu n'en fini pas..."

vendredi 20 mai 2011

L'eau à la bouche


John
Professeur de sport au lycée X, j'étais également pour la première fois, professeur principal d'une classe de première. J'étais très excité et anxieux de ces nouvelles responsabilités, mais j'étais prêt.
Il y avait dans cette classe différents types d'élèves, de l'intello au caïd de base, mais il y avait surtout elle. La première fois que je l'ai vu je ne l'ai pas remarqué. Elle était ce genre de personne qui passait inaperçu, qui était là sans l'être. Elle participait mollement, ne parlait jamais, faisait les efforts minimums et surtout manquait souvent les cours. Tout le contraire de ce que j'aimais voir chez mes élèves.
Après plusieurs semaines d'absence je fus obligé d'aller lui demander quelques explications et ce fut sans doute la première fois où je posai vraiment les yeux sur elle. Quelque chose en elle me mit mal à l'aise, alors je compris pourquoi je ne l'avais pas remarqué avant, ni moi ni les autres. Je ne déterminais pourtant pas la source de ce malaise et me mis, malgré moi, à l'observer. Mais plus je l'observais et plus j'avais l'impression de découvrir quelque chose de rare que personne d'autre ne voyait, je n'aurais cependant pas sus dire quoi. Peu à peu, la première chose que je faisais quand la classe arrivait, c'était de vérifier sa présence et quand elle n'était pas là, je me surprenais même à me demander ce qu'elle faisait, si elle allait bien.
Puis le trimestre de piscine débuta. Il y avait beaucoup d'absences à ces cours là mais je fus surpris de la voir le premier jour. La piscine était à deux rues de l'école, les élèves s'y rendirent en un rang plus ou moins formé et je fermais la marche. Elle était derrière, seule. Je l'observais un instant puis marchais à sa hauteur. Je devais faire de gros efforts pour garder une démarche convenable, j'étais comme paralysé, je ne savais pas quoi dire, moi qui avait pourtant le contact facile avec les élèves. Je lançais furtivement un regard vers elle, le sien était rivé au sol et ses poings serrés, j'avais l'impression qu'elle pouvait se briser à tout moment. Et puis l'instant d'après elle porta son regard en l'air, semblait lointaine, voilà, nous n'étions plus sur la même planète.
Une fois à la piscine, j'expliquai rapidement aux élèves comment la séance allait se dérouler puis les envoyai se changer. Les garçons étaient surexcités, ils parlaient forts et se lançaient de grosses vannes en n'osant à peine jeter un œil aux filles qui ricanaient. J'allai me changer moi aussi, dans un autre vestiaire. A mon retour elle était devant les cabines.
"Tu ne te changes pas? dis-je

mercredi 9 mars 2011

Le plus vieux métier du monde

Alors Jean demande à Anna:
- Et un travail, as tu un travail?
- Qu'est ce que c'est le travail?
- Eh bien, comment te dire... C'est quand tu te réveilles le matin et que tu ne veux pas te lever. Quand tu fais beaucoup d'efforts qui te fatiguent pour récolter que peu de choses en retour. Quand tu côtoies des gens qui veulent toujours te dominer. Mais que quand tu n'en as plus, alors tu ne sais pas quoi faire d'autre.
- Ah, alors j'en ai bien un!
- Et que fais tu?
- Je vis.

vendredi 4 février 2011

Nécro, boulot, dodo

Mon petit fiancé déterré, ce soir l'amour est dans le fossé. Nous faussons compagnie aux pierres, ton balbutiement sombre dans la mer, comme jeté du haut d'un précipice par une interminable chute. Je me précipite avec toi loin de ce décors perdu, froid. Ton corbillard d'une nuit nous ramène à bon port chez moi, là où, avant toi, l'amour est mort cent fois. Je dépose sur ton dos, en plus de mes baisers, ma prose amère, déchirée par les vers. Mon poème ton corps. Qu'y a t'il de plus beau que cet amour sans chaleur quand sur ta peau je glisse et que le frisson n'est que terreur? Il me transperce dans la nuit silencieuse, muette, de cette barre glaciale qui gouverne mes esprits. De toi je sais peu ou prou, de ton corps sans fantôme je sais la fin, il dit noyade, suicide, repêché l'autre jour par un bateau, arraché au ventre de ta mère, tel une sirène profanée par le marin. Mon petit fiancé, je tombe d'amour et toi de sommeil, nous nous quitterons bientôt. Je veille. Ton beau séant ouvert, tes yeux clos s'écrasent en dedans. L'étreinte se desserre, l'entente se détériore, il est temps de se taire. Je te ramène à l'oubli, aux fleurs éternellement laides. J'enterre le souvenir, mes yeux sont mouillés.

jeudi 27 janvier 2011

La maison du bonheur

Quand tu m'as quitté, sans raisons, tu m'as fait comprendre inconsciemment que tu préférais la solitude à moi même. Une autre fille j'aurais pu admettre qu'elle fut meilleure, mieux faite que moi, mais la solitude? Pour moi qui ne la connaissais que de loin, c'était le vide, c'était tout ce que chacun sur terre fuyait. Je m'y suis alors aussi plongée, pour comprendre et puis parce que j'étais ce genre de personne qui calquait sa personnalité sur celle de ces autres qu'elle aime. Comme je l'avais imaginé la solitude était affreuse et douloureuse. Le manque de ta présence, puis plus tard de n'importe quelle présence, était insupportable. Je savais que la solitude n'était pas la même selon si on la choisissait ou si on la subissait. J'ai essayé de la choisir. Pensant à toi qui vivait au même instant les mêmes affres que moi. Ainsi, je me sentais proche de toi, je faisais des rêves où nous étions si intimes, qu'au réveil il me semblait que nous étions réconciliés, alors que nous ne nous étions jamais reparlé. Je ne sais pas si j'ai réussi à être vraiment seule, avec toutes ses pensées, physiquement, en tout cas, je l'étais. Je m'étais aussi inscrite, sous un faux nom, sur le Réseau et suivais tes mises à jour. J'achetais les même livres que toi, je les comprenais parfois mais en général ils restaient entassés sur la pile des livres à lire. Je regardais les même films que toi, avais les mêmes intérêts, opinions que toi. Avec toutes ces pièces en main j'essayais de te saisir, de t'assimiler et surtout de comprendre enfin ce qu'il y avait dans la solitude, dans ta solitude, pour avoir effacé mon existence.
Finalement, au bout de quelques années, j'ai déchiffré tout les livres et aimé ces films compliqués, j'avais une solide culture et je pensais. Comme j'ignorais souvent quel était ton avis sur ça ou ça (le Réseau ne disait pas tout), je réfléchissais par moi même, certes en imaginant ce que toi tu aurais répondu mais le raisonnement était comme le mien. Oui, j'étais devenue une personne plus complexe, intelligente, lettrée et parfois même, j'avais les idées noires, je me désespérais du monde, puisque cela allait apparemment de paire. Naturellement si, au début, j'avais fait tout ça par amour, tu étais devenu, avec le temps et la réflexion, un simple compagnon virtuel, une figure abstraite qui, de ce fait, contentait tout les désirs et besoins sociaux qui me restaient. Et puis c'est à peu près à ce moment là que sur le Réseau tu t'es mis "en couple". Cela m'a fait un choc, nous avions pourtant une telle aversion du couple, une telle peine. Mon opinion n'avait pas changée. Sur ta photo vous êtes apparus à deux. Puis trois. Tes livres, tes films, tes intérêts, tes opinions n'étaient plus que "familiales", aseptisés. Tu avais donc choisi et préféré "ça" à la solitude que tu avais déjà préféré à moi? Cette femme je l'ai détesté, cette femme souriante, un peu bête et simple, douce, drôle, chaleureuse. Je me souvins alors que je n'étais pas si différente d'elle avant. Pendant deux ans nous avions été heureux, nous avions vécu à et pour deux, nous avions atteint cette possibilité de nous oublier nous même, d'oublier nos défauts et notre douleur, pour laisser ainsi à l'autre la responsabilité de notre bonheur. Aussi deux êtres laids et inutiles formaient ensemble cette rassurante et merveilleuse "maison" où chacun s'enferme. Peut être avais tu ressenti alors la peur qui m'étreignait en y pensant, la peur de rester figé, la peur d'évoluer mal, la peur de ne plus rien faire de grand seul ou -même si c'est autre chose- celle de tout perdre. Je compris alors, je compris tout, je compris qui tu étais, à quoi tu avais aspiré, je le compris au moment même où cette personne cessa d'exister. Je fus comme vidée de toute raison et la solitude se planta de sa morsure la plus profonde, sans plus jamais me quitter.

