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Après avoir investi des millions dans son équipe, l'homme le plus riche de Suisse se plaint du manque d'audience de la Coupe de l'America

De nouveau en lice pour la Coupe de l'America après 14 ans d'absence, le milliardaire helvète Ernesto Bertarelli a investi 135 millions de dollars pour son équipe mais déplore un intérêt trop faible pour le plus vieux trophée sportif du monde.

C'est un pari osé que tente Ernesto Bertarelli à l'occasion de la 37ème édition de la Coupe de l'America. Vainqueur de cette prestigieuse course de voile en 2003 et 2007 avant de s'en retirer à partir de 2010, le milliardaire suisse a dépensé 135 millions de dollars pour reconstituer son équipe Alinghi Red Bull Racing au cours des trois dernières années.

Les premières régates ont débuté jeudi dernier à Barcelone lors de la Coupe Louis-Vuitton afin de désigner le challenger officiel de Team New-Zealand dans le cadre de la véritable Coupe de l'America qui se tiendra du 12 au 21 octobre prochain. Elle débute par des rondes préliminaires, où tous les défis s'affrontent en duel deux fois, avant des demi-finales et une finale qui déterminera enfin l'adversaire des Néo-Zélandais.

La première édition de la Coupe de l'America a eu lieu en 1851 quand le voilier du Yacht Club de New York s'est imposé face aux Britanniques du Royal Yacht Squadron, donnant au passage son nom au célèbre trophée. Les Américains ont ensuite dominé la compétition pendant plus de 100 ans, jusqu'en 1983, avant le succès historique et surprise de l'Australie. Ernesto Bertarelli est le premier européen à avoir remporté le plus vieux trophée sportif du monde.

Un "ticket d'entrée" pharamineux

D'après l'indice Bloomberg, la fortune du Suisse de 58 ans et de sa famille dépasse les 28 milliards de dollars et est principalement issue de l'entreprise pharmaceutique familiale Sorono, vendue, à Merck en 2007, ainsi que de sociétés de gestion de fortune et d'investissement financier. Ernesto Bertarelli possède également une participation dans le constructeur britannique Aston Martin.

En Catalogne, il retrouve d'autres grandes fortunes passionnées de voile comme l'ancien PDG et aujourd'hui administrateur délégué du groupe de luxe Prada Patrizio Bertelli mais aussi Doug Devos qui co-dirige le géant Amway ou encore le patron d'Ineos Jim Ratcliffe qui a récemment racheté plus de 27% des parts de Manchester United et avait déjà investi 144 millions de dollars pour l'édition 2021 de la course de voile.

Chacun dépense des sommes conséquentes afin d'aligner tous les trois ou quatre ans le voilier le plus rapide, alors que la vitesse des bateaux de la Coupe de l'America peut flirter avec les 50 noeuds, soit 100 km/h. À titre d'exemple, le cofondateur d'Oracle Corporation Larry Ellison a investi pas moins de 750 millions de dollars au cours des cinq éditions auxquels il a pris part.

"Drive to survive" version course de voile

Malgré ces investissements collossaux, Ernesto Bertarelli regrette que cette course de voile vieille de 173 ans ne jouisse pas d'une exposition plus importante. "Nous avons plus d'héritage que n'importe quel autre sport ici, l'histoire de cet événement, la rivalité, les histoires, les images. Il y a beaucoup de matériel pour promouvoir cet événement", estime pourtant le Suisse auprès de Bloomberg, lui qui espère voir la Coupe de l'America rivaliser avec d'autres compétitions de grande renommée comme les JO ou le tournoi de tennis de Wimbledon.

Selon une analyse de Nielsen, les pré-régates en Espagne et en Arabie saoudite l'année dernière ont généré une audience télévisuelle totale de 47 millions de personnes. Le skippeur néo-zélandais Grant Dalton évoque quant à lui plus de huit millions de vues sur les vidéos des courses du mois d'août. Il y a trois ans, la dernière édition de la Coupe de l'America avait enregistré une audience cumulée de quelque 68 millions de téléspectateurs entre les chaînes de télévision gratuite et en ligne: c'est autant que l'audience moyenne d'une seule course de Formule 1 en 2023.

Le milliardaire helvète aurait d'ailleurs souhaité qu'une équipe de tournage filme l'ensemble de la campagne pour produire une série dans le même esprit que "Drive to survive" sur Netflix afin d'éveiller l'intérêt pour cette course de voile. Cette année, la société de production Skydance Media LLC, détenue par David Ellison, fils de Larry Ellison, réalise un documentaire sur les coulisses de la compétition. Au-delà de l'audience télévisuelle, la Coupe de l'America accroît la fréquentation touristique puisque 2,5 millions de visiteurs supplémentaires devraient se rendre à Barcelone pendant toute la durée de la compétition.

Timothée Talbi