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Kazimierz Deyna, "le Général"

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Cimetière El Camino Memorial Park, San Diego, USA: un homme après avoir rendu comme il se doit hommage à un des siens disparu se décide à rentrer chez lui. Avant de sortir, son regard est attiré par l'épitaphe d'une pierre tombale. Le nom du défunt est à forte consonnance étrangère, sûrement originaire des pays de l'Est. Après un bref arrêt, il poursuit son chemin, indiffèrent. Pourtant, il ne sait pas qu'il vient de passer à côté du tombeau d'un des plus grands joueurs que le football ait connu: Kazimierz Deyna.

"Deyna Kazimierz - touche pas à Kazek ou tu mourras!". C'est ce refrain que pendant près d'une douzaine d'années les supporters du Legia Varsovie ne cessaient de répéter à domicile afin de mettre en garde quiconque aurait l'audace de commettre une faute sur leur idole. Même quand cela arrivait, Deyna en grand artiste évitait la grande majorité des tacles. Et comme tous les grands artistes, il n'était pas compris par tout le monde. Certaines personnes critiquaient la manière avec laquelle il menait le jeu, qui consistait à garder le ballon jusqu'à ce qu'un de ses partenaires puisse se démarquer. Lorsque l'adversaire ne le permettait pas, Deyna savait également tirer d'une façon sèche, précise et forte, au point que le public se levait et applaudissait tellement qu'on pouvait entendre cette joie collective jusqu'au Palais de la Culture au centre de la capitale polonaise.

Son talent fut découvert par son entraîneur Henryk Piotrowski alors qu'à l'âge de 16 ans seulement (il est né en 1947) il jouait sous les couleurs du Starogard Gdansk. Rien d'étonnant que de nombreux clubs de première division polonaise s'y soit intéressé rapidement. Il atterrit d'abord au LKS Lodz, puis, ayant tapé à l'oeil des dirigeants du Legia Varsovie, il reçut une convocation pour l'armée. C'est ainsi qu'en 1966 commença l'histoire d'amour qui liera le jeune footballeur au club militaire et à toute la Pologne. Par le plus heureux des hasards, il se passa alors une chose au Legia qui n'a lieu qu'une fois tous les vingt voire trente ans: à la même époque et dans la même équipe s'étaient rencontrés plusieurs joueurs fantastiques ayant à leur tête un entraîneur exceptionnel. Parmi eux, Brychczy, Blaut, Zmijewski, Gadocha et bien sûr Deyna. Ce dernier fut très vite titularisé à part entière dans la formation de Jaroslav Vejvoda, qui s'était rendu compte qu'il possédait une véritable perle rare. Les années passèrent, et Deyna devint l'un des meilleurs milieux de terrain au monde, la Pologne l'une des meilleures représentations du globe et le Legia l'une des meilleurs équipes d'Europe. Le tout durant un laps de temps très court grâce à Deyna.

Dès 1967, il devint le préféré du public varsovien. Un an plus tard, il entrait en Equipe Nationale. Le titre décroché en 1969 par le Legia après un match époustouflant face au Ruch Chorzow (6:2) marqua le début d'une domination de ce club en Pologne et de matches mémorables en Coupes d'Europe. Comme par exemple le 8:0 contre le UTA Arad (alors qu'à la trêve le score était vierge), puis la visite de l'AS Saint-Etienne, le tombeur du Bayern Munich. A Varsovie, les Polonais ont gagné par 2:1, et en France par 1:0. Lors des deux rencontres, Deyna trouva le chemin des filets. Les journalistes de l'Hexagone furent si impressionnés par son jeu qu'ils le surnommèrent "le Général". Durant la saison 1969/70, le Legia atteignit le stade des demi-finales de la Coupe des Champions, en éliminant notamment le prestigieux Feyenoord Rotterdam. Une année plus tard, Deyna et compagnie ne s'inclinèrent qu'en quarts, face à l'Atletico de Madrid. Après les bonnes performances au niveau du club et de distinctions personnelles, ce fut au tour des succès avec les "Bialo-Czerwony". En 1972, la Pologne remporta les Jeux Olympiques de Munich et Deyna fut le meilleur buteur de la
compétition. Puis, l'élimination de l'Angleterre et la première qualification pour la Coupe du Monde de football d'après-Guerre pour les Polonais. En RFA, ils furent au rendez-vous avec leur excellent parcours sous la houlette de Kazimierz Gorski et une médaille de bronze à la clé.
Troisième place également la même année pour "le Général" dans le traditionnel plébiscite de "France-Football" (juste derrière "le Kaiser" Franz Beckenbauer et Joyann Cruyff). 1975: merveilleuse victoire (4:1!) face aux vice-champions du monde, les Néerlandais, dans le stade fétiche de Chorzow. En 1976, une nouvelle médaille, cette fois d'argent, aux J.O. de Montréal. Il faut également y ajouter une participation au Mundial'1978 en Argentine et son centième match sous les couleurs rouges et blanches.

