mercredi 30 janvier 2013

Ya está...

Afficher Amérique du Sud
Si, ya está.  Hace unos meses que ya está, unos meses que me fui de Sudamérica, que he regresado a mi país. Ya está, ya hace semanas y meses. Pero todavía te extraño, América Latina.
Chile, haciendo dedo por la panamericana, al sur siempre mas al sur. Chiloe, Puerto Montt, la Carretera Austral. Solo andaba por la ruta, entre lagunas y montañas, al sur siempre mas al sur. Torres del Paine, Punta Arenas hasta la Tierra del Fuego. Argentina, oh Argentina… De Ushuaia a la Quiaca, de Buenos Aires a la Rioja. Un matecito, pan y dulce de leche. Solo, esperando a lado de la ruta cuarenta en el medio de nada. Guanacos y choiques, nada mas. Las colores del Nahuel Huapi desde las cimas de la cordillera. Las quebradas del norte, andando a Bolivia. Los flamencos de las lagunas andinas. Un almuerzo completo al mercado de Sucre. Las mamitas que me hablaban quechua aun que no entendía nada. Perú,  el camino largo al Machu Pichu. Mi carpa en la nieve a cuatro mil metros de altura en la cordillera blanca. La selva, los días de barco por Iquitos, mirando al rió en mi hamaca. Calor tropical finalmente, después de mese de viaje en el frió del sur, de la cordillera. Y Ecuador. Cuenca, Quilotoa.
Ya está  Pero ya sé que un día regresaré. Ya Columbia y Brasil me están llamando. Un día regresaré y iré caminado de nuevo, iré dibujando el camino... ¡Que viva la América!




vendredi 12 octobre 2012

Dernière boucle

Afficher De Cuenca à Guayaquil
A Cuenca, je commence à compter les jours. Jusque-là j’ai plutôt bien résisté, j’ai poursuivi ma route sans trop tenir compte du calendrier, semant les jours à chaque étape. Il me reste à peine plus d’une semaine, je n’ai plus trop le choix. Deux jours à Cuenca c’est suffisant. Si je veux avoir le temps de faire une petite boucle au nord et revenir à Guayaquil avant le 12, il faut partir.
Je prends un bus pour Latacunga. J’y recroise Sara, en route pour Quito. Je lui propose de m’accompagner à Zumbahua. Elle accepte. Quelques heures de bus plus tard je crois qu’elle m’en veut un peu. « Tu y tu lugar feo ! » Le voyage a été long. Surtout pour moi. Pour une fois que j’avais un billet avec un numéro de siège, on m’a donné le numéro 40. Il y a 39 places assises numérotées dans le bus... On arrive à Zumbahua dans l’après-midi, il fait froid, humide, brumeux, le village est quasiment désert. Le lendemain c’est jour de marché, ça s’anime dès le lever du jour. Moutons, cochons, poulets en pagailles, dans les camions, sur le toit des bus. Je profite du marché pour faire quelques réserves pour les jours de marche que j’ai prévus les jours qui viennent, puis on monte dans un pick-up pour Quilotoa. Sara arrête de faire la tête quand elle découvre la laguna. Il n’est pas si "feo" que ça mon "lugar". Un joli lac vert-bleu dans le cratère du volcan Quilotoa. Elle recommencera à râler quand il faudra remonter tout le cratère après être descendu jusqu’à la lagune.
Le lendemain Sara repart pour Latacunga. Je pars pour Chugchilan, à pieds, longeant le cratère avant de descendre dans la vallée. Je passe un canyon et je remonte vers Chugchilan. Je boucle le trajet en moins de trois heures. Une pause au village pour manger un morceau, je suis décidé à poursuivre un peu en direction d’Isinlivi. J’ai déjà demandé à quelques passants la direction à suivre. Sans trop de succès, entre ceux qui me répondent « oh lejos ! » et les mamies qui ne parlent que quechua je ne suis pas plus avancé. Puis passe Edmundo. Il me demande où je loge dans le village. Nulle part, je lui réponds. Je suis de passage, je vais à Isinlivi. Il fronce les sourcils, c’est loin, c’est déjà tard, dans une heure le brouillard va envahir les montagnes, je vais me perdre c'est certain. Il me propose de le suivre jusqu’à son hostal pour au moins me donner une carte. Je l’accompagne, il me montre l’endroit, très joli, une belle vue sur la vallée. Il me tend une carte sommaire, mais une nouvelle fois me déconseille de partir, c’est dangereux. Il me propose de passer la nuit ici, sans payer, et de partir le lendemain après le petit-déjeuner. Je n’ai même pas le temps de répondre qu’il est déjà parti me chercher une serviette et la clé du dortoir…
L’hostal, c’est le Black Sheep Inn, répertorié dans un des guides que j’avais lu il y a quelques-jours. Une des meilleures adresses d’Équateur paraît-il. Il n’y a pas foule, trois anglais et une américaine. Pas exactement la même catégorie de voyageurs que celle que je fréquente habituellement. C’est déjà de l’hébergement haut de gamme, en pension complète. Je suis un peu gêné au moment de passer à table, mais je ne me fais pas prier pour engloutir ma part de lasagnes aux aubergines, délicieuses. Le lendemain, après le petit-déjeuner, la cuisinière amène les paniers repas pour le déjeuner. Chacun a son petit sac en papier à son nom. Sauf moi naturellement. « They forgot your bag Baptiste! » me dit Ellen, l’américaine. Edmundo m’a évidemment demandé de ne pas dire que j’étais "invité" ici. Alors je ne dis rien, je hausse les épaules en souriant. Mais quand je reviens, mon petit sac est là. Ellen, est allée le demander en cuisine.
Après avoir fait mes adieux à Edmundo je pars pour Isinlivi. Il avait raison Edmundo, la veille je me serais perdu. Même sans brouillard, je ne l’ai jamais trouvé le chemin d’Isinlivi. Le premier du moins. Le second indiqué sur la carte j’ai vu où il partait mais j’ai décidé de partir directement pour Sigchos. J’avais déjà passé trop de temps à chercher le premier chemin, essayant tous petits sentiers partant à flanc de montagnes jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, de sentier. A redescendre à travers la forêt jusqu’à la rivière. C’est d’ailleurs là que j’ai perdu ma polaire. Elle était attachée au-dessus de mon sac, elle n’y était plus quand je me suis arrêté déjeuner dans la vallée. Elle doit être accrochée à un arbre ou des ronces quelque part dans la forêt.
Le chemin de Sigchos est plus simple, plus fréquenté. Je demande où se trouve le village à une dame. « Al norte » elle me répond. Hum, et plus précisément ? Elle va elle aussi à Sigchos, mais à la prochaine intersection avec la route elle attendra que passe un camion. « Porque les gusta caminar a ustedes ? » Bonne question. Plus loin en chemin, je rencontre Ignacio, un gentil petit vieux qui va lui aussi à Sigchos, faire des photocopies. Il va me montrer tous les raccourcis jusqu’au village. J’arrive en début d’après-midi, juste avant que le brouillard n’envahisse la vallée.
Entre Zumbahua, Chucgchilan et Sigchos la route est mauvaise et les transports plutôt rares. Pour repasser à Zumbahua où j’ai laissé une partie de mes affaires le plus simple est de boucler la boucle en repassant à Latacunga. De Zigchos à Latacunga il y a un bus par heure, de 4h à 7h… du matin. Je prends celui de 7h, puis j’attrape un bus pour Zumbahua. J’attends deux bonnes heures que quelqu’un arrive devant l’hôtel où j’étais resté la première fois. Ça me laisse le temps de discuter avec le tailleur de la tienda d’à côté. Je m’esquive quand même quand arrive son ami, témoin de Jéhovah.
Une nuit à Zumbahua et je reprends la route. Un bus pour Quevedo, quatre heures route, une descente vertigineuse des sommets andins à la plaine côtière. En quelques dizaines de kilomètres, on passe des sierras enneigées à la forêt tropicale, puis aux hectares de plantations de banane à partir de La Mana. L’or vert d’Équateur. A Quevedo je change de bus, trois heures plus tard je suis à Guayaquil, toute dernière étape. Demain soir je prends l’avion. Samedi je serai à Madrid. Et dimanche retour en France.