lundi 8 novembre 2010

Et Paul et moi

Je me glisse sous les draps, éreinté par la journée. Je repense aux évènements point par point, minute par minute, comme si dans le noir, ils étaient plus clairs. Les formalités, les poignées de mains, les signatures, les messes basses, les adieux, les pleurs. Et puis mon esprit se déconcentre de cette décortication, l'image de Paul tapisse mon inconscient.
Ton visage apaisé est une claque qui me laisse le plus seul au monde. Je me remémore nos moments ensemble et une conversation me revient. C'était dans un café, un matin (toi qui ne parlais pourtant jamais les matins) tu étais, comme parfois, même avec moi, étrangement lointain. Tu écrasais sous ton doigt les grains de sucres solitaires. Je m'étais lancé:
"Paul, tu sembles si seul, si triste, mais qui t'a donc fait tant souffrir?" (Silence, il lève la tête.)
"Le temps qui passe." (Nouveau silence, puis il reprend:)

samedi 11 septembre 2010

Le procès

J'ai retrouvé d'anciennes nouvelles et j'ai décidé de les republier ici pour avoir des avis, car au fond secrètement j'aimerais faire une publication papier de nouvelles.

"Vous êtes coupable d'avoir proféré des cochonneries. Lard, truie, jarret, jambon, saucisse, boudin. La parole est à la défonce.
- Il se trouve mon saigneur que je suis végéta-rien. Que, bien que j'ai caché un cochon sous mon évier, ce n'était que pour qu'il puisse avaler les restes de mon repas. Et si je me suis pris pour une truie, c'est parce que le pauvre avait oublié comment c'était une femme cochon, à rester enfermé comme ça. Ce n'est pas ma faute si ma voisine est entrée, sans toquer, au moment où j'étais nu, criant "truie truie trucidé ça fera du bon patté".
L'affaire est réglée, on me libère, mais on ne me rend pas mon cochon. C'est bientôt midi, il semble logique que sa place ne soit plus avec moi. Je sors et vais voir la mer. Elle s'est faite belle pour moi, elle s'est fait pousser des bateaux un peu partout dans ses creux. Je me jetterais bien à elle. Mais c'est écrit de ne rien jeter. J'ai les yeux qui ramollissent à cause du seul. Je lui dis au revoir, elle se fracasse. Moi aussi. Je rentre. Ma femme est sur le canapé. La même position que tout à l'heure. Je lui parle du cochon, elle ne crie pas. Je lui demande si elle n'en a pas assez de rester comme ça, et je crois que non. Elle est sûrement fâchée parce que je ne l'ai plus embrassée depuis longtemps. Mais ses lèvres en pomme ridée me repoussent. Elles me rappellent les miennes, mes mains, mes pieds, mon pénis. Y a un élastique qui a craqué quelque part et la peau c'est affalée dans tout les coins. Tout ce gras qui pend. Pan! J'ai fait semblant de l'oublier pendant longtemps. Mais quand je voyais ces jeunes filles en bas de la rue, fraîches, lisses, je la détestais. Oui, je suis allé chanter pour les croiser, je chantais "la mer" de Trenet, avec mes tatouages de vieux marin amer, elles s'extasiaient. Je ne bandais pas quand elles me laissaient les caresser mais j'oubliais que le temps avait passé. Je me souvenais de ma femme avant, comme je l'aimais, comme c'était bon d'être simplement là, à ses côtés. Quand je rentrais, ma joie retrouvée se brisait sur son sourire tordu, ses "où étais tu". Sa bouche grimaçait, ses bras se secouaient, la peau vide partait dans tout les sens. Je voulais qu'elle se taise. Je voulais qu'elle ait aussi mal que moi. Qu'elle n'oublie pas, que la vie ne peut être rattrapée, que malgré qu'il n'y ai plus rien a faire, on continue quand même de respirer, que l'horloge continue d'avancer, que ses aiguilles se plantent dans nos yeux et que le monde s'en fout et s'enfuit. Je voulais qu'on ait peur ensemble, comme avant. Mais plus voir nos cadavres de peau faire semblant d'aimer le soleil, d'aimer les autres, juste parce qu'on refuse de ne plus exister.
J'ai rêvé, j'ouvre les yeux, je suis encore au tribunal. Plusieurs hommes m'emmènent sur une chaise reliée à plein de fils. Je pose des questions sans cesse, excédé l'un d'eux me répond "Vous avec tué votre femme, vous l'avez étranglée sur le canapé en hurlant des noms de vi(an)de, vous êtes devenu fou. Maintenant vous devez expier votre faute". Je comprends alors et je ris.