Deyna n'avait pas d'égal en Pologne, mais il n'eut pas l'occasion d'exprimer son talent dans un club étranger de renom. En tant que sous-lieutenant de l'Armée polonaise et en pleine Guerre Froide, il n'avait pas la moindre chance de jouer pour une formation issue d'un des pays de l'OTAN. Et Dieu sait qu'il y en avait des propositions! Il y eut d'abord l'AS Saint-Etienne. Ensuite, ce fut le prince Rainier qui personnellement lui proposa de venir à Monaco. Il y eut même le Real de Madrid qui voulut s'approprier ses services, lui ayant laisser un maillot à son nom. Les dirigeants des Cosmos voyait bien Deyna dans l'équipe de rêve qu'il voulait former, avec Beckenbauer et le Brésilien Rivelino en tant que milieux, et Cruyff en attaque. Le président de l'Inter de Milan voyant que le Legia n'était pas prêt à lâcher son trésor, contacta directement le joueur par courrier. Lorsque enfin Deyna eut l'autorisation de jouer en dehors des frontières, il avait 31 ans. Il accepta alors l'offre qu'on lui proposait, et non celle qu'il aurait voulu. C'est ainsi qu'il devint le second joueur d'Europe de l'Est à atterrir chez les Britanniques de Manchester City, en 1978. Son séjour en Angleterre ne dura que trois ans, le style de jeu ne lui convenant pas sur l'Ile. Il partit pour les USA avec sa femme et son fils qui avait alors huit ans. Il joua pour le San Diego Sockers de Californie, en hall et sur grand terrain dans la North American Soccer League. Par trois fois il décrocha le titre de champion des USA en hall (1983,1985,1986). Il reçut des télégrammes de félicitations de la part du Président Ronald Reagan. Dans le film "Victory", il joua le rôle du soldat polonais qui devait essayer de battre avec une équipe internationale (composée notamment de Pelé, Bobby Moore, Osvaldo Ardiles et de Sylvester Stalone) la représentions de l'Allemagne nazie.

En 1987, Deyna disputa son dernier match officiel. Il essaya de se refaire une nouvelle vie, mais son manager américain avait dilapidé son argent. Son seul souhait était de revenir en Pologne. Il se mit à boire de l'alcool, ce qui n'avait jamais été le cas dans son pays natal. L"American dream" était devenu l"American nightmare". Le premier août 1989, il se tue dans un accident de voiture. Les analyses ont détecté un fort taux d'alcool dans le sang. Personne ne vint à son enterrement: ni sa famille de Starogard, ni
des représentants de la Fédération polonaise ou du Legia, ni ses amis.

Deyna fut un footballeur génial. Elu joueur du XXème siècle en l'an 2000, il restera à tout jamais gravé dans les mémoires comme ayant été un meneur de jeu exceptionnel avec un fin sens tactique. Un véritable Général, si vous préférez...

Adam Zohry.
 



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