Environs de Chugchilan

jeudi 4 octobre 2012

Un long chemin vers l'Équateur

Afficher De Iquitos à Cuenca
Ça semblait trop simple. Trop simple qu’il y ait un bateau remontant le Napo quelques jours seulement après mon arrivée à Iquitos. Alors que tout le monde m’avaient prévenu qu’en cette saison de basses eaux il était extrêmement difficile, impossible même, de se rendre en Équateur par le fleuve. Arrivé au port, la pancarte du Cabo Pantoja qui devait partir ce mardi affiche désormais « mañana ». Renseignements pris, le départ n’est pas prévu pour demain mais vendredi. Puis en discutant plus longuement on me fait comprendre que ça pourrait être samedi, ou dimanche, ou la semaine prochaine... Il y a bien le Jezawel à côté, un tout petit bateau dont le départ pour Pantoja est prévu le lendemain matin. Il est bien chargé, je ne sais pas où on va pouvoir accrocher les hamacs au milieu de la cargaison. J’hésite. Revenant au mototaxi, Sara me dit que le chauffeur lui a demandé si elle savait nager et lui a conseillé de plutôt dormir sur le toit, au cas où… On tente le coup à Pesquero, un autre port un peu plus loin, puis on rentre à Iquitos. Il sera toujours temps d’embarquer sur le Jezawel le lendemain matin.
Le lendemain la cause est entendue. Je traîne une douleur à l’oreille depuis quelques jours. Ce matin-là la douleur est devenue insupportable. Je passe à l’hôpital. Une otite. J’imagine l’enfer qu’auraient été les jours, voire semaines, de bateau avec une otite non soignée. Je suis quand même déçu. Ce voyage en bateau c’était le dernier espoir d’un peu d’aventure avant le retour.
Quitte à être venu jusqu’à Iquitos je vais en profiter un peu. L’hostal a une albergue dans la Reserva Nacional Pacaya-Samiria, les argentins qu’on avait rencontrés sur le bateau y sont déjà. On va les rejoindre pour quelques jours dans la jungle. On part pour Nauta avec Augusto, notre guide, où un bateau nous attends pour descendre le Marañon jusqu’à l’Amazone et remonter le fleuve Ucayali jusqu’à la réserve. On y accède par des méandres de plus en plus petits, jusqu’à remonter un tout petit bras de rivière boueux. On touche régulièrement le fond, des troncs d’arbre. Il y a vraiment très peu d’eau en cette saison. On arrive à l’albergue, de jolies petites maisons sur pilotis en bord de rivière. Les argentins bullent dans leur hamac. Dans un coin de porte une tarentule endormie, et dans chaque chambre plein de nouveaux amis. Araignées, cafard, fourmis, lézards… Il faut faire un peu attention où on pose les mains et les pieds le matin en se levant.
On aurait pu rester là quelques jours à écouter le chant des oiseaux, à se prélasser sur la terrasse entre deux balades en forêt ou une sortie pêche aux piranhas  Mais on avait demandé à Augusto de nous emmener camper. Il est allé chercher Nirve au village pour l’assister. C'est qu'il n’est plus tout jeune Augusto, soixante ans passés. On part en bateau remonter un bras de rivière pendant une heure ou deux. On accoste, Augusto et Nirve installent le camp, des hamacs avec moustiquaire. Après un tour en forêt, de retour au campement, le ciel se fait menaçant. Puis l’orage éclate, des seaux d’eau qui tombent du ciel. Nirve tend des bâches en plastique en un temps record au-dessus des hamacs pendant qu’Augusto cuisine comme si de rien n’était.
La pluie se calme un peu dans l'après-midi. Le ciel reste gris mais à la tombée de la nuit Augusto décide quand même de nous emmener pour une sortie nocturne à la recherche de caïmans. On descend la rivière de nuit, à la rame, en silence, lampes torches vers le rivage. Le bruit de la jungle, les insectes, les crapauds, quelques oiseaux de nuit. Au bout d’une heure de vadrouille on s’arrête. Augusto a vu quelque chose. Là-bas dans le sable, deux yeux oranges qui se reflètent dans le faisceau des lampes. Augusto et Nirve descendent, font le tour jusqu’à arriver derrière les deux yeux. Augusto s’agenouille et d’un coup tend le bras vers le sol et immédiatement se relève, un petit caïman dans la main. Un jeune d’une dizaine de mois qu’il nous amène, très fier de lui, jusqu’au bateau. On impose une séance photo à la pauvre bête avant de le libérer.