L'écume des soirs - 2007

Le réparacoeur

Un vieux vieux

Avez-vous déjà eu le cœur brisé ? … La réponse ne m’étonne pas. Pourtant vous avez guéris et vous savez de nouveau comment l’on souri. Et si ce n’est pas encore le cas cela viendra, il n’y a pas à en douter. Mais savez vous que la plupart du temps, votre cœur a été pris en charge par un réparacœur ? Ne riez pas, on a tous besoin d’être réparé un jour ou l’autre.
Imaginez, des petits hommes, aussi haut que votre main. Leur boite à outils d’une main, leur chapeau de l’autre. Des yeux doux et malicieux. Voilà. C’est un réparacoeur. Mais vous savez, les réparacoeurs, c'est rare. Parce que c'est un métier bien dur. Réparer un cœur c'est un peu comme réparer une horloge mais en beaucoup plus compliqué. Il faut trouver les bons morceaux qui s'assemblent ensemble et si, par malheur, on se trompe, on doit tout recommencer.
Imaginez, après des heures de travail, à recoller ça et là, à bricoler, à rapiécer, à assembler, voilà que, Oh malheur! Vous avez mis le souvenir d’un ancien amour juste à côté du souvenir de ce qu'elle a mangé à midi, bah là paf non seulement il y a risque d'indigestion, mais en plus, badaboum, le coeur (re)explose en miettes! Tout ce travail acharné, toute cette reconstruction pour rien. Juste à cause d'un souvenir.Il faut donc être très soigneux et surtout patient! Parce que parfois c'est long. Il y a tellement de petits morceaux éparpillés dans la cage thoracique qu'il ne faut pas en oublier un seul et après il faut tout recoudre à la main, et ça picote, parfois on peut entendre la personne faire des "aie aie" ou bien alors déverser une grande quantité d'eau (n'oubliez pas votre parapluie!).
Des fois il faut des années. Certains réparacoeurs abandonnent mais dans ce cas ce n'étaient pas des vrais, au pire même, ils n'étaient là que pour faire mumuse, parce que c'est marrant de voir l'humain se tordre de douleur quand on serre bien fort les morceaux de coeur... Ça arrive plus souvent qu'on ne le croie, mais ne vous inquiétez pas, ils sont sévèrement punis. Et puis maintenant il y a beaucoup de contrôles! C'est quand même dommage que ce métier soit souillé par quelques imbéciles...! Parce qu'en vrai un réparacœur, c'est merveilleux. Ça ne demande rien en échange. Voir un coeur battre lui suffit. Il sait que c'est précieux. Il aime les faire rire un peu et les chatouiller quand il passe la colle sur les bords. Il aime le son différent de chaque coeur. Il apprécie les forts, s'attendrie devant ceux qui tambourinent à chaque émotion et aime protéger ceux qui peine à avancer. Ces mains sont douces et habiles. Avoir le coeur caressé par un réparacœur est une sensation fabuleuse. On a l'impression que notre coeur est le plus précieux au monde.Mais pour le réparacœur il l'est.
Parfois, quand il s'éprend d'un coeur, il reste avec lui toute la vie. Il se réveille et s'endort en l'écoutant battre. Il guette tous cognements anormaux et lui dit des mots d'amour à chaque fois que le coeur se sent rabougri. Avoir un réparacœur est une chose merveilleuse et unique.
Cela me peine parfois. Pour eux, quand ils quittent un coeur. Mais aussi quand je vois un coeur qui souffre et un réparacœur qui tarde à venir. J'aimerais tant qu'ils soient tous heureux. Tous ces cœurs malmenés.


Le réparacoeur - 2007

Le chien

Ce matin je me suis souvenu du chien que mon père avait enterré au fond du jardin, il y a vingt ans. Je m'en suis souvenu aujourd'hui précisément car, dans la rue, se promenait presque le même chien, gros, le poil noir, des yeux brillants qui te regardent, perçants, comme s'il savait, comme s'il savait qui on était. Il s'est planté là, devant moi et j'ai eu peur, sans savoir pourquoi. Son maître, un vieux hirsute l'a appelé, mais le chien est venu me renifler. Je n'osais plus bouger, plus parler, plus penser. J'attendais que quelque chose arrive. Mais finalement il m'a léché la main et est reparti, traînant la patte, boitant presque. Et c'est là que je me suis souvenu. Vingt ans en arrière. J'étais encore petit et mes parents étaient encore là, dans cette maison près des bois. Une fin d'après midi, je jouais dans le jardin et ce chien était apparu devant moi, si noir entre les branches. Il était resté planté là, à me scruter. J'ai appelé mon père mais le chien avait disparu à son arrivé. Pourtant, mon père m'interdit alors de sortir dans le jardin tout seul. Bien sûr, je lui désobéis quelques fois, j'aimais être dehors, là tout petit, à regarder le ciel sans rien pour arrêter mon regard et mes pensées. Le chien était toujours là, à m'observer, dans son coin. Au bout d'un moment ça ne m'embêta plus. C'était même rassurant. Et au fond, je me disais que s'il voulait me dévorer ce n'était pas bien grave. Un soir tout de même, à force de penser à cette grosse bête poilue (je n'étais plus certain que ce fut un chien) ma curiosité prit le dessus, quitte à le faire fuir. Je me suis alors approché de lui. Peut être pour le toucher. Peut être pour voir si la tentation de me dévorer serait alors trop grande. Il s'est approché lui aussi lentement. J'ai tendu le bras et juste avant de pouvoir le frôler, mon père est sorti en hurlant, ramassant une bûche de notre tas de bois, "Éloignes toi, cria t-il, tu ne le prendras pas cette fois!". La bête a montré les crocs et a commencé à reculer. Ma mère est sortie à son tour en pleurant, trébuchant sur le sol. Mon père a frappé la tête noire. Un cri déchirant le ciel, puis plus rien. Mon père s'est laissé tomber sur la bête en sanglotant. Ma mère m'a ramené à l'intérieur. "Oublies ce que tu as vu, n'en parles jamais, tu m'entends Pierre, jamais". Par la fenêtre j'ai vu mon père prendre la pelle, creuser un trou et enterrer le chien avec la bûche. On a déménagé quelques temps après, je me souviens que mes parents tombaient sans cesse malade. J'ai essayé de me rappeler encore mais tout semblait m'échapper une nouvelle fois. J'ai cherché le chien dans la rue pour continuer à me souvenir, mais lui et son maître avait disparu.

