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Construction

Construire du neuf avec du vieux: la filière métallique soutient le réemploi des matériaux

La filière tente de s'organiser pour accélérer le réemploi des métaux, notamment de l'acier, issus de bâtiments industriels.

Rien de mieux pour la planète que de réemployer des matériaux au lieu d'extraire toujours plus de sable ou de fer pour produire du béton ou de l'acier neufs. La filière métallique s'attelle à un vaste chantier: développer le réemploi des poutres et charpentes de bâtiments industriels démolis.

Toutes les civilisations l'ont fait depuis l'Antiquité: les Romains ont réutilisé les murs de temples antiques dans leurs remblais; les bâtisseurs médiévaux ont retaillé des pierres romaines. Toutes... sauf la nôtre, parce qu'à l'ère industrielle, les matériaux bon marché sont devenus abondants et de moins en moins locaux.

Par ailleurs, les assureurs ont besoin de normes pour les matériaux afin d'assurer les bâtiments contre les malfaçons ou les intempéries, ce qui constitue un frein au réemploi, souligne Amor Ben Larbi, directeur de projet de recherche au Centre technique industriel de la construction métallique (CTICM), organisme créé en 1962 pour faire évoluer les techniques du secteur.

1% de réemploi de matériaux toutes filières confondues

Comment garantir qu'un hangar bâti avec des poutrelles de récup' va résister aux tempêtes qui se multiplient avec le dérèglement climatique?

Quelques rares opérations pionnières en France tentent de démontrer qu'il est possible de construire du neuf avec du vieux et de l'assurer, notamment pour les bâtiments industriels, majoritairement construits en acier.

Aux Herbiers en Vendée, la nouvelle usine du groupe Briand, spécialisé dans la construction métallique, utilise des poutres provenant des ex-halles d'Alstom de Nantes. À Épinal dans les Vosges, l'auvent d'un centre de tri des déchets réutilise la charpente d'un manège de chevaux de Gennevilliers (Hauts-de-Seine).

"Cela parait être du bon sens, mais il n'y a que 1% de réemploi de matériaux toutes filières confondues", relève Amor Ben Larbi.

Jusqu'à présent, le marché est surtout tiré par les donneurs d'ordre qui veulent faire baisser leur empreinte carbone: par exemple "la SNCF est très demandeuse d'aciers de réemploi pour ses constructions neuves", illustre-t-il.

Une plateforme d'échange de matériaux

Le site Opalis.eu, créé par l'association belge de promotion du réemploi Rotor, recense les entreprises spécialisées dans le réemploi de matériaux dans toute l'Europe.

Sous la pression notamment de la loi Agec sur l'économie circulaire de février 2020, la filière métallique s'est lancée dans un vaste chantier pour définir de nouvelles normes pour les produits réemployés, et garantir leur assurabilité.

En janvier, elle a lancé sa propre plateforme d'échange de matériaux baptisée Métal Réemploi à destination de potentiels bâtisseurs de hangars. On y trouve une charpente de 1.500 mètres carrés en Occitanie pour 30.000 euros, ou un escalier industriel en colimaçons pour 13.000 euros. Les inscriptions sont gratuites pour l'instant.

Le CTICM propose aussi une camionnette équipée qui va se déplacer dans tout le pays pour aider les entreprises désireuses de démolir un bâtiment à diagnostiquer leurs matériaux réutilisables.

"Nous visons 10 à 15% de la ferraille démontée", fait valoir Amor Ben Larbi. Le reste est destiné à produire de l'acier recyclé.

"Une fois estimée la part d'une structure métallique pouvant être réemployée, il faut repérer chaque poutre, l'étiqueter puis établir une fiche d'attestation de performance par produit", explique-t-il.

"Massifier le réemploi, pour faire baisser les prix"

"Aucun bâtiment neuf ne sera bâti avec 100% de réemploi, ce que nous voulons c'est permettre d'utiliser un pourcentage d'acier réemployé avec toutes les garanties de sécurité qui s'imposent", souligne Karine Leempoels de la société de construction métallique Viry, filiale du constructeur Fayat.

"Il faut être sûr que le produit a les mêmes qualités que le neuf en termes de solidité, durabilité, résistance."

Problème, le coût d'une démolition soignée, permettant la réutilisation, renchérit les prix du métal. Pour l'instant, le métal de démolition est encore "plus cher" que du neuf, admet Amor Ben Larbi.

"L'idée c'est de massifier le réemploi, pour faire baisser les prix, mais pour être rentable il faut qu'il reste local", relève-t-il.

Pour lutter contre le risque de trafic, des fiches de traçabilité sont prévues avec noms et numéro Siret des entreprises qui les ont fabriquées, démontées, transportées, requalifiées et vendues. Des critères techniques d'élasticité ou résistance de l'acier y figurent également.

Et, qui sait, si les stades provisoires des Jeux olympiques construits en plein Paris ne trouvent pas d'autres destinations, peut-être les retrouvera-t-on sur Métalréemploi? s'amuse Nicolas Pouvreau, délégué-général de la Maison de la Construction Métallique (MCM).

MC avec AFP