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Route du Rhum: "Je suis au milieu des flammes", le récit terrifiant du naufrage d’Amedeo

Lundi, l’Imoca de Fabrice Amedeo (Nexans-Art & Fenêtres) a coulé au large des Açores après une explosion. Sain et sauf, le skipper a été secouru par un cargo après plusieurs heures sur un radeau de survie. Sur son site internet, il a raconté en détails son calvaire.

"La mort n’a pas voulu de moi aujourd’hui." Quelques heures après le nauffrage de son Imoca Nexans-Art & Fenêtres au large des Açores sur la Route du Rhum 2022, Fabrice Amedeo (44 ans) sait qu’il a échappé au pire. Lundi, l'expérimenté skipper a vu son bateau couler en flammes sous ses yeux après une explosion. Secouru par un cargo après avoir passé plusieurs heures sur un radeau de survie à lutter contre les éléments, il a livré le récit détaillé de cette aventure terrifiante.

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“Bonjour à tous. Je suis sain et sauf sur un cargo, le M/V MAERSK BRIDA qui va me déposer aux Açores demain matin (ce mardi), écrit Fabrice Amedeo sur son site internet. Mon Imoca Nexans–Art et Fenêtres a coulé en flamme sous mes yeux. Ce sont tous mes rêves qui se sont engloutis avec lui", s’attriste le skipper sur son site internet. Avant de revenir presque minute par minute sur sa terrible mésaventure.

"Lundi après-midi: grosse fumée à bord du bateau, se souvient le skipper. Je donne un coup d’extincteur, j’enfile ma TPS (combinaison de survie), j’alerte la direction de course qui demande à un concurrent en Imoca de se dérouter pour me porter assistance en cas de besoin. La fumée finit par s’arrêter. Je décide de reprendre ma route vers Cascais (Portugal). J’assèche complètement le bateau et me prépare à une navigation difficile. Je dors deux heures hier soir (dimanche) pour me remettre de mes émotions puis barre 6 heures cette nuit."

"Un torrent de flammes sort de la cabine"

“Peu après 12h30, nouvelle fumée à bord. Suivie d’une explosion, poursuit Amedeo. Je retourne chercher mon alliance. Je donne un coup d’extincteur mais rien n’y fait. La fumée n’est pas blanche comme hier mais jaune. Le cockpit se gondole et jaunit. Les embruns d’eau de mer font comme le bruit de l’eau sur une casserole. Je comprends que je vais devoir évacuer. Je préviens mon équipe d’une possible évacuation. Au moment où je raccroche, je suis alors à l’arrière du bateau prêt à déclencher ma survie: un torrent de flammes sort de la cabine et de la casquette. Je suis au milieu des flammes. Je ne peux même pas ouvrir les yeux. Je parviens à pousser le radeau de survie à l’eau et à sauter. Normalement le bout qui tient la survie au bateau est censé lâcher. Il ne lâche pas."

“Je crois que c’est ici que tout s’est joué et que les choses ont basculé du bon côté. Je me dis 'si tu veux vivre, tu as quelques secondes pour trouver le couteau et couper'. L’Imoca me tire à lui. Les vagues me ramènent dangereusement à lui. Je trouve finalement le couteau et coupe. Mon radeau dérive sous le vent de l’imoca qui est en flammes. Il va mettre 30 minutes à sombrer. Je lui ai parlé et l’ai remercié. Nous devions faire le tour du monde ensemble dans deux ans."

"Ce soir, ma femme et mes filles ne vont pas se coucher en pleurant"

Désormais à bord de son radeau de survie, et alors que son bateau vient de sombrer dans les abimes, Amedeo a ensuite dû s’organiser pour prevenir les secours. "Au bout d’un moment, une voix me répond. Un cargo qui se trouve à 6 milles de ma position arrive sur zone. Je suis rassuré mais ne vois pas comment je vais monter à bord d’un tel mastodonte avec cette mer. (...) Il tente une première approche qui échoue. C’est très impressionnant d’être dans mon radeau pneumatique à quelques mètres de ce géant d’acier. Il s’excuse à la VHF et repart pour une approche. À son passage, la mer se hache, le radeau se remplit abondamment d’eau. Il se repositionne à mon vent, à quelques mètres, c’est dingue, et dérive vers moi. Cet immeuble calme un peu la mer et m’aspire. Le radeau frotte contre la coque de l’avant vers l’arrière. Si ça ne marche pas, la suite va être compliquée. L’équipage me lance des cordes que je ne parviens pas à récupérer dans un premier temps."

Finalement, le skipper est parvenu à se hisser sur ce géant des mers grâce à l’aide des membres de l’équipage. "C’est une fois à bord du cargo que la peur et l’adrénaline sont venues. Mes jambes tremblaient. C’est fou cette capacité animale qu’a l’Homme à gérer une situation de survie. Et puis ça retombe. La mort n’a pas voulu de moi aujourd’hui ou plutôt la vie n’a pas voulu que je la quitte. Je suis dévasté mais le plus heureux des hommes car ce soir ma femme et mes filles ne vont pas se coucher en pleurant", confie le skipper, tout en concluant que "cette aventure n’altère en rien (sa) passion pour (son) métier et pour l’océan".

F.Ga