Sans titre - 2010

Vincent

basé sur le mythe des Tulpas

En début d'année, on a du me transplanter un nouveau cœur. J'avais longtemps espéré ne pas en arriver là, imaginer avoir à l'intérieur de moi, le cœur d'une personne qui était morte malgré lui, me terrorisait, mais je n'eus pas le choix.
Bien que je me sois remise et que je ne pouvais qu'aller bien, de drôles de pensées m'assaillirent. J'imaginais à quel genre de personne mon nouveau cœur avait pu appartenir. Un homme, j'en étais persuadée, je l'imaginais avoir de longs cheveux et être mort dans un accident de moto. Je l'appelais Vincent. Au début, je ressentais nettement la différence entre mon cœur et celui du présumé Vincent, ou peut être que j'imaginais ça aussi, que les cœurs étaient tous pareil, pourtant il me semblait que le bruit était différent. Quand je me mettais sous les couettes avec mon stéthoscope, je m'amusais à l'écouter, c'était un peu comme s'il me parlait. Alors je racontais à Vincent ma journée au bureau, ma solitude et les appels incessants de ma mère. Je trouvais ça merveilleux finalement. Une nouvelle chance, une nouvelle vie, un autre cœur. Et puis, ma mère est morte. Pour elle, pas de renouveau. Juste la fin. J'ai passé des nuits à pleurer, à étouffer. Ce fut un de ces soirs là qu'il est apparu pour la première fois, du moins que j'ai ressenti sa présence. Une ombre au coin de la pièce qui restait plantée là. Je me suis concentrée, mais ça avait alors disparu. Le soir d'après, l'ombre est réapparu, j'ai cru discerner cette fois de longs cheveux et ça s'est dissipé de nouveau. J'ai pensé un moment que cela pouvait être le fantôme de ma mère, mais jamais elle n'avait eu les cheveux longs. Quelques jours plus tard, alors que je me démaquillais dans la salle de bain, j'ai entendu des bruits dans ma chambre. Des cognements. Mon cœur s'est serré. Il y avait un homme assis sur mon lit, regardant le sol. "Qui êtes vous?" Il avait alors levé ses yeux brillants "Eh bien c'est moi Pauline, c'est moi, Vincent." Je me suis pétrifiée. Était-ce Vincent, le Vincent de mon cœur, avais-je eu raison sur son identité, était ce son fantôme? Je me suis approchée pour le toucher m'attendant à saisir un vide glacé mais ce fut sur un corps bien réel que mes doigts s'arrêtèrent. "Il ne faut pas que tu ais peur Pauline, il ne faut plus, je suis là pour toi." Et j'ai ressenti un bonheur immense. Je ne comprenais pas vraiment comment et pourquoi il était là, mais je ne voulais pas savoir, je souhaitais juste qu'il reste là à me tenir la main et à écouter notre cœur, pour toujours. Toutes les nuits, quand je rentrais, il était là, il disait les mots que je voulais entendre, comme s'il était dans ma tête, un bonheur comme ça, j'osais à peine y croire. Étrangement beaucoup d'autres choses se sont arrangées en dehors, et je me suis fait une amie au travail. Je passais beaucoup de temps avec elle, car je trouvais ça fabuleux qu'une autre personne puisse apprécier ma compagnie. A son contact, j'ai eu l'impression de commencer à me connaitre, à vivre par moi même. C'est à partir de là que Vincent a commencé à changer. Il devenait taciturne, avait perdu beaucoup de poids. Ses yeux n'étaient plus aussi doux. Et moi de mon côté j'étais de plus en plus faible. Parfois je ne voulais pas rentrer chez moi le voir et entendre sa voix grinçante. Une nuit je me suis réveillée en sursaut car mon cœur s'était serré brutalement, et il était là, planté au milieu de la pièce, la poitrine ensanglantée. "Regardes ce que tu as fait" Du sang avait alors giclé un peu partout sur les murs, il semblait se métamorphoser. "Arrêtes! Arrêtes ça!" "Tu perds le contrôle ma chère Pauline, bientôt tu n'y pourras plus rien". J'ai fermé les yeux, il fallait qu'il arrête, j'ai supplié mon cœur, j'ai imaginé Vincent enfermé dans une boite. J'entendais des tas de bruits atroces mais je devais rester concentrée, il fallait que j'imagine la boite se remplir de vide encore et encore. Vincent n'avait jamais existé.


Mr Ombre - 2007

jeudi 29 juillet 2010

Fin du voyage

PERTE D'ESPRIT
Auriez-vous vu mon esprit? Je l'ai perdu le 16 juillet sur la plage. Le soleil se couchait sur l'eau, rougissant d'une telle intimité et moi je pourchassais la mer qui fuyait sous mes yeux, comme toutes les autres.

PERTE D'UN ÊTRE AIME
Hier je me suis perdu dans la rue, j'ai eu peur de ne pas me retrouver dans cette foule qui piétinait d'autres égarés.

PERTE DE POIDS
Je suis poussière. La poussière du haut du meuble, celle qu'on ne voit pas mais qui s'entasse.

PERTE DE TEMPS
Hier j'avais cent ans. Aujourd'hui c'est vain. Je fais sans.

PERTE DE SANG
J'ai été trop curieux j'ai voulu voir sous ma peau.

PERTE DE MEMOIRE
Je en sias puls ercrie;




Manchester:
Une femme avec un bras de poule.
Son mari lui n'a plus jambes.
Quand on dit que les couples se complètent,
c'est bien vrai.



Fendrelevent. Raserlechampsdemachèreettendre. Fendrelevidepartonchant. Etendremoncorpssurlesol,mouvantsouslescoupsdepoings. Seulpointd'attache,tesbrasetlesbarreaux. Etreindrecetteserpillèrepuantequimerestedefemme. Eteindrelesflammesaveclalance. Tusensleventduborddemer. Tonviderempli,chanteencorevieillesirène. Jem'écrasecontretonrocher-sourire, lavelesolaveclaserpillère,brasseetsifflelamousse. Je-fends-le-vent. Jedoisfuirleplusloinpossibledecetrou. Perdu.







Mon appareil photo à été volé pendant la tournée, plus de photo pour le moment. Avec dépit.

