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Freebox Delta : Free joue la carte de la valeur et du premium

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La nouvelle box de Free intègre beaucoup, beaucoup de services et de technologies. Un puissant levier pour valoriser ses tuyaux mais le ticket d’entrée pourra rebuter. Iliad cherche clairement la valeur et se positionne comme le Apple de l’Internet domestique et abandonne du coup son tropisme low-cost et la guerre des prix.

« Indéfinissable », « du jamais vu », « effet waou »…, Xavier Niel et ses lieutenants n’ont pas eu de qualificatifs assez forts pour faire monter la sauce avant la présentation de la nouvelle et très attendue nouvelle Freebox.

Il faut dire que l’opérateur était attendu au tournant. Sa précédente box, la Révolution, date déjà de 7 ans, un âge avancé qui a incité les consommateurs de se détourner de Free lors des derniers trimestres, à la faveur des opérations de promotion de ses concurrents. Le groupe a ainsi perdu des clients dans le fixe et dans le mobile pendant une bonne partie de l’année et son action a particulièrement souffert.

Se démarquer est donc essentiel et on se doutait que Free n’allait pas jouer la carte du low-cost pour cette nouvelle offensive. Au contraire. Cette Freebox Delta, c’est son nom, est clairement un concentré de technologies dont la liste est longue comme le bras. Un peu trop longue même, diront certains, tant cette Freebox ressemble à un couteau suisse.

Mais le challenge est simple : il s’agit de valoriser les colossaux investissements dans les réseaux et éviter à tout prix de devenir un simple tuyau. La question de l’innovation mais surtout des contenus (la stratégie de SFR) est donc essentielle pour générer des marges.

Free se met aux contenus avec Netflix inclus

«Elle est exceptionnelle », assène d’entrée Xavier Niel lors de la présentation ce mardi matin dans les locaux parisiens d’Iliad, la maison mère de Free. « C’est une première, jamais une box n’a additionné ces milliers d’euros de composants et de services. Aucun opérateur ne l’a fait et cela restera un standard de marché pendant longtemps », poursuit le dirigeant qui précise que tout a été développé en interne, « là encore, on est les seuls à faire ça ».

Résultat, la Freebox Delta est clairement une machine de guerre. Comme nous vous le révélions, la partie modem (Freebox Server) supporte un débit maximum de 10 Gb/s en fibre optique (10 millions de foyers éligibles pour le moment), soit la box la plus « rapide » du marché à condition bien sûr d’avoir un débit équivalent, ce qui n’est pas le cas pour le moment. Mais Xavier Niel voit loin : « cette box aura un cycle de 8 ans », façon de dire que les débits pour les abonnés vont augmenter durant cette période et que Free sera prêt pour les distribuer.

Comme prévu, elle intègre également un routeur 4G qui permet d’être agrégé au DSL pour doper celui-ci dans les nombreuses zones où il est faiblard et proposer 200 Mb/s maximum. Si l’intégration dans une box est une première, les solutions 4G fixe sont disponibles depuis longtemps chez les concurrents. Par ailleurs, on peut s’interroger sur la disponibilité de cette 4G puisque le réseau de Free Mobile est parcellaire, notamment en régions. Qui sera éligible ? Free ne le précise pas pour le moment.

Comme prévu encore, elle supporte la dernière génération du Wi-Fi qui permet de bien couvrir un foyer. On trouve également un disque dur de 1 To (soit 1000 Go) amovible et dont les contenus sont facilement transférables. Surprise, sont présents 4 autres emplacements ce qui permet de hisser le stockage théorique à 20 To.

Bref, la partie « réseau » offre ce qui se fait de mieux en matière de puissance et de vitesse. De là à parler de révolution… Mais c’est bien du côté du « player », le second boitier qui sert à distribuer la télévision qu’il faut regarder.

Enceinte, assistant, Presse, alarme, et quoi encore ?

A ce niveau, Free dévoile une box designée par Jasper Morrison qui livre là un bel (mais imposant) objet mais c’est presque un détail. Très orientée multimédia et domotique, elle intègre la technologie Devialet pour le son (les rumeurs étaient une fois encore justes).

On a donc affaire à une vraie enceinte connectée composée de 6 haut-parleurs permettant une spatialisation du son à 360° et évidemment pilotable depuis son smartphone. Il s’agit là d’une vraie valeur ajoutée surtout quand on connaît le succès des enceintes connectées actuellement. Et le label Devialet est un argument de poids pour les mélomanes.

Et qui dit enceinte connectée, dit assistant personnel. La Freebox Delta intègre donc Amazon Alexa qui répondra à toutes vos questions vocales.

