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Boxe: Pourquoi Mbilli entre dans une nouvelle dimension contre Derevyanchenko

Très bien placé pour obtenir une chance mondiale chez les super-moyens, Christian Mbilli passe un énorme test ce week-end à Québec face à l’expérimenté Sergiy Derevyanchenko (en direct à partir de 3h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport Live 2). Le premier combat d’un contrat de co-promotion avec Top Rank qui doit ouvrir au boxeur franco-canadien né au Cameroun les portes vers son rêve de ceinture planétaire.

La déclaration sonne comme une promesse. "On passe au niveau au-dessus. Si je le bats d’une façon spectaculaire, ça va propulser ma carrière à un niveau supérieur. Après ce combat, tout va être possible." Christian Mbilli le sait. Face à Sergiy Derevyanchenko, son adversaire ce week-end à Québec (Canada), le boxeur franco-canadien – il a obtenu la nationalité canadienne ces derniers mois – né au Cameroun va passer son plus gros test en carrière, et de loin. Le genre de rendez-vous qui ouvre des portes et vous fait entrer dans une nouvelle dimension si on en sort les bras levés.

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Parfait. Car il en a bien besoin. Dans le top 3 du classement des quatre fédérations majeures de boxe professionnelle chez les super-moyens, numéro 1 WBC, numéo 2 WBA, numéro 3 WBO et IBF, Mbilli (27-0, 23 KO, 29 ans) attend depuis quelques temps déjà sa chance mondiale. Problème? Le roi de la catégorie est la superstar mexicaine Saul "Canelo" Alvarez, un des plus grands noms de la discipline, détenteur des ceintures WBC, WBA et WBO (la version IBF lui a été retirée en raison de son choix de combattre Edgar Berlanga le 14 septembre). Un garçon qui fait globalement ce qu’il veut vu sa puissance financière.

Pour lui, Mbilli est un adversaire à risque élevé et faible récompense. Très dangereux dans le ring mais pas assez populaire, pas assez dans la lumière médiatique et pas assez intéressant sur le plan économique pour compenser ça. Pour toucher le Graal, grimper au sommet des classements ne suffit pas. Il faut se rendre incontournable et inévitable aux yeux du public et des spécialistes. "Ça va prendre du temps avant de gagner l’espèce de respect de l’industrie, surtout américaine, détaille Marc Ramsay, un de ses coaches. Il y a beaucoup de politique, beaucoup de choses qui se jouent en arrière-scène. On va forcer les choses, forcer ces gens-là à nous affronter."

Compliqué voire impossible quand on affronte des Mark Heffron, Rohan Murdock ou Demond Nicholson, ses trois derniers adversaires en date, tous arrêtés avant la limite (et même avant la fin du premier round pour le premier). Mais avec Sergiy Derevyanchenko (15-5, 10 KO, 38 ans), contre qui il va défendre ses titres internationaux mineurs WBC Continental Americas et WBA Intercontinental, c’est une autre histoire. La conséquence d’une signature qui peut tout changer pour lui.

Parti s’installer au Québec après les Jeux de Rio en 2016, où il avait raté la médaille en s’inclinant en quart face au futur champion olympique cubain Arlen Lopez, Mbilli est lié depuis plusieurs années au promoteur Camille Estephan et sa société Eye Of The Tiger. De quoi construire sa carrière pro et bénéficier lors de ses derniers combats d’une exposition sur le réseau ESPN suite à un partenariat entre les deux. Mais le garçon a encore franchi une étape supplémentaire en signant ces dernières semaines un contrat de co-promotion avec le mastodonte américain Top Rank, géant de la discipline mené par son célèbre patron Bob Arum et dont les soirées sont diffusées par ESPN aux Etats-Unis. "

C’est un gros changement dans ma carrière, appuie Mbilli au micro de RMC Sport. Ils ont fait la promotion de Mayweather, Ali, tous les grands noms de l’histoire de la boxe. Avec leur puissance médiatique et leur connaissance de la boxe, on a tout pour aller chercher cette ceinture mondiale. C’était la marche qui manquait. Tu as besoin d’une grosse télé américaine pour avoir cette grosse visibilité qui fait en sorte que les fans vont demander des combats. C’est là que les promoteurs et les boxeurs commencent à se regarder et à négocier."

"Ce serait un putain de message..."