samedi 22 mai 2010

La visite


Maria s'étendit sur le lit et observa au plafond l'ombre des objets formée par la bougie, Tchaikovsky raisonnant en fond. Soudain la bougie s'éteignit ne laissant que la lumière de la lune, filtrée par les rideaux, comme éclairage. Maria se demanda vaguement comment, mais elle sombrait déjà dans le sommeil. Puis, alors qu'elle allait s'endormir totalement, tout son corps se crispa, elle s'éveilla et s'assit sur son lit prise d'une étrange angoisse. La musique de fond tournait en boucle, le disque avait déraillé et ne sortait plus qu'une note stridente infiniment répétée. Un homme se tenait sur le fauteuil tantôt vide. Maria chercha à tâtons l'interrupteur de la lampe essayant en même temps de donner une raison logique à cette forme sur le fauteuil. Peut être un tas de vêtements, un chapeau qu'elle avait oublié ou... La lumière jaillit et Maria fut surprise de voir les traits d'un homme bien réel à la place de l'ombre. Elle fut toute aussi surprise de ne pas avoir peur. Elle sembla le reconnaitre, l'homme avait des traits familiers ou plutôt si anodins qu'ils semblaient familiers, ce sentiment la rassura étrangement. L'homme se leva souriant, alluma une cigarette et observa les tableaux aux murs puis les objets sur les étagères avec un certain amusement, s'ensuivit ce dialogue:
"Je suis toujours assez fasciné quand je regarde l'intérieur des gens, je veux dire leur appartement, leur maison, leur chambre. Qu'il soit vide ou encombré il révèle toujours une partie de la vie de son propriétaire. Vous vous avez beaucoup de photos. Il me semble que vous n'aimez pas vieillir.
-Qui...
-Qui suis je? Voyons est-ce vraiment une question à poser. Ce n'est pas la première fois que nous nous voyons. J'ai quelque peu changé, je l'avoue. Vous par contre (il la dévisagea de haut en bas, son regard semblait si perçant qu'elle se senti mise à nue) vous êtes toujours aussi belle.
-Pourquoi êtes vous ici?
-Encore une question inutile Maria. (il s'approcha et s'assit lui aussi sur le lit) Vous ne posez pas les bonnes questions. Ce n'est pas pour votre peau que je suis là, enfin (il ria) oui et non, vous m'avez compris. (il effleura son bras et remonta jusqu'à sa joue) tu es douce ma petite fille. (il se releva soudain comme s'il avait été électrifié) Quel âge avez vous depuis tout ce temps, dix, cent ans? Enfin remarque ce n'est pas très important... Tu ne dis rien?
-J'ai peur.
-Ne t'en fais pas, expire doucement. Ça ira. Tu n'as rien de prévu demain j'espère.
-J'ai d'autres projets, Faust.
-Faust? C'est comme ça que tu m'appelles maintenant? Mais demain nous devons nous voir.
Maria se mit à pleurer.
-Je te dis que j'ai d'autres projets, en fait j'en ai même plein, je ne veux pas que tu rentres dans ma vie ni ce soir ni demain ni dans dix ans.
-Peux tu m'en empêcher? Tu ne peux pas me tuer.
-Tu es injuste, j'ai trop de peine, je t'en pris ne viens pas tout gâcher. J'ai un fiancé maintenant tu sais, tout se passe très bien entre nous, je me suis enfin remise de l'amour dont tu m'as privé jadis.
-Et tu sais que j'en suis désolé et je suis heureux que tu ais pu trouver quelqu'un d'autre à aimer. Mais aujourd'hui je ne peux te laisser me filer entre les doigts encore une fois, tu as vécu trop de temps loin de moi, tu n'aurais pas du m'oublier, tu n'aurais pas du tenter de te cacher de moi. Je te désire si fort. Je voudrais te prendre, t'embrasser, cueillir cette fleur, que tu succombes à mon amour, que tu me donnes bien plus qu'à ton stupide fiancé. Je voudrais posséder de toi jusqu'à ta vie.
Maria se jeta à ses pieds.
-Par pitié, laisse moi, laisse moi profiter encore un peu de cette nouvelle vie. Il est vrai que je t'ai, moi aussi, longtemps désiré, quand Faust est parti j'ai cru mourir. Je t'ai appelé sans arrêt, t'aimant et te détestant à la fois. Pourquoi m'avais tu fait tant de mal, pourquoi avais tu emporté avec toi mon amour. Mais petit à petit j'ai oublié. Parce que de toute façon pour ne pas devenir folle il fallait oublier, m'éloigner de toi, de ton contact, oublier mon désir de ne faire qu'un avec toi. J'ai rencontré Henry qui m'a aidé à me guérir. Et maintenant je veux être sa femme. Ne lui inflige pas la peine que j'ai vécu.
-Tu ne veux pas revoir ton Faust? Tu ne veux pas le toucher à nouveau?
-Oh... Il me manque chaque seconde. Mais... Laisse moi en paix.
-Maria enfin, on ne m'échappe pas. Y as tu cru un instant? Ce soir je suis venu pour toi. Il est trop tard, regarde ton corps sur le lit, il est déjà tombé.
Maria, les larmes aux yeux, se vit inerte et vieille sur le lit. La pauvre pensa t-elle, soudain plus sereine. Elle se tourna vers "Faust" qui l'invita à le suivre dans l'ombre. Elle hésita un instant mais l'attirance qu'elle avait pour lui l'emporta. Elle l'aimait trop pour le fuir. Ils disparurent tout deux dans la nuit. La musique reprit alors sa chevauché endiablée. Piano, violent. Mais tout se finit par un soupir.

mardi 5 janvier 2010

Le prince qui s'aimait

Il était une fois un prince qui se morfondait de n'être aimé de personne. Ses parents étaient plus intéressé par la guerre ou le royaume et l'avait fait élevé par une nourrice très sévère. Seul au château, il ne s'était jamais fait d'ami, il ne savait pas ce qu'était ne serait ce qu'un jeux ou une accolade amicale. Il ne savait pas non plus ce qu'était un baiser, d'une mère ou d'une femme, quelle sensation cela procurait. Il apprit tout cela dans les livres ou en observant les autres. Et peu à peu il sentit en lui, sans le reconnaitre, le sentiment que l'on nomme envie. Une envie mêlée de désespoir.
Un jour le roi commanda des tableaux pour lui et sa femme. Le peintre voyant le prince dans un coin proposa au roi de le faire poser avec le couple royal, le roi ne fut pas contre. Le tableau une fois terminé siégea au milieu de la salle du trône. Le prince en découvrant la toile fut très surpris, il reconnu bien sur ses parents qu'il voyait souvent, mais eu du mal à se reconnaitre au milieu d'eux, surtout avec ce sourire et cette allure fière. Il se dit que l'étrange sensation qu'il ressenti alors au fond de son coeur venait du fait de se voir entouré de ses parents.
Tout les jours le prince passait devant le tableau et même s'il savait que c'était lui même il lui semblait que c'était un autre et il ne pouvait s'empêcher de l'admirer. Cette personne sur le tableau était beau, il était aussi aimé de ses parents. Cette personne avait surement un coeur normal et il aimait et était aimé en retour. Petit à petit le prince assimila que cette personne c'était lui. Alors sa vision de ce qui l'entourait changea, il fit mettre un grand miroir dans sa chambre et alors qu'avant il passait ses journées seul maintenant il pouvait voir quelqu'un vivre dans cette pièce et pouvait lui parler.
Le prince grandit et devint un très bel homme, cela attira les femmes mais aucune n'était intéressante pour lui. Elles n'étaient bonnes qu'à jacasser, à vouloir son argent, à admirer sa beauté (chose qu'il ne comprenait croyant être le seul à l'avoir remarqué). Un jour une femme qui l'avait observé depuis toujours et l'avait aimé depuis au moins aussi longtemps, tenta de l'approcher, c'était une gentille fille, très douce, très attentionné, le prince fut inexplicablement attiré par elle. Pourtant elle le quitta au bout de quelques temps, clairvoyante elle lui dit, qu'il pouvait se morfondre de n'être aimé par quiconque mais que c'était ainsi car jamais personne ne serait à la hauteur de ce qu'il attendait. Se sentant abandonné et trahi le prince retourna à sa solitude, serait-il à jamais seul, lui qui avait traversé tant d'épreuve et qui pourtant était devenu quelqu'un d'intelligent, de beau, de cultivé. Toutes ces qualités ne servaient donc à rien face à l'amour? La vie lui parut fort injuste et il comprit qu'il ne pouvait compter que sur lui même. Une fois de plus il alla voir le tableau et ce jeune homme qui n'avait pas vieilli. Finalement, en comparant ce qu'il avait éprouvé pour la jeune femme, le prince compris qu'il ne ressentirait jamais pour quelqu'un d'autre cette étrange impression qui lui serrait le coeur quand il contemplait son portrait ni cette tranquillité quand il était seul avec lui même. Peu à peu le prince s'avoua son amour. Devant l'horreur de ce sentiment et la honte que cela engendrait il mit fin à ses jours. Le tableau, seul témoin du drame perdit alors son sourire.


