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"Les valeurs olympiques ont été bafouées", la réintégration des Russes divise le monde de l'escrime

Vendredi, la Fédération Internationale d'Escrime a validé le retour des athlètes russes et biélorusses à la compétition. Une décision qui divise fortement dans le monde de l'escrime. Explications.

La décision a fait grand bruit. Vendredi 10 mars, la Fédération Internationale d'Escrime (FIE) a été la première à acter officiellement le retour des athlètes russes et biélorusses à la compétition et ce dès le 3 avril prochain, date du début de la période de qualification pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Une décision approuvée par 89 pays sur les 136 votants.

"Je ne trouve pas ça juste "

Comme on pouvait s'y attendre, cette décision a fait du bruit dans le monde de l'escrime, provoquant notamment la colère de la Française Manon Apithy-Brunet, double médaillée aux Jeux olympiques de Tokyo : "Je m'y attendais un peu mais j'espérais le contraire. Pour moi les valeurs olympiques ont été bafouées. J'ai tout de suite envoyé un message à Olga (Kharlan, escrimeuse ukrainienne) et elle m'a dit qu'elle allait certainement arrêter les compétitons car son comité olympqiue allait décider de ne plus envoyer en compétition ses athlètes. Ce qui me touche, c'est que le gouvernement russe a cassé la trêve olympique en lancant la guerre et qu'ils vont probablement pouvouir faire les Jeux. Si en plus les Ukrainiens ne peuvent pas faire les JO car ils boycottent, je ne comprends pas. Je ne trouve pas ça juste. Je ne suis pas contre les athlètes russes car ce ne sont pas eux qui font la guerre. Mais ils doivent prendre parti de ne plus être Russes et doivent écarter tout ce qui correspond à cette guerre."

La directrice générale de la Fédération Française d'Escrime, Sylvie Le Maux, a également suivi de près le congrès. Elle essaye de tempérer et d'expliquer la décision qui a été prise. "Il faut revoir le contexte. Le Comité International Olympique (CIO) a proposé à toutes les fédérations de revenir vers lui avec des avis sur la réintégration des sportifs russes et biélorusses dans le calendrier international, dans la perspective des JO. Il était normal que la FIE interroge les membres de ses fédérations. L'escrime est la première fédération internationale à s'être saisie du sujet, c'est pour ça qu'on en a beaucoup parlé", se défend-t-elle.

Une décision en attente de la validation du CIO

Pour prendre cette décision, la FIE s'est appuyée sur le retour des différentes fédérations nationales. Vendredi, ce sont trois questions différentes qui ont été abordées et validées pendant le congrès : la réintégration des athlètes russes et biélorusses en individuel, en équipe et des dirigeants. A chaque fois leur retour a été approuvé avec environ 65% de votes. La directrice générale de la FFE explique que le congrès a essayé de prendre en compte tous les éléments pour ce vote : "C'est très complexe. On n'est pas à l'aise car chacun veut aussi traduire des sentiments humains. Mais on a un poste et des responsabilités. Quand on entend le président de la fédération ukrainienne s'exprimer en début de congrès c'est forcément émouvant."

Avant de pouvoir être effectif, ce choix doit encore être validé par le CIO et ne garantit pas leur participation aux Jeux olympiques de Paris l'année prochaine. "Nous ne sommes pas là pour faire de la politique, mais pour faire du sport", avait d'ailleurs expliqué le président de la Fédération Française d'Escrime, Bruno Gares, sur France Info.

"On devra suivre la position du CIO. Si ça se fait, ce sera avec les conditions de neutralité, anti-dopage ainsi que la sécurité sur les compétitions. La FIE a d'ailleurs assuré qu'elle aiderait financièrement les organisateurs à prendre en charge les dispositifs de sécurité autour des compétitions", précise Sylvie Le Maux.

En cas de retour des sportifs russes et biélorusses, plusieurs questions resteraient encore en suspens. De quelle manière procéder à leur réintégration ? Que se passerait-il si un athlète ukrainien était amené à croiser la route d'un athlète russe ?

Dans tous les cas, la bataille entre les deux camps n'est pas terminée. L'Ukraine a exprimé son indignation et l'escrimeuse Olga Kharlan a mis en garde la fédération internationale : "Avec les autres athlètes ukrainiens on va se battre contre cette décision. On veut faire comprendre à la fédération qu'elle n'a pas fait le bon choix. Quand ils reviendront en compétition, ils ne seront pas les bienvenus." Le message est clair.

Hugo Pellissard avec Léna Marjak