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Coupe du monde 2022: pourquoi la compétition fait-elle polémique ?

Depuis plusieurs fois, la fronde monte contre le Qatar, pays organisateur, et les potestations se multiplient dans le monde. Enjeux climatiques, droits humains...Pourquoi le pays du golfe est pointé du doigt, à moins de deux mois du Mondial ?

Plus de dix ans après la désignation du Qatar pour organiser la Coupe du monde 2022 et à moins de deux mois de celui-ci, les polémiques liées à l'environnement, aux droits humains ne faiblissent pas.

Une situation critique en terme de droits humains

Cinquante travailleurs immigrés sont morts et plus d'un demi-millier ont été grièvement blessés l'an passé au Qatar en plein chantier pour accueillir le Mondial 2022 de football avait indiqué il y a un an l'Organisation internationale du travail (OIT). Les ONG internationales pour le traitement réservé aux centaines de milliers de travailleurs venus notamment d'Asie sur les grands chantiers de la Coupe du monde. La plupart des travailleurs immigrés décédés en 2020 sont morts lors de chutes ou d'accidents de la route, en majorité sur leur lieu de travail. Par ailleurs, 506 travailleurs immigrés ont été grièvement blessés sur cette même année et 37.600 autres ont subi des blessures légères ou modérées.

Le quotidien britannique The Guardian chiffrait l'année dernière à plus de 6.500 le nombre de travailleurs immigrés morts au Qatar depuis 2010. Doha avait démenti ces informations mais a toujours refusé de publier des chiffres officiels. Un chiffres souvent mal compris en 6.500 morts sur les chantiers de la Coupe du monde, ce qui n'est pas ce que disait le rapport publié dans le Guardian.

Au delà de ces chiffres très inquiétant sur le traitement réservé aux travailleurs, pour la plupart immigrés, les conditions d'accueil des fans posent aussi questions. Une liste de règles à respecter pour les personnes accrédités et les supporters a recemment fuité sur un site officiel, avant que le comité d'organisation ne le dénonce. Il faut dire que les consignes étaient particulièrement strictes. Intitulé "Qatar : à faire et ne pas faire", le document comprenait 6 chapitres répartis sur 16 pages.

Il entre rapidement dans le vif du sujet. Avec en tête les rencontres avec les Qataris. Lorsqu’un étranger rentre dans un foyer, il doit saluer en premier la personne la plus âgée et celles qui ont un "statut supérieur." Toucher un enfant sur la tête est exigé, en signe de respect et pour lui signifier que "Dieu le bénisse".

Concernant l’approche envers les femmes, les règles sont strictes et sans équivoque: "Ne vous approchez pas des hôtes féminins avec vos mains, évitez les étreintes. Vous pouvez saluer les femmes verbalement en gardant une certaine distance." Fixer un Qatari est jugé "impoli" et "innaproprié". Par ailleurs, la main droite est reservée aux actions de la vie quotidienne, alors que la main gauche doit servir presque exclusivement à l'hygiène personnelle. S'asseoir les jambes croisés est par ailleurs considéré comme une insulte.

Les femmes doivent porter des pantalons longs ou jupes et des chemises longues couvrant la poitrine et la nuque. Les chemises sans manche, robes ou jupes courtes, bas courts, hauts courts sont strictement interdits. "Vous devrez vous assurer aussi que vos vêtements ne soient pas transparents et "pas trop serrés", stipule le code vestimentaire. Les règles sont similaires pour les hommes.

Le document se montre aussi clair sur l’alcool et la drogue. Il indique qu’il est interdit d’apporter de l’alcool, de la drogue, des produits à base de porc mais aussi tout élément lié à la pornographie. Beaucoup de règles sont donc à respecter, et elles vont bien souvent à l'encontre des libertés individuelles et de ce qui se fait dans les pays d'Europe par exemple. Sans parler du statut des minorités (comme les LGBT) qui risquent d'être en terre hostile, même si l'organisation a assuré qu'ils seraient les bienvenus.