visage complètement retouché, puis imprimé, peint et enfin scanné

mercredi 21 octobre 2009

Les poux

Les ennuis sont arrivés quand, je ne sais comment, j'ai attrapé des poux. J'ai commencé à me gratter horriblement, trouvant de la poudre noire sous mes ongles, je pensais naïvement que c'était le stress qui me causait des crises. Et puis un soir dans mon lit, j'ai senti une petite boule sous mes doigts, j'ai allumé pour voir ce que c'était et j'ai découvert une immonde petite bête qui gigotait. Prise de panique j'ai allumé l'ordinateur pour chercher des images de poux. C'était bien ça. Plus de doute j'étais infestée de poux. J'ai alors passé une nuit atroce, attendant impatiemment le matin pour aller chercher un anti-poux à la pharmacie. Cela me répugnait d'imaginer plein de ces petites bêtes grouiller sur ma tête. Une fois le produit acheté, j'ai annulé tout mes rendez-vous et j'ai passé deux heures dans la salle de bain à enlever tout ça, dégoutée de voir le nombre de poux qu'il y avait. Trois jours plus tard je continuais à me gratter et j'ai du refaire un soin car certains avaient survécu, mais après ça j'ai vraiment cru en être débarrassée. J'avais quand même un peu peur et je passais des heures à passer le peigne fin au cas où et à laver et relaver les draps et puis finalement cette folie s'est calmée, je me suis fait à l'idée que c'était fini. J'ai pu redormir plus de trois heures par nuit et revoir mes amis sereinement. Seulement ce soir j'ai fait une horrible découverte, j'avais quelques pellicules et je me suis dit que le peigne serait parfait pour les enlever ni vu ni connu, et là j'ai vu sur les dents un de ces parasites, bien gros, bien rouge. Des lentes avaient du rester et éclore. Je me suis empressée de passer le reste de ma chevelure au peigne fin, complètement écoeurée et terrifiée, les démangeaisons revenant de seconde en seconde. J'en ai trouvé des dizaines, fatiguée de tout ça je me suis mise à pleurer, m'arrachant de grosses mèches en passant le peigne dans mes cheveux plein de noeuds. Je ne pouvais pas supporter l'idée qu'ils étaient encore là, qu'ils ne partiraient pas, qu'ils devaient être vraiment très résistants pour survivre même après deux soins soit disant 100% efficace. Impossible de dormir et de toute façon ça grattait trop. Et puis qui me disait qu'il n'y en avait pas qui avaient glissé sur mes vêtements ou sur mon corps? Finalement j'ai tout rasé, mes beaux cheveux que j'avais laissé pousser si longtemps. Et je me suis dit qu'il fallait, pour être sure, m'épiler intégralement. Les bras, le ventre, le sexe surtout et les sourcils aussi, m'écorchant au passage. Le corps rouge, je me suis soudain souvenue de ces histoires folles ou des gens avaient des oeufs à l'intérieur de leurs têtes. Peut être les poux avaient-ils fait de même, les produits les avaient fait muter et ils avaient trouvé cette solution pour survivre. Alors voilà je me suis mise à m'enlever la peau et après je sais qu'il faudra bruler tout les draps et les vêtements, pour en être enfin débarrasser complètement.

mercredi 16 septembre 2009

A wolf among the lions.