Son choc face à Derevyanchenko sera le premier combat de cette association qui va tout changer. Et l’intéressé a vite vu la différence dans la qualité de l’opposition proposée. "On s’est fait proposer trois-quatre adversaires par la chaîne de télévision ESPN, raconte Samuel Decarie-Drolet, son autre coach. Quand Christian a vu la liste, il a tout de suite dit qu’il voulait Derevyanchenko." L’expérimenté Ukrainien, 38 ans, affiche cinq défaites en vingt combats professionnels. Mais il n’est tombé que face à de très jolis noms, Daniel Jacobs, Gennadiy Golovkin, Jermall Charlo, Carlos Adames, dont trois fois pour un titre mondial. Et il n’a jamais été mis KO.

Très solide. Exactement ce qu’il fallait pour faire décoller "Solide" (son surnom). "C’est le test ultime, le gars à battre si on est vraiment sérieux dans notre démarche, rappelle Marc Ramsay. On ne voulait pas simplement attendre le championnat du monde ou le grand combat avec Canelo ou David Benavidez. On voulait garder Christian actif." Ils n’auraient pas pu rêver mieux pour le faire. Affronter Derevyanchenko dessine l’idée d’un point de bascule.

Top Rank lui a consacré un mini-documentaire de neuf minutes, publié sur YouTube et titré The Next Big Thing (le prochain grand nom, en gros), dans lequel celui dont l’idole en boxe se nomme Mike Tyson – il regardait et imitait ses vidéos plus jeune et pense "avoir un style similaire, super agressif, spectaculaire" – raconte son parcours et ses objectifs. Sans oublier d’annoncer la couleur, celle d’une machine à KO, pour ceux qui commencent à le découvrir: "Je promets aux fans américains des feux d’artifice à chacun de mes combats". Des images symboles des espoirs placés en lui par son nouveau co-promoteur.

Et si tout se passe bien, il y aura un avant et un après Derevyanchenko. "Si Christian arrive à le battre avant la limite, ce qui n’a jamais été fait, ce serait un putain de message dans cette catégorie, lance John Dovi, ancien manager de l’équipe de France olympique qui connaît très bien Mbilli. Rencontrer un boxeur comme lui va l’obliger à se poser des questions, à se creuser la tête. Ça le prépare pour les futures échéances et pour devenir champion du monde. Ce combat-là devrait le positionner. La catégorie est en train de bouger et tout peut arriver du jour au lendemain."

Avec un Canelo qui commence à lâcher des ceintures, des voies vont s’ouvrir. Le titre IBF sera par exemple bientôt disputé entre William Scull et Vladimir Shishkin. L’homme juste derrière le Cubain et le Russe au classement? Mbilli, passé numéro 1 du classement The Ring (derrière le champion Canelo) suite au départ de David Benavidez dans la catégorie supérieur. Pour garder toutes les options sur la table, il faut juste continuer à gagner. Avec la manière si possible, et on peut lui faire confiance pour ça, histoire de s’installer pour de bon dans la tête des aficionados du noble art… "Il faut juste le découvrir et ça va être le coup de foudre assuré", sourit Samuel Decarie-Drolet.

Mbilli a conscience de la mission devant lui: "Je dois impressionner les fans pour pouvoir combattre pour un titre. J’ai besoin de continuer à prouver et j’espère que j’aurai vite ma chance. J’espère qu’on va montrer à tout le monde que je suis la prochaine superstar de cette division. Je suis très heureux qu’on me voie comme ça. C’est un honneur. Et un peu de pression aussi. Mais je vais travailler très dur pour que ça arrive." Conquérir le monde en seul horizon. En donnant tout pour atteindre son but. "Chaque décision de sa vie est prise pour réaliser son rêve, confie Marc Ramsay. Chaque chose qu’il mange, chaque exercice qu’il fait, tout est fait en fonction de ça."

"Toute ma vie, c’est la boxe, appuie l’intéressé. Je dors boxe, je vis boxe, je mange boxe." Mbilli a rendez-vous avec son futur ce week-end. Et il ne compte pas se rater. "Chaque combat est décisif. On n’a pas le droit à l’erreur. Mon objectif va être de le démolir round après round. Il me faut une meilleure victoire que toutes ses défaites jusqu’à maintenant. (…) Derevyancheko, j’espère que tout va bien pour toi. Tu vas être dans le plus gros combat de ta carrière. Sois prêt." Sa victoire symboliserait aussi un peu la prise de pouvoir d’une nouvelle génération dans la catégorie. Et s’il n’obtient pas sa chance mondiale tout de suite après, Mbilli pourrait lorgner sur Jaime Munguia, autre signature récente de Top Rank, dernier adversaire en date de Canelo et l’homme qui le suit au classement WBC. Montez dans le train Christian Mbilli. Désormais, il avancera seulement à grande vitesse. Tout droit vers sa destination finale: le trône mondial.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport