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La famille Louis-Dreyfus refuse de lâcher les rênes de son armateur

La société veut ouvrir son capital mais des investisseurs sont prêts à en prendre le contrôle. Un sujet sensible pour l’une des plus vieilles familles industrielles françaises.

La si secrète famille Louis-Dreyfus est prête à ouvrir son empire mais tient à le conserver. Selon plusieurs sources, Louis Dreyfus Armateurs (LDA) a mandaté deux banques d’affaires, Rothschild et Oddo, en vue de trouver des investisseurs prêts à entrer à son capital.

Il s’agit "pour le moment, de vendre une part minoritaire, assure un proche du groupe familial. Il a besoin de plusieurs centaines de millions d’euros pour acheter des bateaux".

Le propriétaire Philippe Louis-Dreyfus et ses enfants, dont le président du directoire Édouard Louis-Dreyfus, ne peuvent pas financer seul leur groupe qui réalise 260 millions d’euros de chiffre d’affaires. Sauf que dans le secteur du transport maritime, personne ne doute que ce processus "est une façon polie de mettre en vente" assure un spécialiste. "La famille n’ose pas dire clairement qu’elle est prête à céder", abonde un autre bon connaisseur du dossier.

Des investisseurs veulent le contrôle

"Tout est ouvert, reconnait un proche de LDA. Nous verrons bien les offres que nous aurons sur la table." Un schéma intermédiaire pourrait consister, par exemple, à vendre une part minoritaire dans un premier temps, avec option pour céder le contrôle à terme.

"Il n’y aura pas de vente du contrôle et Édouard Louis-Dreyfus l’a dit, martèle pourtant un porte-parole de l’armateur. Après, on ne peut pas empêcher des investisseurs d’avoir d’autres envies."

Ces dernières semaines, quelques industriels du secteur et fonds d’investissement ont été approchés. Et tous réclament d’avoir le contrôle de l’entreprise. Les premières marques d’intérêt sont attendues à la rentrée pour une clarification de la situation à la fin de l’année.

L’équation financière de Louis Dreyfus Armateurs reste fragile. Il y a deux ans, l’entreprise a vendu 13 navires dédiés au transport de marchandises à la banque américaine JP Morgan et à l’armateur MUR Shipping. Cette activité dite de "vrac" perdait de l’argent et dépendait trop des aléas du commerce mondial. Selon nos informations, la famille a dû la renflouer à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros.

L'avenir de la famille est en jeu

Désormais, LDA est concentré sur le déploiement des éoliennes en mer, le transport et la pose de câble. Le groupe dispose notamment de deux contrats importants. Le premier avec Airbus, pour qui il construit et affrète les bateaux qui transportent les pièces d’avions construites en France vers les États-Unis. LDA assure un maillon essentiel de la chaine logistique de l’avionneur. Le second avec Alcatel Submarine Networks (ASN) qui pose des câbles sous-marins et que l’État vient de nationaliser la semaine dernière.

"Le sujet de fond pour le gouvernement, ASN et Airbus est que Louis Dreyfus Armateurs conserve le pavillon français", note un professionnel du secteur.

Face à cette double problématique financière et de souveraineté, l’avenir de LDA est aussi celui de la famille. Le patriarche Philippe Louis-Dreyfus a racheté la branche Armateurs du groupe familial en 2007. Son cousin Robert Louis-Dreyfus, plus connu comme ancien propriétaire d’Adidas et de l’Olympique de Marseille, avait conservé l’activité de négoce de matières premières. A sa mort, en 2009, sa femme Margarita a hérité de ses parts. Puis en 2018, elle a racheté celles de Philippe Louis-Dreyfus, dernier héritier de l’empire créé en 1851, encore aux manettes. C’est aussi sa trace dans l’histoire familiale qui se joue.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business