Le ciel s’était fait de plus en plus menaçant au fil de la descente de la rivière. Les nuages étaient venus cacher la Lune, on voyait quelques éclairs au loin. Mais rien à faire, Augusto était décidé à nous trouver un caïman cette nuit-là. On remonte la rivière alors que les premières gouttes se font sentir, puis en quelques minutes c’est un mur d’eau qui fait face au bateau. Je prête ma lampe à Augusto qui crie « No veo nada ! No veo nada ! » et je me recroqueville, tête baissée sous mon poncho. Jusqu’à ce qu’on heurte violemment un tronc d’arbre, là j’ai cru qu’on passait tous par-dessus bord. Je me décide à faire quelque chose. Entre mes deux bottes en caoutchouc je vois passer la petite coupelle plastique qui sert à écoper. C’est ce que je vais faire, écoper jusqu’à l’arrivée. Pour vider un peu de l’eau qui remplit peu à peu notre petite barque autant que pour m’occuper l’esprit.
On arrive finalement au campement, trempé. Quelques minutes sans rien dire sous la bâche en plastique, puis je vais voir Augusto :
« Que hacemos ?
- Dormir…
- No comemos ?
- Ha ?! Quieres comer ? »
La question qu’il ne faut jamais me poser. Bien sûr que je veux manger. En quelques minutes Augusto et Nirve sont en action, à coup de machettes ils arrivent à couper du bois sec et allument un feu. On sèche nos affaires comme on peu, on fait chauffer de l’eau pour un café, on mange un morceau. Finalement tout le monde est content d’aller dormir le ventre plein dans des habits à peu près secs. Le lendemain on rentre à l’albergue. Et le surlendemain Augusto nous ramène à Nauta.
Nauta c’est le point de départ d’un long et fatiguant voyage qui va m’emmener jusqu’en Équateur. Tôt le matin on monte sur le bateau rentrant à Yurimaguas. Le Gilmer IV cette fois-ci, un peu mieux que l’Eduardo II. On y retrouve Lucas et Lesly, les deux rescapés du groupe d’argentin, qui ont embarqué à Iquitos la veille. Eux aussi vont en Équateur. Bien qu’à contre-courant le retour à Yurimagua est plutôt rapide, deux jours et deux nuits de bateau. Deux jours de pluie, la saison humide arrive.
De Yurimaguas on part directement pour Tarapoto, la même route sinueuse à travers les montagnes. A Tarapoto on décide d’attendre le bus de 16h pour Jaén. En théorie ce bus-là devait nous permettre d’arriver au petit matin à Jaén et nous éviter d’y débarquer au milieu de la nuit. C’est pourtant ce qui va se passer, on arrive très en avance à Jaén, il est 1h30 du matin. Tout le monde est déjà descendu qu’on somnole encore sur nos sièges, on entend alors quelqu’un crier dehors « Que bajan los gringos ! Que bajan los gringos ! » Ça agace un peu Lucas et Lesly qu’on les traite de gringos. « Somos argentinos ! » On descend du bus, pour se retrouver enfermés dans le terminal. Ça m’était déjà arrivé Chiclayo. Au Pérou quand un bus arrive en pleine nuit on ne te laisse que rarement sortir, trop dangereux. Il faut attendre le lever du jour ou un moyen de transport passant directement par le terminal. On attend finalement assez peu de temps. Un bus s’arrête devant la porte, quelqu’un crie « San Ignacio ! San Ignacio ! » en tapant sur la grille. On nous laisse sortir et on embarque pour San Ignacio. On y arrive au lever du jour. Un mototaxi nous amène jusqu’aux taxis collectifs qui partent la Balsa, la frontière. Deux heures de trajet sur une route boueuse où la conduite s’apparente à de la navigation fluviale, les roues avant faisant office de gouvernail, et on arrive à la Balsa.
On y est ! La frontière équatorienne. Maintenant il faut attendre. Les camions pour Zumba ne partent qu’à midi. Le temps de somnoler devant un café, de passer tranquillement à l’immigration péruvienne puis équatorienne, changer nos derniers Soles. On embarque dans un camion. Un peu plus évolué que leur version bolivienne, il y a des bancs pour s’asseoir sur la plateforme arrière. A Zumba, on n’en a toujours pas terminé. Le bus pour Loja part dans l’après-midi. Il nous dépose à Vilcabamba vers 22h30. La fin de deux jours de bus non-stop, quatre jours de voyage si on compte les deux jours de bateau qui ont précédé.
Aujourd’hui je suis à Cuenca, seul. Lesly et Lucas sont allés directement à Loja, et j’ai abandonné Sara à Vilcabamba. Je poursuis la route vers le nord, pour une dernière petite boucle avant de replonger vers Guayaquil. Dans moins de deux semaines je serai de retour. En France, 21 mois après.