Louise part le matin au travail à 8h moins le quart précisément, elle ferme sa porte à double tour, marche cent mètres pour prendre le bus 51 et arrive au 8, rue Degrey avec, chaque fois, cinq minutes de retard, ce qui l'embête beaucoup, mais elle regagne toujours ces cinq minutes en montant par l'escalier, les huit étages à toute vitesse, pendant que l'ascenseur, lui, s'arrête à tout les étages.
Son travail au huitième étage du 8, rue Degrey est rébarbatif et ennuyeux mais c'est, comme elle dit "une bonne planque". Elle possède son bureau, n'a à parler à personne et gère son temps comme il lui plait. Et puis surtout, elle a la plus belle vue de tout l'immeuble: le ciel. Finalement, le ciel c'est tout ce qui changeait, chaque jour, jamais un nuage pareil et des teintes différentes, parfois complètement folles. De son étage c'est tout ce qui semblait beau. Cet immeuble, comme les autres, avait cet aspect sale, qui ne s'arrêtait pas qu'à la façade. Tout était en fer, froid et sec, le sol était recouvert d'une moquette grise, devenue noire là où les gens marchaient le plus souvent. Là où Louise travaillait le gris était presque celui d'origine. Elle en était fière. Outre les lieux, les meubles, les vitres crasseuses et la monotonie des couloirs, les gens qui y travaillaient étaient tout aussi ternes. Louise ne voulait pas penser qu'ils étaient laids, car Louise n'aimait pas les jugements de valeur, mais les faits étaient là: ils se ressemblaient tous pour elle. Des pantalons gris, des chemises sans formes, des tailleurs sinistres, s'il y avait parfois de la couleur, elle paraissait vulgaire. Des gens comme vous en croisez partout dans les rues, remplis de surcroit, de sentiments humains totalement terre à terre. Banal. Les hommes lorgnaient sur les femmes, les femmes lorgnaient sur les hommes et papotaient derrière leurs dos. Et puis l'argent et les sorties. Très inintéressant. Commun. Louise, elle, était quelqu'un de très exigeant, bien sûr, au travail elle rendait toujours des dossiers impeccables, mais ce trait de caractère se retrouvait partout chez elle. Louise n'aimait pas grand chose. Elle ne dépensait jamais de folles sommes en shopping car jamais une robe ou un manteau ne la satisfaisait parfaitement. Elle ne flirtait pas avec les hommes, car, non seulement ça ne l'intéressait pas, mais c'était toujours très décevant. Mais si Louise peut sembler froide, il n'en est rien, car même si elle ne trouve jamais quelque chose ou quelqu'un qui la comble totalement, elle ne les dénigre pas pour autant, elle accepte les gens tel qu'ils sont et tout le monde l'aime beaucoup. Mais il est vrai que personne ne l'aime tout court. Et si quelqu'un essaye, les exigences de Louise et ce qu'elle attend des autres semble si haut, qu'il abandonne. Dans la tête de Louise tout est comme un film, tout semble prédestiné, il n'y a pas de règle du jeu, c'est comme un ciel, avec des nuages tout les jours différents. Pour chaque homme qu'elle rencontre elle imagine que c'est "lui", elle croit qu'il sera enfin différent, sans mensonges et sans doutes, qu'il aura des collections bizarres d'animaux, qu'il lui laissera des post it mystérieux entre les pages de ses livres, qu'il l'emmènera dans les bois pour voir le soleil se lever blottie dans sa veste en cuir, qu'ils danseront sous la pluie car on s'en fout d'être mouillé, ça sèche finalement, qu'ils parleront toute la nuit sur des sujets à priori banal avec force d'arguments et d'envolées lyriques, en oubliant qu'il faut dormir avant que le soleil ne se lève, elle croit aussi que si elle le regarde dans les yeux elle saura lui transmettre tout ce qu'elle ressent et qu'ils n'auront pas besoin de parler pour se comprendre. Oui, Louise croit à des milliers de choses qu'elle s'est tissé contre la réalité. A des choses si belles qu'elle ne les retrouve pas en ouvrant les yeux. Tout semble trop terne et restreint pour son imagination. Et tout ces gens dehors qui n'aspirent à rien, qui expire pour rien. Ils ne lèvent jamais la tête vers elle quand elle les observe par la fenêtre. Ils sont si loin d'elle, comme si elle était un loup parmi les lions. Une ville rempli de lions, faite et pensée pour les lions et non pour un loup.
Louise sort de son travail à 20h précisément, marche cent mètres et prend le bus 51, laissant derrière elle la meute d'hommes et de femmes qui rient le plus fort possible. Elle rentre en regardant défiler le paysage derrière les grandes vitres du bus 51. Parfois un léger détail attire son attention, quelque chose qui n'était pas là avant, quelque chose d'insolite, le regard d'un homme fatigué, la couleur du ciel ce soir, les branches qui remuent et font sur les visages tristes des ombres qui les rendent beaux. Louise alors sourit. Louise est heureuse ainsi.

dimanche 26 juillet 2009

Le poids de l'amour

Roger rentre sans un bruit. Lourd silence. Roger est plus petit qu'il y a deux minutes. Il interpelle Nina lisant sur le lit.
- J'ai froid. Je rentre et pourtant j'ai froid. J'ai affreusement froid à l'intérieur, pourtant dehors la nuit est chaude. Si chaude que les hommes en rougissent.
Nina le regarde du coin de l'œil, continuant à lire.
- On ne dirait pas que tu as froid, tu sembles comme d'habitude.
- Ah mais que tu es bête parfois! Le froid ça ne se voit pas, ça se sent. Ça se sent mais tu n'es pas moi alors tu ne sais pas, tu ne sais rien, tu es bête et pourtant j'ai froid. Je tremble et j'ai mal. Et regarde toi, tu t'en fous, tu ne m'écoutes pas! Je te dis que j'ai froid et tu restes là plantée avec ton livre. Tu ne me demandes même pas si ça va, si c'est grave.
- Mais je sais que ce n'est pas grave mon chéri. Tu as du prendre un courant d'air, regarde s'il n'est pas resté accroché au bouton de ta veste. Voilà tout.
- Ah c'est bien toi ça! Tout prendre à la légère. Tu t'en fous c'est tout, tu peux le dire. Je te connais. Je sais. Tu ne m'aimes pas, d'ailleurs. S'il n'y avait pas une porte à cette maison tu serais déjà parti.
Nina lâchant son livre des yeux, se met à rire.
- Mais enfin Roger que t'arrive t'il?
- Je te l'ai dit, j'ai froid. Je me sens de plus en plus mal. Je sens mes os se tasser. J'ai l'impression qu'on m'écrase et ça me pèse. Et toi, tu t'en fous.
Il pleure, Nina se lève et le prend par les épaules, elle est plus grande que lui et le soulève presque.
- Mon chéri, mon chéri, je suis désolé. Je ne m'en fous pas. Je pensais que tu te moquais de moi. Ça va?
- Ça va un peu mieux, tu peux me lâcher (il tombe). Mais enfin Nina, tu ne peux pas faire attention? Tu veux me tuer? Mais oui j'en suis sure! Tu aimes un autre homme, ou plusieurs même, et tu veux te débarrasser de moi pour avoir la clef de la maison et partir les voir!
- Mais enfin non!
- C'est sûrement ta faute si j'ai froid, d'ailleurs. C'est sûrement ta faute si j'ai mal. Je souffre. Je souffre parceque. Toi tu sais. Tu ne t'occupes jamais de moi. Tu ne me remarques pas. Tu es là et ailleurs à la fois. Tu as pourtant tout ici. Je t'apporte à manger, à lire, je te fais l'amour une fois par semaine. Ça ne te suffit pas.
Elle se baisse et pose la tête de Roger sur ses cuisses nues, elles ont l'odeur des bois, il se recroqueville comme un enfant et laisse sa langue pendre.
- Roger, mon Roger (elle caresse ses cheveux en disant ça), tu es bon pour moi et voilà comment je te remercie, je suis si sotte. Mais j'avoue que parfois j'aimerais sortir, voir le monde.
- Je le savais (il le dit dans un souffle). Je savais qu'un jour. J'ai froid car j'ai peur. Mais j'ai aussi mal.
- Et pourquoi as tu mal?
- Parce que je t'aime.
- Ça passera.
Il la regarde mais tout est flou. Il fait maintenant la taille d'une main.
Plus tard, sans faire exprès, le confondant avec une guêpe elle l'écrasa avec son livre, celui sur lequel on peut lire "le poids de l'amour".

vendredi 3 juillet 2009

L'écume des soirs

Old text. New version.

