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Tour de France 2024: pourquoi comparer Pogacar à Merckx n'a aucun sens, selon Guimard

Sur le point de remporter son troisième Tour de France à seulement 25 ans, Tadej Pogacar est souvent présenté comme l'héritier d'Eddy Merckx, quintuple vainqueur de l'épreuve. Mais pour notre consultant Cyrille Guimard, la comparaison ne tient pas.

Cyrille, sauf catastrophe, Tadej Pogacar remportera ce dimanche soir son troisième Tour de France à 25 ans, après les éditions 2020 et 2021. Une victoire logique ?

Il y a eu une maîtrise totale de Pogacar sur l’ensemble du Tour. Il avait la fraîcheur, la puissance et une équipe supérieure à ses adversaires directs. Dans la configuration des compétitions aujourd’hui, la puissance des équipes est un facteur très important. Il faut quand même le dire, ses adversaires n’étaient pas à 100% de leur potentiel pour les raisons que tout le monde connaît. Ils étaient dans l’incapacité d’arriver à leur top niveau après leurs chutes (en avril sur le Tour du Pays basque pour Jonas Vingegaard, Remco Evenepoel et Primoz Roglic). Pogacar a été serein durant ces trois semaines.

En devenant le premier coureur depuis Marco Pantani en 1998 à réussir sur la même année le doublé Giro-Tour, Pogacar entre un peu plus dans l’histoire du cyclisme ?

C’était un doublé relativement facile pour lui. En plaisantant, je dis qu’il n’a gagné que le Tour d’Italie cyclotouriste (sourire). Ce n’est pas du tout péjoratif, mais ça rappelle qu’il n’avait pas beaucoup d’adversaires sur ce Giro qu’il a dominé. Il est arrivé sur le Tour de France plutôt frais en ayant bien travaillé entre la fin du Giro et le départ de ce Tour. C’est un coureur qui maîtrise totalement ses programmations d’entraînement et sa capacité d’arriver au top niveau sur ses grands objectifs.

Est-il pertinent, comme beaucoup le font, de le comparer à Eddy Merckx, le plus grand coureur de l’histoire ?

C’est ce qu’on fait à chaque fois qu’un nouveau champion arrive. On veut le comparer aux autres. Mais comment voulez-vous comparer Merckx et Pogacar ? Il y a un demi-siècle d’écart entre eux. Tout a changé : le système des compétitions, l’organisation des équipes, les structures… Je vais vous donner un exemple. À l’époque de Merckx, que je connais bien puisque j’y étais, les équipes pros représentaient entre 16 et 20 coureurs. Aujourd’hui, ce sont 30 coureurs et une structure d’équipe pro c’est entre 120 et 140 personnes qui travaillent. A mon époque, on était 40. On ne peut donc pas comparer le déroulé des épreuves qui ont eu lieu il y a 50 ans à la façon dont elles se déroulent aujourd’hui. La seule chose que l’on sait, c’est qu’il y a quelqu’un qui domine dans toutes les générations, qu'il s'agisse d'Eddy Merckx, Bernard Hinault, Jacques Anquetil ou Tadej Pogacar.

Dans sa façon de courir et son caractère offensif, Pogacar a-t-il des ressemblances avec Merckx ?

Merckx et Pogacar sont deux personnages totalement différents. Merckx était plutôt très réservé, il ne laissait pas paraître ses émotions, même quand il passait la ligne pour un titre de champion du monde. Pogacar, lui, est souriant, ouvert, joueur… Le seul point sur lequel se rejoignent les grands champions, c’est qu’ils veulent la gagne et la puissance de la domination. Dominer, pour les grands champions, c’est primordial.

En termes de lignes sur son palmarès, que manque-t-il à Pogacar pour marquer encore davantage les esprits ?

Vu son âge, il peut rapidement arriver à cinq victoires sur le Tour (record codétenu par Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain). Je suis sûr qu’il y pense. Il rentrerait dans la cour des plus grands vainqueurs du Tour. Après le Tour des Flandres, il pourrait aussi tenter de remporter Paris-Roubaix.

Propos recueillis par Rodolphe Ryo