Reserva Nacional Pacaya-Samiria

mardi 18 septembre 2012

De la cordillère à la jungle amazonienne

Afficher De Huaraz à Iquitos
Une journée de bus de Lima à Huaraz. Un bus de luxe qui vaut bien les bus argentins. Une hôtesse, repas chaud, sièges confortables, oreiller, couverture, et plein de navets américains doublés en castillan. On arrive en fin d’après-midi à Huaraz, au milieu de montagnes. Dans la gare routière je croise Michelle, une américaine. On s’était rencontré au Chili dans la Parque Nacional de Chiloé. C’était il y a cinq mois, des milliers de kilomètres plus au sud.
Avec Fred on se trouve un hostal qui nous laisse planter la tente dans le jardin. Cuisine, hamac sur le toit, les sommets enneigés tout autour, le genre d’endroit où aimerait passer quelques jours à ne rien faire. C’est d’ailleurs ce qu’on va faire, rien ou pas grand-chose un jour ou deux à part se goinfrer de pâtisseries. La ville en est pleine, une pasteleria tous les cinquante mètres. Fred attend de rejoindre une communauté à quelques kilomètres de la ville. Méditation, yoga, ayahuasca. Guère mon truc. Moi je m’organise pour partir quelques jours dans les montagnes.
J’opte pour le trek de Santa Cruz, un des plus fréquentés. Quatre jours de marche annoncés, au vu de la carte je pense pouvoir le faire en trois sans trop de problèmes. Je pars un matin au lever du soleil. Deux colectivo et quatre heures de route m’amène jusqu’à Vaqueria. C’est là que commence le chemin. Je descends une première vallée passe une rivière et entame l’ascension qui doit me mener au paso de Punta Union. Une demi-journée de marche m’amène jusqu’à une première lagune. Le col ne doit plus être loin, l’endroit est magnifique, désert, je décide de m’arrêter camper là. Je suis à plus de 4000 mètres d’altitude, je me prépare à une nuit plutôt fraîche. Froide, la nuit. Froide et un peu agitée. Emmitouflé dans mes deux sacs de couchages, j’entends d’abord des pas. Quelque chose qui tourne autour de ma tente. Envie d’aller voir, mais aucune envie de sortir dans ce froid. Je tends juste la main pour ouvrir la porte et attraper mon sac de détritus que j’avais laissé dehors. Plus tard j’entends distinctement des mules qui passent sur le chemin. Quelques heures après ce sont des oiseaux de nuit qui me réveille, avant que ce que je crois être de la pluie ne me tire définitivement du lit au petit matin. Ce n’est pas de la pluie, c’est de la neige. Du blanc, partout du blanc. Une fine couche de neige sur le sol, et une brume épaisse tout autour. Je ne distingue même plus la lagune à quelques mètres de mon campement. Le temps que je me fasse chauffer un café et que j’entame le petit-déjeuner la brume se dissipe un peu, je vois maintenant le chemin qui mène au col. Je peux reprendre la route.
Effectivement le Punta Union n’était plus très loin, une petite heure d’ascension et j’y suis. 4500 mètres d’altitude. Je bascule de l’autre côté, dans le brouillard. Plus bas d’autres lagunes, turquoise. Plus loin le bout de la vallée, ensoleillée. Il est encore tôt et je me demande si je ne vais pas boucler le parcours en deux jours. Il ne me reste plus qu’à descendre le long de la rivière jusqu’à Cachapampa. Je croise quelques groupes de randonneurs, accompagnés de mules chargées comme s’ils partaient faire l’Anapurna. J’arrive en milieu d’après-midi à Cachapampa, je rentre à Huaraz. Heureux de cette nuit passée là-haut, de ce réveil dans la neige, et quand même déçu de rentrer aussi rapidement. J’aurais dû chercher un parcours un peu plus long. Trop tard. Trop tard pour repartir marcher dans les montagnes. Si je veux arriver un jour en Equateur il faut que je continue ma route vers le nord.
Le lendemain soir je prends un bus de nuit pour Trujillo. Je n’ai pas trouvé de bus allant plus loin que ça depuis Huaraz. J’arrive à Trujillo vers 4h du matin et je prends de suite un autre bus pour Chiclayo. Là j’hésite un peu. Pas très envie de m’éterniser ici, en cette saison la côte péruvienne est brumeuse. Il fait le même temps qu’à Lima. Alors où aller ? Chachapoyas ? Non, je vais aller directement vers l’Amazonie. Je prends un billet pour Tarapoto. Autre bus de nuit, j’ai une journée à tuer à Chiclayo. C’est là que je reçois un message de Sara, toujours à Lima. Je me fais presque insulter d’être déjà si loin. Je lui avais dit que je comptais aller jusqu’à Iquitos en bateau, elle avait très envie de le faire aussi, mais pas seule. Elle me dit qu’elle va me rejoindre à Tarapoto. A voir…