Les enjeux climatiques largement bafoués

La construction ou la rénovation des enceintes qui vont accueillir le Mondial a necessité de gros moyens, rapides et efficaces, qui allaient bien souvent à l'encontre du respect de l'environnement. La FIFA prévoit un coût écologique de 3,6 millions de tonnes de CO2. Un chiffre sous-évalué "de 5 fois, voire plus" selon Gilles Dufrasne de l’ONG belge Carbon Market Watch. "Les stades construits ont une capacité de 40.000 à 50.000 visiteurs, mais la moyenne d’affluence du championnat professionnel qatari est de 4.000", analysait le spécialiste de la logistique durable Gilles Paché sur Radio Classique. Des tonnes de graines de gazon ont par ailleurs été importées des Etats-Unis et des stades à ciel ouvert sont climatisés. "Même en déplaçant la compétition en décembre, il était impossible de garantir des conditions idéales de jeu en dessous de 20 à 25 degrés", constatait le spécialiste.

Pendant le Mondial, de nombreux supporters résideront dans des pays voisins. Il faudra donc assurer leur acheminement vers les lieux des matches. Plusieurs pays voisins du Qatar vont mettre en place des navettes quotidiennes en avion pour acheminer les très nombreux supporters dans les stades. En raison de sa petite taille (2,8 millions d’euros) et de ses capacités d’accueil réduites, l’Emirat ne pourra pas héberger le flot de plus d’un million de supporters (1,2 million est attendu) venus du monde entier. Selon les estimations de l’Obs, plus de 160 vols quotidiens (l’équivalent d’un avion toutes les 10 minutes) vont être mis en place pour permettre aux supporters de se rendre dans les stades avant de regagner leur logement sur un vol retour. Flydubai, par exemple, "proposera jusqu’à trente vols aller-retour quotidiens entre Dubai et Doha". Une véritable aberration sur le plan écologique.

Le Qatar et la FIFA se défendent

Face à toutes ces attaques, les organisateurs ainsi que la plus grande instance du football ont organisé leur défense, quitte a parfois se tirer dans les pattes. Nasser Al-Khater, directeur de l'organisation de la Coupe du monde 2022, avait dès 2019 balayé les critiques concernant les droits humains et les conditions des travailleurs au Qatar.

"Malheureusement, la plupart des critiques qu'on reçoit proviennent de personnes qui sont dans leur canapé ou qui sont derrière leur ordinateur. Certaines ne sont jamais venues au Qatar, ou n'ont peut-être même jamais voyagé. Le monde est grand. Il y a beaucoup de cultures, beaucoup de traditions. J'invite les gens à voyager et à venir au Qatar pour se faire un avis avant de critiquer", avait déclaré Nasser Al-Khater au micro de RMC Sport.

Concernant le climat, le Qatar reconnaît des atteintes aux enjeux, mais réfute une partie des accusations. "Les stades ne seront utilisés qu‘un mois mais ils auront une durée de vie de 60 ans. Les organisateurs estiment donc que la Coupe du monde ne sera responsable que d’une petite portion des émissions" s'étaient-ils défendus dans des propos relayés par Radio Classique. La FIFA se défend avec l’exemple d’un stade construit avec des conteneurs par conscience écologique. Après la compétition, il sera démantelé pour être offert à un pays africain, a promis le Qatar.

Sur la polémique des nombreux trajets en avion, le Qatar promet en contrepartie de planter des millions d’arbres et compte aussi investir dans le marché des crédits carbones. Chaque crédit est censé représenter une tonne de CO2 qui a été "réduite" par quelqu’un d’autre.

Enfin la FIFA assure que le critère environnemental sera renforcé pour la sélection du pays hôte de l’édition de 2030.

Ce n'est pas la première fois que le Qatar fait face à ce type de polémiques. En 2021, des images de la cérémonie des médailles de la Coupe du monde des clubs au Qatar, avait beaucoup fait parlé, le président de la Fifa dénonce des "mensonges". Il réfute avoir demandé aux arbitres féminines de ne pas taper dans le poing du cheikh Joaan bin Hamad Al Thani, membre de la famille royale du Qatar, contrairement aux membres masculins de l'arbitrage qui passent avant ou après elles.

Plus récemment, un match test organisé en septembre avait occasionné de nombreux dysfonctionnements: des problèmes d’accès au métro, des problèmes de climatisation dans le stade ou encore une absence d’eau potable à la mi-temps. Autre inquiétude pour les 77 575 spectateurs, une absence de navette entre les parkings et le stade. Certaines personnes ont dû marcher pendant plus de trente minutes sous 35 degrés afin d’accéder aux portes de l’enceinte. D’autres n’ont pas trouvé de boissons fraîches dans le stade.

Praslin Bonnet