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“Ça gâche la vue”: Bordeaux, le déplacement des bateaux de croisière hors du centre-ville divise

Leur accueil est "de plus en plus mal ressenti": à Bordeaux, la mairie écologiste veut bannir les bateaux de croisière du centre-ville, suscitant l'opposition d'une partie du monde économique qui s'inquiète pour la manne touristique des paquebots. Pierre Hurmic, maire EELV de Bordeaux répond aux inquiétudes au micro de RMC ce mercredi 21 août.

Des bateaux de croisière dans un centre-ville. Ils sont de plus en plus décriés par les riverains et surtout les associations écologistes qui dénoncent une pollution à la fois visuelle, sonore et olfactive lié au fioul des paquebots. À Bordeaux, le maire écologiste, Pierre Hurmic, a pris une décision: déplacer les paquebots à l'extérieur de la ville, à 3 km du centre ancien.

Ils accostent actuellement sur les quais du port de la Lune, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, mais la mairie compte déplacer leur amarrage sur la rive droite de la Garonne, en "aval immédiat" du pont levant Chaban-Delmas qui donne accès à l'hyper-centre.

Selon le Grand port maritime de Bordeaux, le projet en est "aux études techniques et réglementaires". L'exécutif municipal a déjà obtenu de contenir le nombre d'escales de croisière dans le centre-ville, qui a doublé depuis une décennie, à "une quarantaine" par an.

Les paquebots, une nuissance à Bordeaux

Pourquoi, donc, ce déplacement? "Ils sont en plein cœur de ville. Les paquebots sont de plus en plus grands, ce sont des immeubles flottants et imposants qui masquent la vue sur le patrimoine bordelais. Ils sont de plus en plus ressentis comme une nuisance", justifie Pierre Hurmic, maire EELV de Bordeaux depuis 2020, au micro de RMC dans Apolline Matin.

La mairie mise ainsi sur son réseau de navettes fluviales pour transporter les visiteurs d'une rive à l'autre et estime que l'accostage des navires dans un secteur "moins engorgé" facilitera l'utilisation des cars pour se déplacer dans le département et la région.

Autre argument qui justifie ce déplacement selon le maire EELV: leur relocalisation "dans les années qui viennent" permettra de relier les bateaux à l'électricité afin de limiter la pollution engendrée par leurs "moteurs au gasoil". Construire les infrastructures nécessaires sur le lieu d'accostage actuel, "en plein périmètre Unesco", s'avérerait "très imposant et extrêmement coûteux", ajoute l'élu, jugeant "beaucoup plus facile" de le faire sur la rive droite.

Un manque à gagner?

S’il ne s'agit pas d'une suppression, cette idée divise les Bordelais. Colline, jeune citoyenne, n'en peut plus de voir chaque année les 40 paquebots sur les quais: “Ça gâche un peu la vue et ça gâche la beauté des quais de Bordeaux”.

Des bateaux qui sont aussi responsables d'une pollution atmosphérique importante, et qui dégradent le patrimoine historique avec les vagues qu’il déclenche, selon Daniel Delestre, président de Sepanso Aquitaine, une association environnementale, avec les vagues que génèrent les paquebots.

“C’est deja arrivé qu’un bateau de croisière génère une forte vague. Des gens avaient retrouvé de l’eau dans leur jardin, des murets s’étaient effondrés donc ce n’est pas très agréable”.

Mais déplacer les bateaux loin du centre-ville ne convient pas aux commerçants, car les 60.000 croisiéristes dépensent en moyenne 200 euros par escale.

“C’est une manne financière qui est non négligeable pour tous les commerces bordelais. Ces touristes-là qui venaient dans le centre-ville ne viendront peut-être pas et les paquebots ne reviendront peut-être plus non plus sur Bordeaux”, déclare Laurent Huet, président des commerçants du quartier St-Pierre.

Une inquiétude injustifiée

Mais cette inquiétude n’est pas rationnelle pour Pierre Hurmic. "Les touristes vont continuer à venir, Bordeaux reste une destination prisée, pour ses vignobles, ses châteaux, sa ville, etc. Actuellement, vous avez des autobus qui attendent les touristes à la sortie des bateaux, et ça, ça ne changera pas”.

Pierre Hurmic rappelle que les croisiéristes représentent 60.000 passagers, à comparer avec les 4 millions de touristes annuels, ce qui représente seulement 1.5% des visiteurs annuels. Il le répète: il ne refuse pas l'entrée des paquebots dans la ville, ils les déplace de quelques kilomètres.

“Donc les touristes continueront de venir à Bordeaux, ils accosteront juste un peu plus loin, ça ne change pas fondamentalement les choses", conclut-il sur RMC.
Pierre Bourgès avec Charline Andrieux