Nuit pénible dans le bus, avec les évangélistes qui jouent de la guitare et chantent toute la nuit au presque. Gloria a Dios, la sangre del Cristo… Au secours. J’arrive dans la chaleur de Tarapoto un peu fatigué. En deux jours de bus, je suis passé de la neige à 4500 mètres à la chaleur humide de l’Amazonie péruvienne. Pas le même climat, pas la même ambiance. Tropical.
Sara arrive deux jours après moi. Après plus de trente heures de bus directement depuis Lima. On part ensemble pour Yurimaguas, en pick-up. Sara préfère payer pour monter devant, moi je vais derrière, debout sur la plateforme. En comptant les enfants on est dix-neuf à l’arrière, ça me rappelle bien quelques trajets en Birmanie. On traverse les montagnes, forêts, cascades, papillons, avant de redescendre vers le bassin amazonien jusqu’à Yurimaguas, sur les rives du Rio Huallaga. C’est de là que partent les bateaux pour Iquitos. Il y en a un le lendemain, trois jours de trajet annoncés.
On arrive le matin au port, il y a en fait deux bateaux en partance. Par défaut je choisi le Eduardo II. Par défaut parce que je n’avais pas vu l’autre, c’est Sara qui me fera remarquer qu’il y avait aussi le Linares qui partait ce jour-là. Lui est parti à l'heure... Le départ était prévu à 9h30, on a le temps de s’installer, de suspendre les hamacs qu’on a acheté à Trapoto. La plupart des péruviens sont sur le premier pont. On est sur le deuxième pont avec tous les étrangers, dont une bonne moitié d’argentins. Le temps passe. Midi, la cloche sonne, c’est l’heure du repas. On va faire la queue à la cuisine. Le soleil commence à cogner, on est toujours à quai. Une heure, deux heures, trois heures. Pas sûr qu’on parte aujourd’hui. Demain, peut-être après-demain nous dit-on. Ça a l’air de pas mal énerver quelques passagers du pont inférieur. Vient la police, puis l’armée. Qu’est-ce qu’ils sont venus faire là ? « Mantener el orden ». Certains passagers en colère avaient commencé à allumer un feu sur le pont du bateau d’à côté… La raison de ce retard ? Una huelga, une grève de dockers. Extrêmement fréquentes les grèves au Pérou, et ça dégénère assez régulièrement, bloquage de routes, répression musclée… On part finalement en fin de journée pour l’autre port de Yurimaguas, le départ est repoussé au lendemain matin à 5h. On passe donc une première nuit sur le bateau, à quai, et le lendemain matin le bateau quitte le port vers 6h30. Avec 21h de retard.
Les journées se suivent et se ressemble sur l’Eduardo II. Réveil avec le soleil, pour moi. Sara se réveille en jurant « la puta que pario todos los argentinos ! », avec la musique des argentins. Vers 5h - 6h aussi… Puis on attend la cloche de la cuisine. Petit-déjeuner, déjeuner, diner. Journée dans le hamac face au fleuve, à peine troublée par le salut régulier de quelques dauphins roses qui attirent tout le monde sur le pont. Quelques arrêt dans les villages, l'occasion d'acheter quelques fruits frais. Je termine rapidement tous mes bouquins, mais les journées passent tranquillement. Sara est un peu moins ravie. Les douches à l’eau sale du fleuve, la gamelle de riz au poulet sans goût, la chaleur moite… Elle sature un peu. Elle semblait pourtant enthousiaste quand je lui avais dit que je pensais continuer jusqu’en Equateur en bateau. Elle pensait m’accompagner. Mais après trois jours à ce rythme, elle n’a plus tellement l’air décidée à repartir pour une semaine de bateau jusqu’à la frontière équatorienne.
On passe le rio Marañon, qui nous amène jusqu'à l'Amazone. On arrive finalement à Iquitos, après une journée à quai et trois jours sur le fleuve. Le ciel est couvert, ce n’est que plus tard qu’on découvrira la chaleur étouffante qui quotidiennement assomme la ville. Renseignements pris au port, il y a un bateau pour Pantoja, à la frontière avec l’Equateur, dans quelques jours. Un coup de chance paraît-il. Je vais pouvoir poursuivre ma route. L'Equateur, dernière étape avant le retour.