Vous êtes toujours la plus belle. Le temps a passé mais vous n'avez pas changé. Vous êtes toujours la plus belle. Ce que je vous avais promis cette nuit là, vous en souvenez vous? Ma mémoire se craquelle par chaque bout, mais ça je n'ai pas oublié. Votre prénom je n'en suis plus sure. La couleur de vos cheveux ce n'était pas blanc mais? Combien de temps, quel âge, quelle ville ? Quelle planète? J'ai laissé ces détails s'estomper. Je n'en avais pas besoin. Mais je me souviens de votre odeur, des plis, des creux, de la cicatrice. De la texture de votre manteau et celle de votre peau, quand c'était doux et quand ça piquait. Le brouillard, la nuit. Le fantôme dans le lit. Le chat grattant à la porte, le sang, les cris et l’amour. Et puis, cette promesse qui m'a hanté chaque jour. Je n'ai jamais eu le courage de revenir. Pourtant j’y pensais tout le temps. Vous saviez comment rester ce souvenir éternel. Pas besoin de grandes choses vous disiez, pas besoin d'amis dans chaque rue, vous disiez. Il fallait juste marquer un esprit de temps en temps. Si fort. Si fort qu’au point que cette personne ne puisse plus dormir comme avant. Vous aviez réussi. Cette empreinte comme vos griffes que vous plantiez quand nous... Me laisser m'habituer à vos tendres attentions et puis de nouveau, sans prévenir, la morsure extrême. J'ai gardé mes plaies comme un trésor que je griffais pour qu'elles ne guérissent pas. Mais tout se referme. J'ai vécu. Comme vous. Les feuilles mortes. Le brouillard. La neige. Le soleil. Tant de fois. Je ne sais plus à quoi ça rime. Je sais juste que c'était long. Je sais juste que c’était très long. Trop long. Il y a peu j'ai rêvé de vous. Quelque chose en moi s'est fanée. L'espoir peut être. J'aurais du tenir ma promesse. J'aurais du revenir bien avant. Avant que cette merde de maladie ne vous terrasse. Ne vous embrasse. Ces tubes, ces larmes séchés autour de vous, ces bleus, ces gerçures, ça me fait mal. Pour moi vous restez cette douce et cruelle fleur sauvage. Indomptable. J'aurais voulu que vous soyez mienne à jamais mais vous ne pouviez appartenir à quelqu'un. Jamais, jamais, jamais mais- Maintenant je ne puis plus rien faire, juste vous regarder vomir par terre. Et puis, vous embrasser sur votre front si collant, si blême, si froid. Et puis, murmurer dans cette oreille qui n’entend pas, que… que.





lundi 25 mai 2009

Miss Knife

.
Tes doigts sont des couteaux sous ma gorge. Ton corps râpe et écorche. Ton œil est un boeuf, il tourne comme un manège, beau manège. Tes doigts sont des larmes rasoirs, qui pleuvent dans la broussaille. Avide, tu es (main tenant le) vide et blanc comme un linge. Aride suis-je, pour le dessert. Tringlons à notre désamour!
Miss Knife, your wife.



mercredi 20 mai 2009

Amour brûlant

Elle alluma son briquet, la flamme tremblant sous le vent me fit des frissons dans tout le corps. Elle venait de rompre avec moi et comme à chaque fois qu'elle ne savait plus quoi faire de ses mots et de ses mains, elle avait allumé une cigarette. J'eus cette peur qu'elle brule de l'intérieur, que sa bouche devienne noire au contact de la fumée. Pendant ces quelques minutes il me sembla que je me vidais de mon énergie, elle me regarda blêmir à chaque bouffée, presque amusée. La fumée, la flamme du briquet, le son du papier qui se consume me plongea dans des souvenirs que je tenta de refouler. En vain. Je lui dit à brûle-pourpoint:
"A 16 ans j'ai mis le feu à mon école. Une nuit, quand tout le monde fut parti, j'ai escaladé la grille, cassé une vitre et je suis allé dans la salle qui servait de bibliothèque. Je fis voler un peu d'essence sur les couvertures des livres, les chaises en bois et j'ai tout allumé avec le briquet de feu ma mère. Je pensais que ce serait un petit incendie qui détruirait juste les livres mais je me suis vite fait entourer par les flammes. Mes vêtements avaient reçu de l'essence et par peur de bruler vif je me suis totalement déshabillé. Nu, caché sous une table, pendant que tout brulait, beaucoup de sentiments contradictoires m'ont assailli. Mais ce fut la première et seule fois que je fus heureux dans ces lieux.
Ce soir là, un pompier m'a sauvé alors que j'avais perdu connaissance. Et à partir de là, plus jamais je ne pus aller ni approcher de cette école, et des autres d'ailleurs."
"Pourquoi as tu fais ça?" me demanda t'elle, avant de se décider à partir rejoindre son amant.
"C'était une punition. Il faut savoir que mes années d'école furent terribles. Dès le premier jour, à cause de mes grosses lunettes et le fait que je ne connaissais personne je fus désigné souffre-douleur. Moche, binoclard, cadavre, pinnochio, monstre, sans amis fixe, les enfants redoublaient d'imagination chaque jour pour me trouver un joli surnom. La vérité sort de la bouche des enfants dit-on. Je franchissais (le plus tard possible) la porte de l'établissement me demandant ce qu'il allait se passer aujourd'hui. Est ce qu'on volerait ma trousse, est ce qu'on me battrait, est ce que les filles changeraient de place à ma venue? Je redoutais surtout les récréations. Quinze horribles minutes à me terrer seul dans un coin de la cour, à me cacher dans les toilettes. Et puis un jour j'ai poussé la porte de la salle bibliothèque. Elle était quasiment vide à part quelques intellos. Le contraste avec tout les enfants entassés dans la cour était saisissant. Je fis semblant de lire des livres, puis je les ai lu vraiment. J'ai lu à chaque récréation, tout les livres, même ceux qui ne semblait pas m'intéresser. En cours, je brûlais d'impatience que la cloche sonne, pour pouvoir y descendre. Parfois j'attendais que la surveillante ne regarde plus pour glisser mes préférés sous mon manteau. J'aurais pu les emprunter mais je ne voulais pas les rendre. Un jour il y a eu cette bande que je détestais (un des garçons voulait toujours me toucher le pénis pour voir si j'étais une "tapette"), qui est venue dans le CDI car forcé, par leur professeur, de prendre un livre. Ils ont pris celui que je tenais en main et ont rigolé bruyamment. La surveillante n'a rien dit. J'ai ressenti alors une telle haine. Tout ces livres, mes livres, sali par leurs bêtises. Et s'ils revenaient? S'ils prenaient d'autres livres? Si leurs doigts gras traçaient des auréoles un peu partout sur les pages blanches. Ils n'avaient pas le droit d'envahir le seul endroit où je me sentais en paix, où personne ne m'humiliait et où j'en apprenais bien plus que dans les salles du haut.
Voilà pourquoi. Un acte égoïste et désespéré. Ce souvenir me hante et ce n'est pas parceque j'en ai honte. Mais parceque j'aimerais encore très souvent faire disparaitre tout ce qu'on me prend, pour que personne d'autre ne l'ai. Comme toi à cet instant." Me regardant droit dans les yeux le souffle court, elle lâcha sa cigarette qui, brûlée jusqu'au filtre, s'écrasa au sol en une multitude de points rouges.