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"Mes chers amis, je pars": Bruno Le Maire quitte le ministère de l'Économie avec un record de longévité

Deux mois après la défaite du camp présidentiel lors des législatives en juin, Bruno Le Maire a fait ses adieux au ministère de l'Économie. Il ne fera donc pas partie du prochain gouvernement et s'en va avec le record de longévité à Bercy.

"Mes chers amis, je pars. Comme dirait Michel Sardou, je vous aime, mais je pars." C'est par cette référence musicale que Bruno Le Maire a officialisé jeudi son départ du ministère de l'Économie, sept ans après son arrivée. Deux mois après la défaite du camp présidentiel lors des élections législatives, il a fait ses adieux lors d'un discours devant 1.200 personnes dans la cour du ministère.

Soutien d'Emmanuel Macron dès sa victoire en 2017, Bruno Le Maire a vécu une renaissance politique à Bercy, après son échec cuisant à la primaire de la droite. Il s'en va en détenant le record de longévité au poste de ministre de l'Économie.

"Je pars avec le sentiment profond que ces 7 années ont été utiles pour la France."

Dans son discours d'adieu, Bruno Le Maire a tenu à remercier les ministres qui l'ont accompagné durant son "septennat" à Bercy: Delphine Genny-Stephan, Benjamin Griveaux, Marlène Schiappa, Olivia Grégoire, Roland Lescure, Thomas Cazenave, Marina Ferrari, mais aussi Gérald Darmanin et Gabriel Attal.

Du "quoi qu'il en coûte" au nécessaire sérieux budgétaire

Au cours des sept dernières années, Bruno Le Maire a cherché à s'imposer comme l'incarnation du "paquebot" Bercy, pilotant l'économie française à travers les crises à coup d'aides massives, avant de devoir enclencher un redressement des finances publiques, fortement dégradées, tout en promettant de continuer d'alléger les impôts des entreprises comme des ménages. Il a aussi fait du plein-emploi et de la réindustrialisation de la France des priorités, y voyant les conditions nécessaires d'une croissance durable.

"Contre la valse des impôts, nous avons fait le choix de la stabilité fiscale, contre le déclassement des classes moyennes, nous avons revalorisé le travail, contre les délocalisations de masse, nous avons engagé la réindustrialisation des territoires, contre le Frensh bashing, nous avons fait de la France la nation la plus attractive en Europe", a-t-il résumé jeudi.

Cette grande transformation économique ne doit pas être une parenthèse dans la vie de notre nation. Elle doit être le socle de nos ambitions économiques nationales futures.

Après avoir délié les cordons de la bourse pour faire face à la pandémie Covid (qu'il a décrite comme le "moment le plus intense" de son passage à Bercy), Bruno Le Maire a cherché à convaincre de la vertu budgétaire française, appelant à mettre fin au "quoi qu'il en coûte" et à redresser des comptes publics fragilisés par les crises. Au point que la France a été épinglée par la Commission européenne pour déficit excessif et dégradée par l'agence de notation S&P.

"La France ne doit pas revenir en arrière" en matière d'impôts

Après la reprise post-Covid, en effet, la croissance a ralenti, le déficit public a dérapé (5,5% en 2023 et potentiellement 5,6% cette année) et la dette a explosé (presque 3.160 milliards d'euros à fin mars, environ 111% du PIB). Des dizaines de milliards d'euros d'économies supplémentaires ont dû être annoncés en début d'année.

"La France ne doit pas revenir en arrière sur le rétablissement de ses comptes publics. Elle doit continuer de se fixer pour objectif de revenir sous les 3% de déficit en 2027", a martelé Bruno Le Maire.

"Après les crises, nous avons pris une ligne de fermeté sur les comptes publics. Cela ne nous vaut pas que des amis. Pourtant, la sagesse recommande de tenir cette ligne, de réduire la voilure des dépenses, d’en étaler certaines, d’en reporter d’autres. Toute autre décision conduirait mécaniquement à augmenter les impôts ou à plonger la France dans des difficultés financières aiguës et immédiates", a-t-il ajouté.

Dénonçant "l’hypocrisie française: on veut de la dette en moins et des dépenses en plus", Bruno Le Maire a également appelé à ne "pas revenir en arrière non plus sur les impôts". "Si nous voulons livrer un combat fiscal, livrons-le au niveau international": taxons à un juste niveau les plus grandes fortunes de la planète."

Retour à l'enseignement

Après avoir tiré le bilan de son septennat aux manettes du ministère de l'Économie, Bruno Le Maire a esquissé son avenir. Il ne peut pas revenir dans la fonction publique, puisqu'il en a démissionné. "Cela devrait être la règle pour tous: on entre en politique, on sort de la haute fonction publique", a-t-il glissé.

Bruno Le Maire a indiqué vouloir "respirer un air différent de celui de la politique" et fait part de sa volonté de revenir à l'enseignement.

"Mon premier poste a été à l’université de Lyon II, comme professeur de lettres, il y a 30 ans (...) Je suis heureux de reprendre le chemin des cours, cette fois sur les sujets économiques et géopolitiques."

S'il n'a pas précisé où il dispenserait son enseignement, cela pourrait être en Suisse: en juillet, l'Université de Lausanne avait confirmé des "discussions" avec celui qui était encore ministre démissionnaire. Mais Bruno Le Maire a écarté l'éventualité d'un déménagement définitif: "Je continuerai naturellement à habiter en France, qui est ma patrie, ma vie, ma passion".

Et si Michel Sardou a servi à ouvrir son discours, c'est avec Aristote qu'il a conclu: "Dans toute action, le bien, c'est la fin, car c’est en vue de cette fin qu’on accomplit tout le reste". "Peut-être que c’est en vue de cette fin si chaleureuse, dans cette cour, avec vous, que nous avons accompli ensemble tout ce qui a été accompli depuis sept ans", a terminé le ministre, ému, avant d'être vivement applaudi par les collaborateurs de Bercy.

Clément Lesaffre et Paul Louis avec AFP