Coucher de soleil sur le Rio Marañon

lundi 3 septembre 2012

Caminando al Machu Pichu

Afficher De Cuzco à Huaraz
Cuzco. Jolie ville, des petites ruelles où il faut se coller au mur quand une voiture passe, des murs de pierres d’un mètre cinquante de large, églises, mur blancs. Mais comme prévu extrêmement touristique, il y a autant d’étrangers que de péruviens dans la rue, et l’inévitable trilogie pizza, burgers, massages… J’attends vaguement Sara quelques jours. Inutile. Malade, craignant l’amende colossale qu’elle va devoir payer à la frontière, elle repousse chaque jour son départ de Bolivie. Imprévisible, Sara. Je me décide à repartir seul. Le plan c’est de rejoindre à pieds Aguas Calientes, au pied du Machu Pichu, en passant par le Salkantay. J’ai récupérer une carte approximative de la région et ignoré ceux qui me disaient qu’on ne pouvait le faire seul, sans guide, sans mules, etc. Un matin, vers 5h je prends un micro pour Mollepata, c’est là que la route commence. Première journée assez tranquille, sans grande difficulté. Je ne croise pas grande monde. J’ai dépassé un groupe de brésiliens à la sortie du village, puis plus personne pendant deux bonnes heures. La plupart des agence qui organisent le trek partent de plus haut où amènent directement leur groupe à Soraypampa. J’arrive à Soraypampa assez tôt, vers 14h et sur les conseils des muletiers je plante la tente dans un champ pas trop loin des quelques maisons. « Es mas seguro ». Petite sieste face au Salkantay qu’on aperçoit déjà plus loin dans la vallée, assez étonné qu’il n’y ait pas plus de monde. Je comprends un peu mieux pourquoi en entamant la deuxième journée, je rattrape plusieurs groupes, la plupart dormaient plus haut au pied du col du Salkantay. Et quand j’entame l’ascension du paso, le chemin est plein de groupes de randonneurs et de muletiers. Je décide de ne pas m’arrêter, de faire l’ascension d’une traite pour dépasser tout ce monde, et quand j’arrive au col (4600 mètres quand même) il n’y a que le groupe de brésiliens de la veille qui viennent de terminer l’ascension à dos de mules. Je m’accord quand même une bonne pause, et quand la foule arrive, j’entame la descente. J’ai pris suffisamment d’avance, cette fois je suis tout seul avec les muletiers. Pas complètement seul, j’ai Rantanplan, avec moi, un chien qui me suit depuis l’ascension du paso. Le soleil du matin a disparu, je descends dans la brume, puis sous la pluie. La haute montagne laisse place une étroite vallée dans la forêt. Le soleil refera son apparition un peu avant mon arrivée à Colcapampa en début d’après-midi. J’hésite à poursuivre le chemin une heure ou deux. Mais je reste finalement sur place à discuter avec les porteurs et muletiers, assez impressionnés que j’ai fait le chemin seul en portant toutes mes affaires. Je vois passer Alan et Anabel, deux américains qui campaient à côté de moi à Soraypampa. On va planter la tente au même endroit, un petit bout de pelouse en bord de falaise, face à la vallée. C’est là que le soir on apercevra d’étrange petites lumières dans la jungle en face. Des lucioles très certainement. Mais c’est la première fois que je vois aussi distinctement des lucioles d’aussi loin.
On repart ensemble le lendemain matin. Une demi-journée pour arriver à La Playa, là où la plupart des agences récupèrent leur troupes et les embarquent en combi jusqu’à Santa Teresa. Mais on a un autre plan, reprendre l’ascension à l’est et arriver directement à Aguas Calientes en passant par Llactapata. C’est là que je vais regretter de ne pas être allé plus loin la veille. Ma petite carte est fausse. L’idée était de camper avant Llactapata, à mi-chemin à Lucmabamba. Mais Lucmabamba ne se trouve pas vraiment à mi-chemin comme indiqué sur la carte, mais un kilomètre pas plus après le début de l’ascension, on passe le village en pensant que notre objectif de la journée se trouve plus loin. S’en suit une longue ascension sur une escalera Inca. Un bon 700-800 mètre de dénivelé qui s’ajoute aux kilomètres de la matinée, en plein soleil. Et pas un faux-plat où s’arrêter. A chaque arrêt Rantanplan, qui me suit toujours, s’écroule et dort la langue pendante. Anabel monte à son rythme, sans paraître trop souffrir, mais Alan qui porte l’essentiel de leurs affaires a l’air plutôt mal en point. On n'a plus vraiment le choix, il faut passer le col jusqu’à Llactapata. On arrive finalement en fin d’après-midi. Récompensés de nos efforts, seuls au milieu des ruines de Llactapata. Face à nous la vallée bien dégagée, et perchées entre deux montagnes… les ruines de Machu Pichu. Il y a un camping un peu plus bas, mais on décide de passer la nuit dans les ruines. Dans la soirée, deux argentins nous rejoindront. Eux aussi avaient un peu sous-estimé l’ascension finale et ont achevé leur journée par deux heures de marche à la lampe torche. Le lendemain on descend tranquillement dans la vallée, jusqu’à la hydroelectrica. J’apprends en chemin que Rantanplan s’appelle en fait Chaco, il a l’habitude de suivre les touristes, les locaux le connaissent bien. Puis on suit la voie de chemin de fer jusqu’à Aguas Calientes. Un endroit assez affreux, un restaurant tous les deux mètres. Seule l’avenue principale qui fait également office de gare - le train s’arrête face aux hôtels et restaurants - donne un peu de charme lieu. Un peu, un tout petit peu.
Le lendemain j’enchaine, j’entame l’ascension à 5h à l’ouverture des portes. Je reste dans les pas d’un groupe de français qui tient un bon train, on boucle l’ascension en 30 - 40 minutes, il faut attendre 6h, qu’ils ouvrent le site. La foule arrivera bien plus tard, j’attends le lever du soleil perché en haut des ruines. Le passage à Aguas Calientes a un peu rompu le charme, j’avoue que la vision du Machu Pichu depuis Llactapata m’a fait plus forte impression que l’arrivée sur le site même. Mais je passe quand même une belle matinée à déambuler sur les chemins, monter jusqu’au sommet de la montagne. Jusqu’à ce qu’il y ait trop de monde. A la mi-journée je redescends. Un peu de repos, une autre longue journée m’attend le lendemain.
Je continue ma route, toujours à pieds. Je pars tôt le matin, tant qu’il fait encore frais, suivant la ligne de chemin de fer, direction Ollantaytambo. Je croise beaucoup de porteurs qui font le chemin inverse, des porteurs de l’Inca trail j’imagine, qui portent des paquetages énorme. Au Pérou je suis argentin, c’est déjà la question qu’on posait presque chaque jour au marché à Cuzco, c’est aussi ce que me demanderont les porteurs croisés en chemin. La coupe de cheveux ? L’accent ? Les cheveux j’espère… Je marche toute la matinée suivant la vallée. Je crois bien avoir aperçu Alan à la fenêtre de l’un des nombreux trains qui passent à intervalles réguliers. J’arrive au km 82 en milieu de journée, fin de parcours, j’ai bouclé les 28 km prévus. Un combi m’amène jusqu’à Ollantay. J’ai gagné le droit de me reposer. Je ne résiste pas la tentation d’une dernière ascension, celle de la montagne qui fait face aux ruines d’Ollantaytambo.
Après deux nuits sur place je pars pour Chinchero. C’est là que je retrouve Sara, qui a fini par quitter la Bolivie. Elle a payé une bonne moitié de l’amende. Les policiers boliviens se sont fait un plaisir d’empocher la somme, et avec le sourire, lui demandant de jeter son passeport une fois au Pérou... On visite les ruines. Comme à Saqsaywaman près de Cuzco, comme à Ollantay, on peut facilement rentrer sans payer le boleto turistico hors de prix. Je le fais sans trop de scrupules cette fois. A Chinchero les péruviens ont bouclé le village, en théorie il faudrait payer rien que pour accéder à la plaza... Puis on rentre à Cuzco.
J’ai assez traîné en route. Je prends un bus direct pour Lima. 22h de route, rude. Honnêtement Lima est une des capitales les plus vilaines que j’ai vue. Malgré les efforts de Francisco, qui m’héberge sur place en compagnie de Fred un autre français, difficile d’y trouver grand charme. Le climat n’aide pas, un brouillard permanent sur la ville. En quatre jours j’ai aperçu le soleil deux petites heures un après-midi. Je ne serai d’ailleurs certainement pas resté aussi longtemps s’il n’avait fallu attendre la fin de la fête de Santa Rosa de Lima. Un congé de quatre jours, les bus sont pleins. Je pars avec Fred pour Huaraz. Dans les montagnes, toujours les montagnes.