Côté images, Delta est compatible avec la 4K HDR mais surtout inclut enfin nativement Netflix et le bouquet TVbyCanal. Gratuitement. Une très belle valeur ajoutée par rapport à la concurrence où il faut s’abonner à ces plates-formes en supplément (à partir de 8 euros par mois pour Netflix par exemple) mais une simple mise à niveau au niveau de l’offre puisque Netflix est déjà disponible dans les box concurrentes. Sans oublier le catalogue de 600 chaînes et sa nouvelle interface TV complètement repensée. 

« On assiste clairement à un important virage de la part de Free, une remise en cause qui est saine », commente Renaud Kayanakis, senior manager au sein du cabinet SIA. « Le marché des télécoms atteint ses limites, il faut aller plus loin. C’est surprenant de la part de Free de s’engager autant dans les contenus mais l’offre est bien marketée ».

« C’est clairement une manière de préempter l’avenir »

Et pour piloter tout ça, Free ne propose pas une mais deux télécommandes, une basique et une seconde tactile avec écran contextuel en fonction de son usage et recharge par induction. Pas mal.

Mais ce n’est pas tout. Et c’est à ce moment qu’on se dit, ils en font peut-être trop. Delta propose également un pack sécurité pour sa maison avec détecteur de mouvement et de bruits suspects, alarme, liaison avec un agent de sécurité, le tout gratuitement. La concurrence propose déjà ce type de services mais c’est la première fois qu’ils sont nativement intégrés à une box.

Toujours du côté de la domotique, le boîtier est compatible nativement avec les objets connectés utilisant le protocole Sigfox.

Enfin, toujours du côté des contenus, qui pourtant n’ont jamais été stratégiques chez Free…, Delta inclut gratuitement un accès à LeKiosk et ses 1000 journaux et magazines en accès illimité.

L’offre est-elle surdimensionnée ? Cette agrégation de services et de technologies est-elle pertinente ? « On se disait pareil avec la Révolution. En fait c’est pertinent compte tenu du cycle de vie de cette box. C’est clairement une manière de préempter l’avenir. Bien sûr, peu ont besoin de 10 Gb/s aujourd’hui et peu font de la domotique mais ça va arriver et Free sera prêt pour attirer ces consommateurs », souligne l’analyste.

Alors évidemment, si on additionne le prix des composants et des services, on atteint selon Thomas Reynaud, directeur général, 2400 euros de hardware et 100 euros par mois de services. De quoi faire passer la pilule du prix de l’abonnement.

Cette Delta tout-en-un ne s’adressera certainement pas à la Mamie du Cantal car il faudra débourser 49,99 euros par mois pour l’abonnement et 10 euros par mois pour l’enceinte/assistant/playerTV Devialet pendant 48 mois (ensuite, on en devient propriétaire). Soit une douloureuse jamais vue en France de 59,99 euros par mois pendant 4 ans. Il est néanmoins possible d’acheter une fois pour toute l’enceinte pour 480 euros.

Abandon du bas du marché et de la guerre des prix

« 60 euros, ce n’est pas neutre, c’est même osé. Surtout qu’il faut être à la fois technophile, cinéphile, et audiophile pour avoir besoin de tout ce qui est offert dans l’immédiat. Le prospect peut se dire : ‘je n’ai pas besoin de tout ça’. Mais dans cette stratégie de valorisation, c’est logique. La crainte vient de la lisibilité de l’offre, avant c’était un seul prix, désormais il y en a plusieurs, c’est contraire à leur philosophie de départ. », analyse Renaud Kayanakis.

Cette nouvelle Freebox vise donc le haut du marché mais répond au dilemme de Free : séduire à nouveau sa communauté de technophiles, reprendre la position d’innovateur, et surtout jouer la carte de la valeur plutôt que celui du volume.

Un peu comme Apple et ses iPhone qui est celui qui marge le plus malgré des volumes inférieurs à ceux de ses concurrents. Free assume donc des perspectives de ventes moins volumiques avec ce produit très CSP+ mais vise l’augmentation de l’Arpu (revenu moyen par abonné) via le prix de l’abonnement mais aussi des services additionnels. Netflix est ainsi proposé en version basique et il s’agit d’inciter les clients à payer un peu plus pour profiter de la 4K par exemple.

Pour les volumes, Iliad mise sur la Freebox One, version « basique » de la Delta qui intègre certaines innovations comme la TV 4K HDR, la nouvelle interface, Netflix pour 39,99 euros par mois (29,99 euros pendant un an). De quoi viser le « gros » du marché, les utilisateurs lambda, mais on regrettera que la fonction qui aurait pu séduire cette cible, à savoir l’ajout de la 4G fixe, soit absente.

A ce prix, cette version d’entrée de gamme n’est pas low-cost et « c’est une déception », pour l’analyste. « Free abandonne clairement ce segment à ses concurrents Orange et SFR alors que c’est son ADN. C’est risqué d’abandonner le bas du marché comme ça ».

En tout cas, la bourse salue cette offensive. Le titre Iliad gagnait plus de 4% en séance à Paris alors que le CAC est orienté à la baisse.

Olivier CHICHEPORTICHE