Le Machu Pichu au lever du soleil

samedi 18 août 2012

Tous les chemins mènent à Cuzco

Afficher De Sucre à Cuzco
Quelques jours de détente et j’ai de nouveau des fourmis dans les jambes. Il faut que je bouge un peu. Sucre est une jolie petite ville, paisible, mais pleine de gringos. Et donc pleine d’agence touristiques qui proposent plus ou moins toutes les même choses. Le marché aux touristes de Tarabuco, non merci. Non, je vais tenter de partir seul en balade au cratère de Maragua. Sabrina et Julien, que j’avais rencontré en Birmanie (puis recroisés à Bangkok, Hanoï...) avec qui je suis resté en contact m’ont laissé toutes les informations nécessaires. Sara hésitait à m’accompagner, mais je pars finalement seul un matin en combi jusquà la parada de Ravelo. C’est là que je dois trouver un bus pour Chataquila. Pas de bus, mais des camions. Va pour un camion. Après deux heures de route dans la poussière, en compagnie des mamitas, de leurs poules, cochons et sacs de patates, le chauffeur me pose à la chapelle de Chataquila, en haut de la montagne. C’est là que débute le chemin préhispanique. Du temps de l’empire il devait bien mener jusqu’à Cuzco ce chemin. C’est loin Cuzco, je me contenterai des 6 km de descente, tranquille, sur un beau sentier de pierre. Au bout du chemin… un terrain de football. D’un pays à l’autre, voilà bien quelque chose qui ne change pas en Amérique du Sud. Trois maisons au milieu de nulle part, une église et una cancha de futbol. Je descends jusqu’à la rivière que je longe sur quelques kilomètres avant d’aborder l’ascension du cratère. Ascension un peu troublée par les chiens qui gardent maisons et troupeau. Une plaie en sur ce continent tous ces chiens semi-errants. Je t’enverrais tout ça au Vietnam, ça ferait de la place et ça nourrirait bien quelques familles de l’autre côté du Pacifique. En attendant de monter ma petite entreprise d’import-export, je suis coincé sur le chemin avec un affreux qui ne veut absolument pas me laisser passer. J’ai essayé de passer sans le regarder, il est venu me chatouiller les mollets. J’ai essayé d’attendre un peu qu’il se calme et retourne à la niche, il est revenu plus enragé encore dès que j’ai eu fait deux pas. Alors j’ai changé de stratégie, j’ai ramassé une bonne grosse pierre, que je lui ai montré poing levé au-dessus de la tête. Il a eu l’air de comprendre assez rapidement et il a instantanément reculé de deux mètres. Puis j’ai commencé à avancer, poing levé en lui gueulant dessus plus fort qu’il n’aboyait. Dejame pasar la puta que te pario ! Il ne m’a pas lâché su une bonne centaine de mètres, mais à chaque fois qu’il s’approchait d’un peu trop près je lui montrais ce que j’avais dans la main, ça a suffi à le tenir à distance. Débarrassé du vilain clébard, j’arrive enfin à Maragua, village fantôme au milieu du cratère. Pas grand monde, accueilli par quelques vieux qui ont dû passer l’après-midi à boire. Il y a deux autres randonneurs qui cherchent un endroit où dormir. Ils demandent en spanglish où trouver le propriétaire des cabañas au puesto de salud. Je passe après. Moi je ne cherche pas de cabaña, juste un endroit où planter ma tente. Dans l’enceinte du puesto de salud me dit Celso, no hay problema. Celso est instituteur au village, sa femme s’occupe de l’infirmerie. Finalement ils ne voudront pas me laisser dormir dehors, il y a un lit à l’intérieur. Je vais passer la nuit dans le Puesto de Salud.
Le lendemain c’est un peu plus difficile. Sans carte mais avec les indications de Sabrina je m’en étais sorti sans problèmes la veille. Mais une fois sorti du cratère il y une multitude de chemin. Je demande mon chemin à une mami, qui me parle pendant cinq minutes en quechua. Rien compris, si ce n’est quelques Niñu Mayu et Potolo à quelques fin de phrases. Moi je vais à Potolo, je prends le chemin qu’elle semble m’avoir indiqué. Je marche deux heures, dans les monatgne, les blés coupés. Ça me rappelle un peu la Birmanie. C'est dire si c'est beau! Je pense être perdu, mais non. Un gamin me montre par où passer, j’étais bien sur le bon chemin. J’arrive en fin d’après-midi à Potolo. Potolo un dimanche soir, on entend bien le vent souffler. Je pensais essayer de repartir directement à Sucre, mais il n’y a pas de camion, si ce n’est celui du laitier. On me dit qu’il part à 19h. Heure bolivienne, il faut compter 20h-21h. Je vais attendre le lendemain.
Retour à Sucre. Sara est toujours là. Je recroise aussi les québécois aux abords de la plaza. Je me repose une journée, et je pars pour La Paz. Sara aussi. Il est plus que temps qu’elle quitte Sucre, et surtout la Bolivie. Une nuit de bus nous voilà à La Paz. On m’en avait dit tant de bien que je suis un peu déçu. Le site est exceptionnel, les montagnes, toutes ces maisons sur les flancs. Mais les quartiers touristique du centre me rappelle un peu… Bangkok. Bangkok del altiplano. Des tiendas de souvenirs en pagaille, pizzas, burgers, saunas, agence de voyages. Ça manque de tuk-tuks. De sexe aussi. Il y a encore de la marge avant que ça ne ressemble à Khao San. Une fois sorti de ce quartier ça reste plaisant, même si le marché central est bien moins sympa que celui de Sucre. Puis je n’ai pas le choix, je suis un peu bloqué là. C’est la fête de la vierge à Copacabana, les bus et hôtels sont pleins. Inutile de se précipiter. Sara me montre l’hôtel où elle était resté la dernière fois. Il n’y a bien qu’elle pour me trouver un hôtel pareil à La Paz. Plein… de népalis et de bengalis. Ils ont bien investi la cuisine les népalis, un champ de bataille. On reste quelques jours, jusqu’à la fête nationale. Quelle que soit le jour de fête, j’ai l’impression que pour les boliviens, tout est prétexte à ressortir les costumes de carnaval. Défilé dans la ville, jusqu’à l’intérieur du marché. Mais le soir, rien. Calme, comme presque chaque soir en Bolivie.
On part finalement pour Copacabana. Sara doit retrouver des amis argentins. Moi je vais à la Isla del Sol. Pas grand charme Copacabana. Une avenue pleine de gringos, un port, avec des dizaines de bateaux prêts à partir pour les îles, et… des pédalos en forme de cygne sur sur les rives du Titicaca. Si, si, des cygnes à pédales… Je pars pour la Isla del Sol. J’arrive à Chalapampa au nord de l’île. J’évite la foule et pars directement pour les ruines de Chincana tout au nord. En contrebas des ruines, une plage, c’est là que je vais camper. Il y a déjà quelques tentes. Des anglais étrangement calmes, et sans pack de bière. Il faudrait peut-être que j’aille vérifier leur passeport. Le lendemain je traverse l’île par le chemin préhispanique. Merveilleux. Je suis parti assez tôt, je ne croise quasiment personne. Plein soleil. Seul sur le chemin qui domine tout le lac après de 4000 mètre d’altitude. Retour à Copacabana. Je recroise Sara dans la rue. A demi surpris. Elle devait retrouver ses amis, éventuellement partir à la Isal del Sol ou à Sorata. Mais rien de tout ça. Il faudrait pourtant qu’elle quitte le pays. Plus de 4 mois de clandestinité, une amende qui augmente au fil des jours. Je lui propose de m’accompagner le lendemain. Mais non, ce n’est toujours pas le jour. Elle me rejoindra à Cuzco le surlendemain, me dit-elle. A voir.
Je prends le bus pour Cuzco. Passage de frontière sans soucis, jusqu’à ce que je remonte dans le bus… Là les deux chauffeurs me redemandent de l’argent. Ils trouvent mon billet un peu trop bon marché. J’avais effectivement trouvé un très bon prix dans une des agences de Copacabana. Ils ont dû se rendre compte en chemin qu’ils n’allaient pas faire beaucoup de marge. Mais ces deux escrocs se sont bien gardés de me dire quoi que ce soit avant la frontière. Une fois au Pérou ils savent très bien que je ne vais pas rebrousser chemin. Et là ils sont très directs, je rallonge 40 bolivianos ou ils me laissent là. Discussion sans fin, animée. Je paye finalement la moitié, je me rassois les nerfs à vifs. Seule la crainte qu’ils refusent de me mettre dans un bus pour Cuzco une fois arrivé à Puno m’empêche d’exploser. Première impression assez vilaine des péruviens… A Puno je prends un bus de nuit. Au petit matin je suis à Cuzco.

Sur le chemin de Potolo

mercredi 15 août 2012

Salar Sucre

Afficher De Tupiza à Sucre
Arrivé à Tupiza en fin d’après-midi, je découvre une petite ville tranquille, un gros village plutôt, mais déjà bien pleine d’agence de tourisme. Il y a même un chico, Jaime, qui attend à l’arrivée des bus. J’ai déjà marchandé le colectivo, je négocie le prix de la chambre. Un petit air d’Afrique, j’ai vite compris que bien plus qu’en Argentine ici tout était négociable. Sympa le petit Jaime, le lendemain il me proposera de travailler dans son agence. Je crois qu’il était tout à fait sérieux. C’est la pleine saison, ça défile dans l’hôtel, un autre français, un autre Baptiste, qui me laissera quelques bons plans de balades dans le coin. Anglais, australiens, tchèques, un espagnol qui… parle beaucoup. Surprenant tiens. Je passe deux jours en balade dans les canyons, seul, avec une carte sommaire, presque sans me perdre. Magnifiques tous ces canyons de terre rouge, les montagnes, les cactus.
Puis je pars pour Uyuni. Cinq heures sur une route en terre qui tortille dans les montagnes. Les vendeuses qui montent dans le bus à l’arrêt, hay empanadas, hay galletas ! Souvenirs d’Afrique, d’Asie… Uyuni, c’est le gros village - assez vilain - qui borde le Salar (immense) du même nom. Je m’attendais à être assailli à la sortie du bus. Mais non. Tout juste une petite dame qui me donne la carte de son agence. Je dois même me trouver un hôtel tout seul. Plutôt une bonne surprise. C’est moche, plein d’agences de tourisme, de pizzerias, burgers, desayuno continental machin… Du vu et revu de Siem Reap à El Calafate. Mais c’est finalement assez tranquille. Le tour organisé je ne vais pas y couper. Après la Baie d’Halong je m’étais pourtant dit "plus jamais ça !". Mais comme je ne vais pas traverser le Salar à pied, il n’y a pas trop le choix. Après avoir fait le tour de quelques agence je tombe finalement sur une qui cherche encore du monde pour un tour de quatre jour qui part le lendemain. Ici, la majeure partie des touristes de passage partent pour trois jours. J’ai appris de mes erreurs à Hanoï. Quitte à s’embarquer dans ce genre de truc autant faire les choses bien. Quatre jours ça me convient. Ce sera plus tranquille et on devrait éviter la horde de bagnoles qui partent aux mêmes heures et s’arrêtent aux même endroits en même temps. Une nuit dans un hôtel glacial et le lendemain je suis prêt à partir, j’attends devant l’agence. Arrive un groupe de sept québécois et deux belges, tous stagiaires dans une association à Sucre, auxquels s’ajoutent deux boliviens, Roberto et Carla. Douze pour deux Land Cruiser, le compte y est. Roberto parle un peu français, et il arrive à me comprendre. Il m’avoue par contre qu’il ne comprend pas un mot de ce que se racontent les québécois. Hmm tu sais Roberto, très souvent moi non plus je ne comprends rien… Premier arrêt dans la Salar là où les habitants du coin récoltent le sel. Le soleil qui se reflète sur cette mer de sel me brûle les yeux et la peau. Passage dispensable par l’hôtel de sel avant de s’arrêter quelques kilomètres plus pour manger au beau milieu du Salar, puis de mettre le cap au nord, en direction du volcan Tunupa. C’est là que nous passerons la nuit, bien fraîche la nuit. Un brésilien, de Brasilia, attend dehors frigorifié pendant que sa femme cherche son chauffeur, elle a oublié son sac dans la camionechta.
Le lendemain on entame l’ascension du volcan, on perd pas mal de monde en route, arrivés au cratère on doit être une quinzaine à admirer la vue. Un océan de sel, blanc, immaculé. Ça me rappelle l’ascension du Kilimandjaro et cette mer de nuage dont ne dépassait que le Mont Meru. Un horizon de blanc dans le soleil du matin, et la terre rouge, ocre de la cime du volcan. Stupéfiant. On redescend pour le déjeuner au pied du volcan et on repart. Nouvelle arrêt dispensable sur l’île Inca Huasi. L’île au cactus, entrée payante, noire de monde. Puis on traverse une dernière fois le Salar jusqu’à San Juan. Le lendemain on passe en revue toutes les superbes lagunes qui parsèment le parcours jusqu’au Parc National Eduardo Avaroa. On arrive à la Laguna Colorada en fin d’après-midi. C’est là qu’on va passer la nuit, l’occasion pour le groupe de québécois de terminer toutes les bouteilles de vin bolivien qu’ils avaient en stock. Je vais me coucher un peu ivre. Pour quelques heures seulement, le lever est prévu à cinq heures. On part dans le petit matin voir les geysers au lever du soleil. Beaucoup de monde, il fait froid, mieux vaut se caler bien à côté des geysers. On poursuit jusqu’à une dernière lagune (la laguna verde, plutôt marron en cette saison) avant de repartir au nord. Un arrêt baignade dans les eaux thermales, l’occasion de se décrasser un peu après trois jours sans douche et on repart. Beaucoup de route en ce dernier jour, il faut rentrer à Uyuni dans la journée. De la route et… en musique ! Ça fait déjà un moment que la musique d’Aquilino le chauffeur me rend dingue. Des compiles des années 80, de la cumbia bolivienne - plutôt amusante même si ça agace Roberto et Carla, de la soupe latino bien mièvre. Et… un album entier d’Enrique Iglesias. C’est là que je regrette d’avoir appris l’espagnol en cours de route, Enrique Iglesias c’est encore pire quand on comprend ce qu’il raconte. Horrible, Affreux. J’attends le prochain volcan pour me jeter dedans.
Oreilles anesthésiées, on arrive finalement à Uyuni avant la nuit. Les québécois repartent directement. Moi j’attends le lendemain pour prendre le bus pour Potosi. La grande ville minière, au pied du Cerro Rico, à plus de 4000 mètres d’altitude. Je n’avais pas vraiment l’intention de visiter les mines, le côté zoo humain me rebutant un peu. Mais finalement un de ces jours, avec Pedro, le mexicain de la chambre d’à côté qui joue de la guitare dans les bus et les restaurant, on est parti en balade. Et on a fini par arriver sur les flancs du Cerro, à l’entrée des mines. Là un gars nous a proposé de nous faire entrer. Il nous a donné un casque (trop petit) des torches et on y est allé. Une petite mine coopérative ou les gars (des gamins pour la plupart) charrient leurs brouettes de complexe argent-zinc toute la journée, jusqu’à ce qu’ils aient fait leur quota (quelque chose comme dix tonnes par groupe). A la sortie les entreprises chiliennes ou chinoises ramassent la mise pour des clopinettes. Et l’état récupère un beau 3% de la transaction. Belle gestion des ressources du pays.
Je ne reste pas très longtemps à Potosi. Un petit tour par la Casa de la Moneda, ou une guide un peu mal lunée m’expliquera - en français - comment pendant des siècles les espagnols ont frappé la monnaie des colonies ici même à la source, à grands renforts d’esclaves, indigènes ou africains. Puis j’attrape un bus pour Sucre. Pour la deuxième fois d’affilée je me retrouve assis dans le bus juste sous le haut-parleur. Bientôt la fin du voyage, il me reste quelques pays à traverser, mais je pense que la Bolivie emportera sans mal la palme de la pire musique de bus. No puedo vivir sin tiiii… Porque te fuiste mi amoooor… Au secours.
Sucre. Après avoir beaucoup bougé ces derniers jours c'est là que je vais me poser un peu et prendre le temps de ne rien faire. Je me suis trouvé un petit hôtel face au marché. J'y ai rencontré Sara, une italienne en Bolivie depuis… sept mois, donc clandestine depuis quatre mois. A l’image de beaucoup d’européens que j’ai pu croiser sur les routes, elle a fui l’Europe, la crise, le travail. Elle était d'abord partie en Asie, puis après un retour en Italie pour raisons familiales, la voilà en Amérique du Sud. Sans intention de rentrer un jour, se cherchant de quoi vivre sur place. Je prends mes petites habitudes à Sucre. Café le matin dans la cour de l’hôtel avec Sara, mon petit réchaud à gaz sur le sol. Passages au marché, fruits, pains, gâteaux, déjeuners au comedor à l’étage. Ballades en ville, farniente au soleil. Repos.

Lagune au sud d'Uyuni